Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les jours se suivent et se ressemblent, tout du moins s’agissant de la problématique des normes applicables aux collectivités territoriales.
Nous avons en effet adopté, hier, une proposition de loi constitutionnelle qui devrait notablement contribuer – le jour où elle sera mise en œuvre ! – à corriger à la source la propension de notre culture politique et juridique à accumuler dans la loi et dans la réglementation des prescriptions redondantes, des exigences disproportionnées et des procédures inextricables.
Chaque élu local ne cesse d’expérimenter tout au long de ses mandats à quel point ce phénomène entrave l’action au-delà de ce que requiert la sécurité des procédures et renchérit les coûts au-delà de ce que permet la contraction des ressources publiques, surtout en ces temps de rigueur budgétaire et de réduction des dotations.
Il fallait donc viser la source de l’inflation normative, qui est bien souvent législative, et c’est pourquoi nous avons souhaité inscrire dans la Constitution elle-même le principe de la compensation par l’État des charges supplémentaires créées par les normes nouvelles. Il n’y a pas de moyen plus efficace de créer le changement dans notre façon de légiférer et de réglementer, afin de nous rapprocher de la réalité des pratiques en vigueur dans les pays européens qui nous entourent et qui, finalement, ne fonctionnent pas si mal, bien au contraire.
Toutefois, nous avons souhaité, parallèlement à cette initiative constitutionnelle, faire progresser la sobriété normative, en rappelant un principe simple : pour une norme réglementaire créée, une norme supprimée ou allégée. C’est le premier objet de notre proposition de résolution.
Des initiatives ont déjà été prises en ce sens, avec l’inscription de ce principe dans la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du « gel » de la réglementation. Cependant, M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification a indiqué lui-même, en réponse à une question orale, que ce texte n’était qu’un « premier pas ».
Donner à l’objectif de simplification la priorité qu’il mérite suppose en effet une profonde évolution de la culture administrative. Une circulaire, si utile soit-elle, ne peut y suffire dans la durée.
C’est la raison pour laquelle notre proposition de résolution suggère dans sa première partie de rehausser dans la hiérarchie des normes le principe selon lequel l’ajout d’une norme doit être compensé par la suppression ou l’allégement d’une autre, dans le cas de la réglementation applicable aux collectivités territoriales. C’est une façon pragmatique de réguler les flux de normes nouvelles tout en s’attaquant par la bande au stock existant.
En effet, le problème du stock est crucial. Alors que les ressources des collectivités territoriales subissent de la part de l’État une pression massive, les coûts économiques, techniques et administratifs de l’empilement normatif existant sont devenus insupportables. C’est pourquoi nous devons engager une action systématique de réduction de ces stocks. Les élus locaux nous le demandent, de manière insistante et réitérée, et ils ont raison.
Néanmoins, par quoi commencer ? Notre délégation a posé la question aux élus en les interrogeant sur leurs priorités à l’occasion du congrès des maires en 2014. Le niveau de participation à notre consultation, comme Rémy Pointereau le rappelait encore hier, a été significatif. Lors de la fermeture de celle-ci, en février 2015, près de 4 200 réponses avaient été transmises à la délégation.
Les résultats ont été parlants : près de 64 % des réponses ont mentionné l’urbanisme et le droit des sols comme secteurs prioritaires pour la simplification. C’est pourquoi notre délégation a décidé de consacrer ses premiers travaux de simplification du stock de normes aux dispositions régissant l’urbanisme.
Sous l’impulsion de Rémy Pointereau, notre premier vice-président délégué, nous nous sommes dans un premier temps intéressés à la réglementation. La deuxième partie de la proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui est l’aboutissement de cette démarche. Elle identifie plus d’une dizaine de pistes de simplification concrètes, qui nous semblent à même de montrer que le processus de simplification s’enclenche, qu’il s’intensifie, que la demande exprimée par les élus locaux ne reste pas sans réponse, que le Sénat, totalement inscrit dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, est à la manœuvre.
Certaines de ces pistes sont connues de tous ; notre collègue Éric Doligé les a présentées dans son rapport de 2011 sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Cinq ans après, elles sont toujours d’actualité.
Certaines autres pistes ont fait l’objet d’annonces de la part du Gouvernement, dont les plus récentes remontent au 14 septembre dernier. Souhaitons que le Sénat serve d’aiguillon pour que ces annonces se concrétisent pleinement et rapidement.
Je ne mets nullement en doute la détermination du Gouvernement, la vôtre, monsieur le secrétaire d’État ou celle de M. Mandon, avec qui nous avons eu l’occasion de nous entretenir de ce sujet. Toutefois, entre la volonté et l’action, nous avons un rôle d’impulsion à jouer, et c’est aussi l’esprit de cette résolution, qui n’a aucune valeur contraignante, mais qui constituerait un signal fort si elle était adoptée.
Je distinguerai quatre catégories de propositions.
Tout d’abord, trois dispositions de la proposition de résolution appellent le Gouvernement à clarifier, au moyen d’instruments de droit souple – des chartes ou des référentiels élaborés en concertation avec les élus locaux –, les relations entre les collectivités et certains de leurs interlocuteurs – les commissions de sécurité et les officiers préventionnistes, les architectes des bâtiments de France, les agences régionales de santé.
Quatre dispositions de la proposition de résolution incitent le Gouvernement à simplifier les règles de construction et de gestion des établissements recevant du public – il s’agit là d’un sujet sensible – en portant à la connaissance des préfets et des élus locaux les dérogations aux règles d’accessibilité existantes dans une circulaire ; en ajustant la périodicité de certains contrôles, à commencer par ceux qui sont relatifs aux installations électriques ; en élargissant la possibilité d’installation de classes démontables dans les établissements scolaires faisant l’objet de travaux ; enfin, en assouplissant les normes parasismiques dans les zones et pour les bâtiments présentant un très faible enjeu au regard du risque sismique.
Quatre autres dispositions de la proposition de résolution invitent le Gouvernement à alléger les formalités pesant sur les actes et les documents d’urbanisme grâce à la simplification d’un formulaire de déclaration préalable – le CERFA 13 404 – pour certains types d’aménagement, de construction et de travaux ; à l’établissement de la liste précise des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ; à la limitation à un mois de la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun des déclarations préalables, des permis de construire et des permis d’aménager ; enfin, à la simplification des obligations réglementaires pesant sur les plans locaux d’urbanisme, en particulier les études exigées dans les zones humides. Qui, sur son territoire, n’a pas été confronté à des conflits, des interrogations et des incertitudes sur ce sujet sensible ?