Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Information de l'administration et protection des mineurs — Article 1er

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Je répéterai ce que le président Mézard a dit : il est indispensable que les individus convaincus, par le jugement définitif, de délits sexuels sur mineur ne puissent exercer d’activité les mettant en rapport avec ceux-ci, ce qui suppose d’en informer leurs employeurs. On peut d’ailleurs se demander pourquoi ce n’est pas déjà le cas, comme on peut s’étonner que l’on entende ainsi pallier les défaillances d’une administration par des lois.

On nous dit qu’il faut choisir entre des principes. Pas seulement ! On doit aussi choisir entre des malheurs. En effet, la simple diffusion d’un soupçon injustifié de pédophilie est, quoi qu’on fasse, la garantie d’une vie brisée. Et ce n’est pas une question théorique ou un problème de linguistique : ce sont des malheurs bien réels.

Rappelez-vous Outreau. Dans l’introduction du rapport de la commission d’enquête présidée par André Vallini – il était nettement meilleur dans cette fonction-là ! –, il était indiqué que, sur 60 000 personnes incarcérées alors dans les prisons de France – il y en a beaucoup plus maintenant ! –, 20 000 étaient en détention provisoire et que, sur ce nombre, 2 000 seraient sans doute reconnues innocentes.

Autant d’affaires d’Outreau dont on ne parlera jamais !

Mais posons-nous la question : combien de personnes cela concerne-t-il ? On n’a pas de statistiques sur les personnes qui, ayant été inquiétées pour des problèmes de pédophilie, ont finalement été innocentées, mais on connaît le nombre de demandes d’indemnisation adressées à la commission qui en est chargée : entre 2004 et 2008, il y en a eu 140 par an – c’est un minimum, puisque cela ne tient pas compte de tous ceux qui n’ont pas demandé d’indemnisation. Il s’agit donc en gros de 200 personnes par an !

Il n’est pas ici question de grands principes et de présomption d’innocence, mais de la réalité ! Je sais que, face à ces crimes abominables dont les enfants sont victimes, on a tendance à faire pencher la balance d’un certain côté, mais je voudrais qu’on réalise bien les enjeux en présence. Qu’on ne vienne pas pleurer ensuite, quand il y aura de nouveaux Outreau ! Je sais néanmoins que ce sera la même chose : on pleurera sur les victimes, mais il faudra pleurer en l’occurrence les victimes de la justice !

Alors, soyons un peu réalistes !

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