Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Information de l'administration et protection des mineurs — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai par sur les tragiques événements qui se sont produits dans l’Isère et en Ille-et-Vilaine. Je sais que vous les avez tous en tête, ne serait-ce que parce nous avons déjà débattu de ce sujet à deux reprises dans cet hémicycle : d’abord, l’été dernier, lors de l’examen de l’amendement du Gouvernement au projet de loi relatif à l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dit « projet de loi DDADUE », dispositions qui ont finalement été retoquées par le Conseil constitutionnel, le 13 août dernier, dans sa décision n° 2015-719 DC ; ensuite, le 20 octobre dernier, lors de l’examen et de l’adoption de ma proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles. Aujourd’hui enfin, nous traitons de nouveau, pour la troisième fois, du même sujet, à l’occasion de la discussion d’un texte gouvernemental !

J’aimerais simplement vous rappeler que le but que nous partageons tous est celui de protéger les enfants de prédateurs qui ne devraient pas être au contact de jeunes publics.

Ce but n’est pas antinomique, bien au contraire, avec le soutien que je souhaite apporter aux professionnels concernés, notamment de l’éducation, ainsi qu’à tous les bénévoles qui œuvrent au contact des enfants. Je désire leur rendre ici hommage. En effet, il s’agit de très belles vocations qui agissent au profit des plus jeunes et forment les futurs esprits de demain. Aussi, je pense nécessaire de préciser qu’aucun des textes dont nous traitons sur ce sujet ne saurait jeter l’opprobre sur ces professionnels et ces bénévoles, qui comptent parmi les plus méritants.

Cela dit, il faut se rendre à l’évidence suivante : malgré le constat d’une parole heureusement de plus en plus libérée dans notre société sur ces agissements criminels, au sein que ce soit de l’administration ou des familles, et malgré des dispositions du code pénal et du code de l’action sociale et des familles qui encadrent de plus en plus précisément le risque pédophile, la répression de celui-ci et le suivi des personnes incriminées nous conduisent à dresser un bilan dramatique. Je ne dispose pas des chiffres de 2015, madame la ministre, mais seize révocations d’enseignants sont encore intervenues en 2014 dans ce cadre !

Où se situent les dysfonctionnements ? Ils se trouvent dans le non-respect non seulement de l’application de la circulaire du 26 août 1997 portant instruction concernant les violences sexuelles qui détermine la ligne de conduite à suivre au sein du ministère de l’éducation nationale, mais également de la dépêche du 29 novembre 2001 relative à l’avis à donner aux administrations à l’occasion des poursuites pénales exercées contre des fonctionnaires et agents publics.

Par conséquent, il apparaît que c’est au stade de la condamnation qu’une faiblesse de notre droit demeure, laquelle a pu conduire aux récents dysfonctionnements. L’interdiction d’exercer toute profession au contact d’enfants pour des personnes concernées par ce type de crime ou de délit est considérée comme une peine complémentaire laissée à la libre appréciation du juge. Temporaire ou définitive, l’interdiction peut être décidée par le juge en complément d’une peine principale.

À cet égard, j’aimerais remercier vivement notre excellent rapporteur, François Zocchetto, de son travail, de son écoute, mais aussi de sa détermination à rendre efficace le présent projet de loi. Celui-ci a permis de reconnaître le travail qui a été réalisé par les députés et les sénateurs, notamment à partir de la proposition de loi du député Claude de Ganay examinée le 3 décembre dernier à l’Assemblée nationale, et de la proposition de loi que j’ai moi-même déposée et qui a été examinée dans notre enceinte le 20 octobre dernier, sans pour autant méconnaître les travaux de notre collègue sénatrice Sylvie Goy-Chavent et du député Pierre Lellouche.

Ces différents travaux rendent complet, à mon sens, le texte issu de la commission des lois sous l’égide de notre rapporteur, texte qui tient compte de tous les débats et de toutes les questions qui ont pu être mises en évidence sur le sujet. Il répond à la situation que nous connaissons et devrait, je l’espère, protéger nos jeunes d’éventuels prédateurs.

À titre personnel, je tiens à préciser que je suis opposée à la transmission d’informations dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre que vous préconisez, madame la ministre. Cela serait contraire au principe de la présomption d’innocence et pourrait jeter le discrédit sur des personnes innocentes. De plus, nous savons tous que des dérives pourraient avoir lieu dans un tel cas de figure, ces informations étant transmises trop tôt.

C’est pourquoi je soutiens plus particulièrement la disposition présentée par M. le rapporteur et adoptée en commission des lois qui prévoit une communication certes antérieure à la condamnation, mais au seul moment de la mise en examen et du renvoi devant une juridiction de jugement, tout en renforçant les garanties et les droits de la défense pour la personne mise en cause.

Madame la ministre, le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale était imparfait : je m’étonne, en vérité, que vous n’ayez nullement tenu compte des débats auxquels Mme la garde des sceaux a assisté au Sénat : ma proposition de loi, je me permets de le rappeler, avait alors été adoptée, la majorité présidentielle s’étant largement abstenue.

Mme Taubira m’avait fait part de son adhésion à ce texte, sous réserve, je le reconnais, d’une réticence, qui portait uniquement sur le fait que le texte n’avait pas été soumis pour avis au Conseil d’État. Avec M. le rapporteur, François Zocchetto, le président de la commission des lois et mes collègues commissaires, nous avions proposé un texte qui se voulait le plus protecteur possible, mais également respectueux du principe fondamental de la présomption d’innocence. Il abordait largement les différentes situations possibles et, je l’affirme haut et fort, il répondait non pas à une émotion, mais à un constat : celui de l’inefficacité des dispositifs existants.

Madame la ministre, vous n’êtes sans doute pas étonnée que le Sénat, dans sa grande sagesse et dans sa constance, propose ce jour un texte amendé de façon qu’il corresponde au mieux au travail de fond déjà réalisé par le Sénat sur ce sujet de la plus haute importance.

J’en appelle au respect de ce travail et au respect du débat législatif qui s’est déroulé à l’automne dernier.

Je forme le vœu que ce texte dorénavant équilibré soit rapidement adopté et mis en application, pour le bien de tous, en particulier des plus jeunes.

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