Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Information de l'administration et protection des mineurs — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est complexe, difficile, car sont en jeu trois principes fondamentaux auxquels nous avons de bonnes et solides raisons de tenir : premièrement, la protection des mineurs ; deuxièmement, la présomption d’innocence ; troisièmement, le secret de l’enquête et de l’instruction.

Je dois vous dire très franchement, madame la ministre, que lorsque nous nous sommes retrouvés en commission mixte paritaire, à l’Assemblée nationale, pour examiner le projet de loi DDADUE, nous n’étions pas en accord avec la rédaction adoptée par les députés. Nous avions en effet considéré que celle-ci ne prenait pas suffisamment en compte la présomption d’innocence.

Le travail mené conjointement par notre collègue député Dominique Raimbourg, que je veux saluer, par vous-même, madame la ministre, et par Mme la garde des sceaux a permis d’améliorer le texte.

Le Conseil constitutionnel a pris une position radicale en éradiquant vingt-cinq ou vingt-six cavaliers, ce qui n’est pas sans conséquence. Cette décision, mes chers collègues, donnera lieu à davantage de projets et propositions de loi. Car si l’on se prive de la facilité d’adjoindre diverses dispositions à divers textes, il faut faire un texte sur chaque sujet.

Toujours est-il que nous sommes parvenus à un point d’équilibre qui n’est sans doute pas parfait, mais qui me paraît être la meilleure solution possible.

Sans revenir sur le cas brillamment évoqué par Jacques Bigot, j’évoquerai deux points.

Sur la peine automatique, tout d’abord, nous sommes en désaccord avec M. le rapporteur.

Vous connaissez le principe, même si l’on peut y déroger. Expliquer la dérogation, c’est s’inscrire dans une logique d’automaticité. Mon groupe y a toujours été hostile. C’est pourquoi nous n’avons jamais souscrit aux peines planchers. Nous avons confiance, en effet, dans l’indépendance du juge, dans sa capacité à juger en fonction des circonstances, de la personnalité de l’auteur de l’infraction et, bien entendu, de la loi.

Nous ne pourrons pas voter le présent projet de loi, pour cette seule raison que nous rejetons le principe de la peine automatique.

Le mot « pouvoir » est d’ailleurs important dans la rédaction actuelle du projet de loi. En cas de condamnation définitive, il n’y a pas de difficulté : il faut transmettre l’information. Mais lorsqu’il y a mise en examen, ce qui suppose l’existence de faits concordants et d’indices sérieux, le procureur pourra – du verbe « pouvoir » – communiquer. Cela veut dire qu’il aura une capacité d’interprétation et de jugement. C’est d’ailleurs sa fonction que de juger.

Sur ce point de l’automaticité de la peine, nous ne sommes donc pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, cher François Zocchetto.

Pour ce qui concerne le second point que je voulais évoquer, la garde à vue, nous sommes en revanche d’accord avec le rapporteur, mais pas avec le Gouvernement. Même si la disposition est assortie d’un certain nombre de considérations, notamment sur la gravité des faits, de deux choses l’une : soit il existe des raisons de mettre en examen, et dans ce cas le juge procédera à la mise en examen, soit on en est seulement au stade de la garde à vue. Dans ce dernier cas, nous pensons qu’un problème se posera, si le texte reste en l’état, au regard de la présomption d’innocence.

Telle est notre conviction sur ces deux points. Nous considérons, bien entendu, que de grands progrès ont été faits en termes de prise en compte des trois principes fondamentaux précités de notre République auxquels nous sommes fortement attachés.

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