Intervention de François Zocchetto

Réunion du 26 janvier 2016 à 14h30
Information de l'administration et protection des mineurs — Article 1er, amendement 7

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

L’amendement n° 7 rectifié de MM. Mézard et Collombat a déjà fait l’objet d’un exposé très clair. Il a le mérite de s’inscrire dans la continuité d’une position constamment réitérée par ses auteurs, ce qui ne peut qu’être respecté.

À ce stade de notre réflexion, nous avons une divergence de vues, puisque vous proposez, mes chers collègues, d’interdire toute information au stade présentenciel, c’est-à-dire avant toute condamnation définitive. Ce n’est pas l’orientation de la commission, d’où l’avis défavorable qu’elle émet sur cet amendement.

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement et tendant à rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale, m’inspire plusieurs remarques.

Mme la ministre veut supprimer les garanties que la commission des lois a apportées à la personne mise en cause, au motif qu’elles seraient complexes et difficilement applicables. Combattre le principe de la présomption d’innocence est déjà lourd, mais y ajouter la réduction des droits de la défense en supprimant toute notion du droit au contradictoire et toute expression d’une opinion différente de celle du parquet me paraît un peu excessif ! Cela n’est vraiment pas acceptable.

Par ailleurs, la complexité évoquée par le Gouvernement est certes réelle dans certains cas, mais tel est le droit français, qui offre à chacun la possibilité de se défendre.

Il s’agit tout de même d’un texte qui, au nom de la protection des mineurs – évidemment très importante –, introduit une première inflexion au principe constitutionnel de la présomption d’innocence. C’est tout de même sérieux. Cela a été suffisamment souligné par nos collègues Collombat et Mézard pour qu’on s’attarde un peu sur les détails du texte.

Par ailleurs, le Gouvernement voudrait que le procureur puisse se prononcer sur l’opportunité d’une transmission d’informations au regard du bon fonctionnement du service public.

Je souhaite rappeler la position de la Conférence nationale des procureurs de la République et de la Conférence nationale des procureurs généraux : un tel critère, source d’insécurité juridique, n’est pas acceptable en droit pénal.

Le bon fonctionnement du service public ne saurait relever de l’appréciation du ministère public, il s’agit là d’une question de fond. Si les procureurs doivent désormais décider de ce qui est bon ou non pour le fonctionnement du service public, notamment de l’éducation, où allons-nous ? Il faudra revoir toute l’organisation judiciaire de la France !

Les missions du procureur sont étrangères à cette notion de « bon fonctionnement du service public ». Pardon d’y insister, mais il s’agit d’un sujet fondamental, auquel tiennent non seulement les magistrats du parquet, mais aussi la très grande majorité, si ce n’est la totalité des législateurs que nous sommes - ou alors, je ne comprends plus…

Madame la ministre, l’amendement que vous avez présenté tend également à supprimer le dispositif que nous proposons permettant de sanctionner la divulgation des informations à la presse. Selon nous, ce dispositif fait, lui aussi, partie des garanties dont doit légitimement bénéficier la personne mise en cause.

Enfin, vous déclarez qu’un décret en Conseil d'État n’est pas nécessaire et qu’un décret simple suffit. Permettez-moi de vous dire que, s’agissant de mesures d’application de dispositions relevant du droit pénal et de la procédure pénale, et compte tenu de certaines imprécisions que nous avons relevées dans le texte, nous préférons un décret en Conseil d'État. Ce n’est pas faire offense à la qualité de vos services : nous considérons simplement que nul n’est à l’abri d’une erreur en ces matières.

Madame Imbert, votre amendement soulève la question tout à fait importante de l’agrément permettant aux assistants familiaux et aux assistants maternels de prendre en charge des enfants à leur domicile. Néanmoins, j’en sollicite le retrait, car l’amendement n° 12, que je présenterai tout à l'heure, me semble répondre parfaitement à votre attente. J’espère que cet amendement, qui a reçu l’approbation de la commission des lois, en particulier des membres de votre groupe, vous donnera satisfaction.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 11, le second qu’a déposé le Gouvernement sur cet article en vue de rétablir son texte initial. Je serai bref, puisque nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet, au demeurant assez simple.

Vous voulez rétablir, madame la ministre, la possibilité d’information au stade de la garde à vue et de l’audition libre – bref, en toutes circonstances.

Franchement, nous avons montré que nous étions prêts à consentir un effort. Notre réflexion a évolué depuis les discussions que nous avons eues en juillet dernier avec notre collègue député Dominique Raimbourg, qui avait alors une position très ferme sur le sujet et qui, à mon avis, ne doit pas être excessivement réjoui des dispositions que vous avez fait voter à l’Assemblée nationale, encore que je ne connaisse pas les circonstances du débat…

Donc, autant nous avons fait un pas vers vous, en affirmant que, sur la base de l’avis du Conseil d'État, nous pouvions adopter une ligne médiane, consistant à accepter l’information au stade présentenciel, pour tout ce qui est condamnation, même non définitive, mise en examen et transmission à la juridiction de jugement, autant nous ne saurions accepter la possibilité d’une information au stade de la garde à vue ou de l’audition libre.

Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, ces procédures pénales sont malheureusement parfois détournées dans le cadre de procédures civiles. §Tous les praticiens du droit savent que l’action pénale est relativement facile à mettre en mouvement dans notre pays. Si c’est une bonne chose en soi, il arrive aussi que l’on utilise les procédures pénales pour créer un dommage irréversible aux personnes mises en cause. Tout le monde aura compris les cas que je vise ici, relevant notamment du droit de la famille !

Oui, nous avons très légèrement réduit le champ des infractions incluses dans le régime de transmission obligatoire. Nous en avons ainsi exclu l’exhibition sexuelle, délit d’acception extrêmement large, mais qui, dans certaines circonstances, peut avoir un lien très éloigné avec la protection des mineurs, et les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail : faut-il prévoir, par exemple, qu’une condamnation pour une gifle donnée en dehors du cadre professionnel soit systématiquement transmise à l’administration ou à l’employeur ?

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