Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 27 janvier 2016 à 21h30
Nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Gérard DériotGérard Dériot :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le 19 janvier dernier, la commission mixte paritaire réunie pour élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la fin de vie est parvenue à trouver un accord à l’unanimité.

Après plus d’un an de débats publics et parlementaires, on peut se réjouir qu’une convergence de vues se soit ainsi dégagée entre nos deux assemblées. Sur un sujet aussi important pour nos concitoyens, il aurait été regrettable, me semble-t-il, que le dernier mot revienne à l’Assemblée nationale sans prise en compte des préoccupations et des apports du Sénat.

Le texte issu de la commission mixte paritaire répond aux exigences du Sénat pour clarifier et sécuriser les dispositions du texte, telles que nous les avions défendues avec Michel Amiel, au nom de la commission des affaires sociales.

À l’article 1er, nous avons maintenu la précision voulue par la majorité sénatoriale pour garantir l’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, et nous avons inscrit dans la loi que chacun a le droit à une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Cette formulation traduit mieux l’obligation de moyens, et non de résultat, qui incombe aux professionnels de santé.

Comme le souhaitait également le Sénat, l’article 1er étend l’obligation de formation des professionnels aux pharmaciens et aux psychologues cliniciens et englobe désormais la formation initiale et continue.

À l’article 2, relatif à l’obstination déraisonnable, l’Assemblée nationale a reconnu qu’il n’était pas acceptable de prévoir une automaticité de l’arrêt des traitements et que la volonté du patient devait primer. Conformément à ce principe, le texte précise que la nutrition et l’hydratation artificielles peuvent être arrêtées ou maintenues selon le souhait du malade. Le fait d’inscrire dans la loi qu’il s’agit d’une possibilité, et non d’une obligation, laisse une marge d’appréciation nécessaire.

En cohérence avec l’exigence du Sénat de garantir la prise en compte de la volonté du patient, la commission mixte paritaire a supprimé, à l’article 3, l’expression de l’Assemblée nationale mentionnant la prolongation inutile de la vie. Cette expression était, pour nous tous, inacceptable.

La commission mixte paritaire a acté que le malade en fin de vie demandant une sédation profonde et continue peut s’opposer à ce que sa mise en œuvre soit associée à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, ce qui inclut donc la nutrition et l’hydratation artificielles.

Il convient d’insister sur un point fondamental : les conditions de mise en œuvre de la sédation profonde et continue ont été encadrées dans le sens que souhaitait notre assemblée.

Le texte distingue donc trois cas.

Premier cas, pour les patients malades en fin de vie, la sédation profonde et continue sera possible en cas de souffrance réfractaire aux traitements.

Deuxième cas, si c’est le patient qui décide d’arrêter ses traitements, comme le droit lui en est reconnu depuis la loi de 2002, cette sédation n’est possible qu’en cas de souffrance insupportable, et non pas, comme le proposaient les députés, en cas d’inconfort majeur. Je rappelle que le texte initial de l’Assemblée nationale ne prévoyait aucune condition. Cela nous avait paru ouvrir la voie vers le suicide assisté, un risque que la rédaction issue de la commission mixte paritaire permet désormais d’écarter.

Enfin, troisième cas, s’agissant des patients malades en fin de vie mais hors d’état d’exprimer leur volonté et n’ayant pas laissé de directives anticipées, les discussions au sein de la commission mixte paritaire ont abouti à une rédaction permettant l’application des bonnes pratiques codifiées par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.

Dans tous les cas, la sédation profonde et continue ne sera qu’un ultime recours après échec des autres prises en charge palliatives.

Sur l’initiative du Sénat, il a été précisé qu’à la demande du patient la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile ou dans un établissement médico-social.

À l’article 4 bis, la commission mixte paritaire a suivi le Sénat pour supprimer le registre tenu par chaque établissement de santé en vue de référencer chaque cas de sédation profonde et continue. Il n’y avait, de toute évidence, aucune raison de distinguer cette pratique des autres soins palliatifs.

J’en viens maintenant aux directives anticipées, qui font l’objet de l’article 8 et à propos desquelles le Sénat avait formulé un certain nombre d’exigences. Ici aussi, le texte du Sénat visait à garantir la liberté du patient.

S’agissant tout d’abord du contenu des directives, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction souhaitée par le Sénat, afin qu’il soit aussi possible d’indiquer, dans ces documents, la volonté de poursuivre les traitements. Le texte initial mentionnait exclusivement un souhait d’arrêt ou de limitation des traitements.

Dans le même esprit, à l’initiative du Sénat, le texte de la commission mixte paritaire précise que les directives peuvent être révisées et révoquées par tout moyen. C’est, pour moi, l’occasion de saluer l’important travail de la commission des lois et de son rapporteur, François Pillet, qui s’est également beaucoup investi sur la proposition de loi.

Plusieurs autres dispositions souhaitées par notre assemblée ont été intégrées.

La commission mixte paritaire a acté le caractère facultatif du recours au modèle de rédaction des directives anticipées, afin de ne pas empêcher ceux qui le souhaitent de rédiger leurs directives sur papier libre.

Le texte prévoit également désormais qu’un rappel régulier de l’existence des directives est adressé à leur auteur, lorsque celles-ci sont conservées dans le registre créé à cet effet.

La rédaction proposée par notre commission des lois s’agissant des droits des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique a été retenue. La nécessité d’une autorisation du juge ou du conseil de famille pour rédiger des directives anticipées ou désigner une personne de confiance est ainsi limitée aux personnes sous tutelle.

À l’article 9, la commission mixte paritaire a conservé l’obligation de faire cosigner par la personne concernée le document la désignant comme personne de confiance.

Enfin, à l’article 13, les conditions d’application du texte en outre-mer ont été prévues et, à l’article 14, l’objet et la périodicité du rapport annuel sur les conditions d’application du texte et le développement des soins palliatifs sont précisés.

Fort de toutes ces clarifications, le texte préserve l’équilibre entre droits du malade et obligations de prise en charge par les équipes soignantes.

En 2005, pour avancer au plus vite, le Sénat avait adopté sans modification le texte de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, devenue la loi Leonetti. Sur le texte qui nous est aujourd’hui soumis, il fallait prendre tout le temps parlementaire nécessaire aux clarifications et aux garanties que nos concitoyens sont en droit d’exiger.

Le dialogue au sein de la commission mixte paritaire a été constructif, puisque nos collègues députés ont admis la nécessité de modifier leur texte initial sur plusieurs points fondamentaux et que les exigences du Sénat ont été traduites dans le texte.

Avant de conclure, je voudrais remercier notre collègue Michel Amiel, qui, en qualité de corapporteur, s’est beaucoup impliqué dans l’étude de cette proposition de loi et a su apporter à nos travaux toute sa connaissance professionnelle.

Je voudrais également remercier François Pillet qui, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois, a très utilement complété le texte, ainsi que, vous-même, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Alain Milon, pour nous avoir toujours soutenus et apporté vos conseils avisés.

Enfin, je voudrais remercier ceux de nos collègues qui ont siégé à la commission mixte paritaire : Mmes Françoise Gatel, Laurence Cohen, Catherine Génisson, Chantal Deseyne et MM. Georges Labazée, Jean-Pierre Godefroy, François Pillet, Michel Amiel, qui se sont impliqués pour défendre les volontés du Sénat et ont permis d’aboutir à un vote unanime. Ils ont constitué une véritable équipe de défense du Sénat et de ses volontés !

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous demande aujourd'hui d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.

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