Sur la question de l'efficacité, je ne suis pas légitime pour en traiter. J'ai simplement observé que les comptes rendus faits par le ministère de l'intérieur et par les parlementaires montrent que cette question peut être posée. Pour ma part, je me suis demandé si les textes adoptés récemment pour lutter contre le terrorisme n'auraient pas eu la même efficacité que la loi sur l'état d'urgence. Un travail d'évaluation est indispensable.
Vous êtes d'accord, je pense, pour considérer que des mesures d'exception intrusives sont légitimes pour prévenir des actes de terrorisme. Comme je l'avais suggéré, le Gouvernement a informé le Conseil de l'Europe qu'il dérogeait, pendant l'état d'urgence, à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu de son article 15.
Si nous voulons préserver nos droits fondamentaux il faut, face aux mesures de sécurité exceptionnelles, apporter des garanties elles-mêmes exceptionnelles. C'est le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Mais si l'exception devenait habituelle par la prolongation de l'état d'urgence ou par l'adoption du projet de loi relatif à la procédure pénale, le curseur entre sécurité et liberté serait déplacé. Ma mission est alors de trouver les moyens de garantir les libertés lorsqu'on accroit le niveau d'exigence de sécurité. Nous pourrions aussi accepter une altération durable de notre niveau de droit mais c'est une décision politique qui relève de la représentation nationale.
Sur la question de la trace laissée lors des opérations des services de police ou de gendarmerie, par le biais du procès-verbal, vous savez que le Défenseur des droits milite depuis longtemps pour la traçabilité du contrôle d'identité. Dans le cadre de la proposition de loi du député Gilles Savary relative à la sécurité dans les transports publics, j'ai ainsi suggéré que l'extension des pouvoirs des agents de la SNCF et de la RATP soit accompagnée de la traçabilité des contrôles.
Comme vous le voyez, je ne parle pas de grandes questions politiques ou philosophiques mais de droits « courants » comme les droits de l'enfant, le droit à la vie privée, à l'emploi, au logement. Dans la maison de la sagesse qu'est le Sénat, je vous demande de prendre la mesure de ce travail d'ébénisterie législative nécessaire pour maintenir l'état de droit au niveau que je défends.
J'ai précisé dans mon propos liminaire avoir recueilli des témoignages pour la plupart desquels je suis en phase d'instruction, comme nous le faisons habituellement en matière de déontologie de la sécurité. Nous avons adressé des demandes aux autorités concernées par les réclamations. Dans la plupart des cas, je ne peux attester de la véracité des témoignages. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité d'établir un procès-verbal et de créer un formulaire de demande d'indemnisation des dommages.
La Procureure générale près la Cour d'appel de Paris, Catherine Champrenault, a cité à l'occasion de la rentrée solennelle Antoine de Saint-Exupéry: « on ne peut pas être à la fois responsable et désespéré ». Je ne suis pas désespéré car nous avons la possibilité de préserver l'état de droit par un équilibre entre exigence de sécurité et garantie des libertés.