Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 19 janvier 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Suite de la discussion d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà ! Nous abordons ce beau et grand débat sur le vivant, les vivants, les interactions qu’ils ont avec leurs milieux et leur préservation conjointe.

Notre pays, la France, possède l’un des patrimoines naturels les plus riches et les plus variés au monde par son territoire et sa surface maritime répartie sur tous les continents. Je pense naturellement aux grandes barrières de corail de Nouvelle-Calédonie, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais également aux climats du vignoble de Bourgogne eux aussi récemment classés.

Pour autant, l’équilibre est fragile. Des études évoquent ainsi une sixième extinction de masse, ce dont chaque citoyen est – je le crois – désormais conscient. J’ai d’ailleurs en tête le combat de ces jeunes agriculteurs de l’Yonne qui demandent l’arrêt du grignotage systématique des espaces naturels cultivables.

En effet, on le perçoit bien, mes chers collègues, les tendances lourdes qui sont à l’œuvre favorisent le développement de villes-monde qui se livrent à une féroce concurrence internationale.

En définitive, la « mégamachine » décrite dans les années cinquante par Lewis Mumford est en train de devenir réalité, avec tout ce que cela contient en germe de dépersonnalisation des relations. Ou quand la personne, au lieu d’être insérée dans des communautés de vie et de partage, s’efface pour n’être qu’un individu ballotté, peut-être désespéré.

C’est ce que Henry David Thoreau, l’auteur de Walden ou la vie dans les bois, avait lui aussi prédit dès la fin du XIXe siècle : « L’existence que mènent en général les hommes est une existence de tranquille désespoir. Ce que l’on appelle résignation n’est autre chose que du désespoir confirmé. De la cité désespérée vous passez dans la campagne désespérée, et c’est avec le courage de la loutre et du rat musqué qu’il vous faut vous consoler. Il n’est pas jusqu’à ce qu’on appelle les jeux et divertissements de l’espèce humaine qui ne recouvre un désespoir stéréotypé quoique inconscient ».

Pourquoi dresser un tel tableau en préambule ? C’est parce que le débat que nous allons avoir, mes chers collègues, renvoie aussi au sens que nous souhaitons donner aujourd’hui à notre action dans le monde !

La vie transforme les êtres vivants. La vie évolue. Henri Bergson l’a bien expliqué : il y a coappartenance des vivants et des milieux, il y a codépendance. Mais ne perdons pas de vue que l’homme reste l’être le plus capable de conscience sur notre planète. Par conséquent, c’est aussi à nous d’avoir conscience de la Terre.

Cette prise de conscience doit nous réconcilier avec le long terme, quand nous subissons la tyrannie de l’accélération du temps. Elle doit également nous réconcilier avec les « petites patries » que sont les territoires dans lesquels plongent nos racines. Bref, à naufrage mondial, répondons par un ancrage local, à échelle humaine, à hauteur d’homme.

Face à ces immenses défis auxquels nous devons faire face, nous ne devons pas céder à la tentation de désigner des bons et des mauvais. Bref, pour une fois, ne succombons pas à cette passion française de désigner des boucs émissaires ! Or c’est bien ainsi que se sentent parfois considérés les « œuvriers » de la planète que sont les agriculteurs, les chasseurs ou les élus des collectivités locales.

Agissons plutôt avec le souci du dialogue et du pragmatisme, qui sont – comme l’a dit Michel Vaspart précédemment – un gage d’efficacité ! Nous avons besoin de tout le monde. La reconquête de la biodiversité passe par des partenariats forts avec tous les acteurs. Ne ravivons pas des conflits par des approches par trop vécues comme punitives.

J’ai par exemple vu que Mme Blandin avait déposé un amendement sur l’interdiction de la chasse le mercredi. Il s’agit pourtant d’un vieux débat qui a déjà été tranché.

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