Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Information de l'administration et protection des mineurs — Article 1er

Najat Vallaud-Belkacem, ministre :

Là encore, je vous propose de rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement estime en effet que plusieurs des modifications que la commission des lois a adoptées sur l’article 706-47-4 du code de procédure pénale ne sont pas justifiées. Par ailleurs, nous souhaitons supprimer l’alinéa insérant dans le même code un article 706-47-5 qui institue un contrôle judiciaire obligatoire, parce que cela nous semble contraire à la Constitution.

En ce qui concerne l’article 706-47-4, je ne suis pas favorable à la suppression de la faculté, pour le ministère public, de transmettre à l’administration une information dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, alors que cette transmission peut s’avérer indispensable, j’y insiste, pour protéger les mineurs. Il ne s’agit pas que de cas théoriques, mesdames, messieurs les sénateurs, et je veux évoquer des situations concrètes qui seraient couvertes par une telle disposition.

Les actes en question, par exemple la pédopornographie, donnent généralement lieu à des enquêtes longues et ne débouchent pas nécessairement sur l’ouverture d’une information judiciaire. Serait-il normal, selon vous, que l’éducation nationale ne soit pas tenue informée de tels faits tant qu’aucune information n’est ouverte ?

Autre situation dont nous avons été témoins, celle d’un instituteur placé en garde à vue pour des caresses inappropriées sur son fils et qui avait reconnu les faits. Il avait été remis en liberté le temps d’être soumis à une expertise psychiatrique – obligatoire pour ce type de faits – et, pendant ce délai, aucune information ne pouvait être transmise à l’éducation nationale. Voilà pourquoi il est important que l’information puisse être transmise rapidement.

Ce projet de loi ne concerne d’ailleurs pas que des agents de mon ministère ; il répond aussi à des attentes exprimées par les élus locaux, qui ont validé à l’unanimité ce texte lors de son examen par le Conseil national d’évaluation des normes.

Par ailleurs, dans son avis du 19 novembre 2015, le Conseil d’État a clairement validé cette disposition essentielle du projet de loi, estimant que l’atteinte à la présomption d’innocence que représente la transmission d’informations en amont des condamnations ne présentait pas de caractère excessif et était justifiée par l’intérêt général, à savoir la prévention des atteintes à la sécurité des mineurs.

En outre, je rappelle que la saisine du Conseil d’État a conduit le Gouvernement à introduire des garanties spécifiques dans ce texte, telles que le caractère écrit des transmissions d’informations, l’exigence d’indices graves ou concordants pour justifier une information au stade de la garde à vue, le recueil des observations de l’intéressé en amont de l’information ou encore l’effacement des informations du dossier de l’agent lorsque l’enquête a conclu à sa non-culpabilité.

Enfin, le Gouvernement ne partage pas du tout l’appréciation vous ayant conduits à exclure certaines infractions du dispositif de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, notamment l’exhibition sexuelle et les violences sur mineurs ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail. Il ne fait aucun doute, en effet, que le mineur en contact avec une personne ayant commis l’une de ces infractions est potentiellement en danger. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait exclure ces actes du dispositif.

Cela étant dit, je ne méconnais pas les améliorations apportées par votre commission au texte. Ainsi, nous maintenons par cet amendement la suppression des crimes de tortures et actes de barbarie de la liste des infractions de l’article 706-47-4. En effet, vous avez raison, ces crimes sont déjà visés par l’article 706-47, dont la commission a procédé à une réécriture explicite.

En ce qui concerne maintenant le nouvel article 706-47-5, dont je conteste l’introduction par votre commission des lois, il institue pour la première fois dans notre procédure pénale le placement obligatoire sous contrôle judiciaire – cela n’a pas échappé aux sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, qui ont déposé un amendement identique tendant à la suppression du nouvel alinéa.

Une telle disposition porte une atteinte manifestement excessive et est contraire à la Constitution, à la présomption d’innocence et aux principes de nécessité et de proportionnalité de la peine, car elle concerne non une personne condamnée, mais une personne mise en examen et donc présumée innocente. Cela me paraît par conséquent aller bien au-delà de ce qui est permis par la Constitution.

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