Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 27 janvier 2016 à 21h30
Nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

J’en viens à la présente proposition de loi, qui contient des avancées quant au caractère contraignant des directives anticipées et quant au droit à la sédation profonde et continue.

L’article 8 du texte issu de la commission mixte paritaire permettra d’imposer les directives anticipées au médecin, sauf dérogations, qui sont précisées. Il s’agit là d’un progrès : désormais, les personnes pourront rédiger librement ou via un formulaire leurs directives anticipées, qui s’imposeront aux praticiens dans la plupart des cas.

Avec ma collègue Annie David, qui suit ce dossier depuis longtemps, nous étions intervenues pour que la volonté du patient prime celle du médecin. À ce titre, la nouvelle rédaction de l’article 8 est un bon compromis entre volonté du patient et respect de la compétence du médecin.

Pour ce qui concerne la sédation en phase terminale, l’article 3, tel qu’il est rédigé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, semble également un bon équilibre entre les différentes positions exprimées.

La sédation ne concernera que les patients atteints d’une affection grave et incurable qui décideraient l’arrêt d’un traitement engageant leur pronostic vital à court terme, ce uniquement lorsque cette décision serait susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

En d’autres termes, il n’est pas question de légiférer sur le suicide assisté. Pour ma part, je le regrette. Je souhaite que des évolutions se produisent, dans un futur texte de loi tenant compte des « bougers » qui se produisent au sein de notre société.

À ces points de blocage s’ajoutait la question de l’hydratation et de l’alimentation artificielles.

À l’origine, le texte de l’Assemblée nationale prévoyait que l’hydratation et l’alimentation artificielles constituaient un traitement et que, de ce fait, elles pouvaient être interrompues.

Les élus du groupe CRC sont de celles et ceux pour qui l’hydratation ne doit pas être arrêtée en cas de sédation profonde.

En définitive, la commission mixte paritaire a retenu que l’alimentation et l’hydratation artificielles étaient bien des traitements, mais qu’elles ne pourraient plus être interrompues de matière automatique en même temps que les autres traitements.

Le compromis atteint est donc bel et bien satisfaisant, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation étant décidé au cas par cas.

À cela s’ajoute un autre point positif : cette proposition de loi n’envisage pas la fin de vie dans les seuls établissements de santé. Elle la prévoit également à domicile.

Au-delà des questions que je viens d’évoquer, et qui font l’objet d’une rédaction équilibrée à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, le présent projet de loi contient des mesures qui amélioreront l’accompagnement des patients en fin de vie.

Je fais ici référence aux formations des étudiants en médecine, des médecins, des infirmiers, des aides-soignants et des aides à domicile à la mise en place des soins palliatifs ; à la rédaction par chaque agence régionale de santé d’un rapport annuel dédié à la prise en charge des soins palliatifs des patients ; à l’obligation, pour le médecin, de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité ; enfin, à la création d’un véritable statut de la personne de confiance. Désormais, un patient majeur pourra désigner une personne de confiance qui assistera, à ses côtés, aux entretiens médicaux et qui l’aidera dans ses décisions.

Maintenant qu’un accord politique a été dégagé, qui, je l’espère, sera conforté par le vote du Sénat, il reste encore à donner au présent texte les moyens d’être appliqué. En effet, des moyens humains et financiers sont nécessaires pour informer les professionnels et les patients et rendre les établissements de santé à même d’accueillir les patients en fin de vie.

À ce titre, je rends hommage à nos équipes médicales, qui accomplissent un travail remarquable malgré la faiblesse des moyens dont, trop souvent, elles disposent.

Je rappelle que seulement 20 % des personnes qui ont besoin aujourd’hui de soins palliatifs peuvent en bénéficier, et que 45 % des départements n’ont pas d’unité de soins palliatifs à proposer aux patients.

La volonté politique devra donc s’accompagner de financements supplémentaires réels.

Madame la ministre, vous avez déclaré avoir dégagé 40 millions d’euros supplémentaires pour réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire national, ce qui a permis de créer trente équipes mobiles et six unités de soins palliatifs à compter de 2016. Cet effort mérite d’être salué, mais, à mon sens, il ne peut être analysé qu’à la lumière des réalités.

En effet, on ne peut oublier le terrible déficit dont souffre, dans notre pays, l’offre de soins palliatifs, qui n’est que de 1, 5 lit pour 100 000 habitants.

Nous resterons donc très attentifs à la poursuite et à l’amplification des moyens mobilisés pour garantir des soins palliatifs de qualité dans l’ensemble de nos territoires.

Mes chers collègues, ces remarques étant faites, je vous annonce que les membres du groupe CRC voteront cette proposition de loi. Le présent texte crée de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, autrement dit pour celles et ceux qui vont mourir, et non pour celles et ceux qui émettent le souhait de mourir. Mais c’est une autre histoire, que nous nous écrirons peut-être ensemble !

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