Intervention de Cédric Perrin

Réunion du 13 janvier 2016 à 14h30
Simplification de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et de certaines normes d'urbanisme — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’introduire mon propos par le diagnostic établi par le Conseil d’État en 1991 : « La surproduction normative, l’inflation des prescriptions et des règles ne sont pas des chimères, mais une réalité ». Cette réalité, nous la subissons tous au quotidien. Dans ce rapport, la haute juridiction démontrait déjà l’existence d’une véritable « logorrhée législative et réglementaire ».

D’autres travaux récents sont venus illustrer ce constat : en 2007, le rapport d’Alain Lambert ; en 2011, le rapport d’Éric Doligé ; en 2012, le rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Et sur le plan international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, consacrait en 2010 une étude relative aux moyens permettant de « mieux légiférer en France ».

Pourtant, plus de vingt-cinq ans après le rapport du Conseil d’État, le constat est le même et il se révèle particulièrement préoccupant pour les collectivités territoriales.

Cela a été rappelé à de nombreuses reprises, cette inflation législative est incompréhensible pour nos concitoyens, parce qu’elle se traduit par des dépenses obligatoires nouvelles, mais aussi parce qu’elle va de pair avec des procédures complexifiées et des délais toujours plus longs. Dans les petites communes, notamment, des aberrations sont quotidiennement constatées. Nous les subissons tous.

Deux propositions concernent la rédaction d’une charte nationale pour harmoniser les niveaux d’exigence en matière de sécurité et d’architecture.

Cette harmonisation est urgente. Tous les maires peuvent en attester. À ce titre, prenons l’exemple d’une commune de mon département, qui compte moins de 400 habitants. Son église, de style roman, dont les premières pierres furent posées au XIIe siècle, figure sur la liste des monuments historiques. Conséquence regrettable de cette prestigieuse qualification, la covisibilité entre l’église et les constructions situées dans un périmètre de 500 mètres donne lieu à des obligations superfétatoires.

Ainsi, un propriétaire âgé s’est vu refuser la pose d’une porte de garage séquentielle, alors même que sa propriété est très éloignée de l’édifice et qu’elle se situe dans un lotissement moderne. Rassurez-vous, la pose d’une porte de garage en bois avec une petite porte lui a été autorisée, ce qui lui impose de sortir systématiquement de son véhicule pour le stationner !

Une autre proposition concerne l’établissement d’une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité. On ne peut douter de l’utilité d’une telle mesure quand on apprend que seuls 22 % des actes reçus ont été effectivement contrôlés en 2012. Au-delà de ce constat, c’est aussi la question de la formation et des compétences techniques des agents municipaux qui se pose. Nombre d’entre eux sont démunis face à la multiplication des normes et à la complexité qui en découle.

Chaque préparation de délibération est redoutée, par crainte qu’elle ne soit « retoquée ». Exclure du contrôle de légalité certains actes secondaires permettra à nos agents de se concentrer sur l’essentiel.

La proposition visant à simplifier la réglementation applicable aux PLU et à réduire le nombre de documents d’urbanisme concourt également à cet objectif : les SRCE, SCRCAE, SRADDT, SRADDET, PGRI, etc., sont autant d’acronymes derrière lesquels se cache un empilement normatif qui nourrit l’exaspération de nos agents. On exige d’eux le respect des réglementations, alors même que celles-ci n’ont pas la même valeur juridique.

J’ai recueilli à cet égard les témoignages d’agents et d’élus de mon département. « On marche sur la tête », m’ont-ils confié, appelant à plus de souplesse. Ils ont raison. Comment justifier des divergences d’appréciation et d’exigence d’un département à un autre ? Comment justifier le zèle dont font parfois preuve certains fonctionnaires qui surajoutent des obligations aux normes en vigueur ?

En ce sens, un autre secteur a été à juste titre désigné comme prioritaire pour la simplification : la mise en accessibilité des établissements recevant du public, un secteur que 36 % des élus ayant répondu au questionnaire proposé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont en effet mentionné.

Au degré de complexité des dispositions s’ajoute dans ce domaine l’imprévisibilité des avis rendus par les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité. Sur le terrain, les situations s’enlisent. Il est urgent d’agir pour faciliter et promouvoir les actions engagées, et pour enfin harmoniser le degré d’exigence d’un territoire à l’autre.

Ainsi, notre objectif, avec la proposition de résolution, est de faciliter le quotidien des élus locaux et des administrés en relâchant l’étau normatif qui entrave l’action locale. Nous en parlons tous dans nos circonscriptions, nos mairies, nos conseils municipaux. Aussi, ici au Sénat, faisons-le et simplifions enfin ! Une fois de plus, notre assemblée s’inscrira ainsi dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, en proposant des mesures réglementaires significatives et, surtout, de bon sens.

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