Intervention de François Bonhomme

Réunion du 28 janvier 2016 à 10h30
Sécurité publique dans les transports collectifs de voyageurs — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs a pour principal objet de lutter contre la fraude dans les transports terrestres, mais elle comporte également plusieurs dispositions permettant d’y renforcer la sécurité.

La sécurité dans les transports a été le sujet d’une mission d’information commune à la commission des lois et à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont les conclusions vous ont été présentées le 13 janvier dernier.

Le texte qui nous est aujourd'hui soumis intègre plusieurs recommandations de cette mission.

Avant de présenter un bilan rapide de la fraude dans les transports en commun et les moyens pour y faire face, j’évoquerai le cadre juridique contraignant des contrôles et des vérifications d’identité. Enfin, je vous présenterai les axes de travail retenus par la commission.

Le transport terrestre, en particulier le transport ferroviaire, se caractérise évidemment par une vulnérabilité et par des flux très importants de voyageurs. Or le cadre juridique des contrôles et des vérifications d’identité est très contraignant. Les dispositions des articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale sont également très compliquées, car elles résultent de réformes successives, qui se sont superposées au fil du temps et sont finalement peu mises en œuvre.

La fraude dans les transports collectifs de voyageurs représente assurément une perte de recettes considérable pour les exploitants de transports. Dans son rapport annuel de février 2015, la Cour des comptes évalue à 500 millions d’euros annuels le coût de la fraude dans l’ensemble des transports publics de voyageurs.

J’ajoute que ce montant est en fait très minoré, puisque c’est un taux de fraude mesuré, qui ne prend pas en compte le cas des fraudeurs n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle. De ce fait, le taux de fraude réel peut être évalué en multipliant d’un facteur d’au moins quatre ou cinq le taux de fraude mesuré. Pour la seule SNCF, la fraude apparente représente 340 millions d’euros par an. Pour vous donner un ordre de grandeur, ce montant est à rapprocher du budget que la SNCF consacre chaque année à la sécurité, qui est de l’ordre de 400 millions d’euros…

Les moyens pour lutter contre la fraude ont donc fait la preuve de leur inefficacité. Ainsi, la création d’une transaction permettant à l’opérateur de décider d’une amende en échange de la contravention est en réalité peu efficace, en raison de la facilité qu’il y a à fournir de fausses adresses ou de faux noms.

De fait, les délits existants, créés pour lutter contre la fraude, ont peu de portée. Ainsi, le délit de fourniture d’une fausse adresse ou d’un faux nom à un agent assermenté n’a fait l’objet que de dix condamnations en 2014 ; son effet est donc nul. Le délit de fraude d’habitude dans les transports en commun n’est pas plus sanctionné, seules 710 condamnations ayant été prononcées à ce titre pour l’année 2014.

Au total, au regard d’un phénomène de fraude très coûteux pour les opérateurs de transport public, les réponses apparaissent relativement limitées.

Sur ce point, en matière de sécurité, mais aussi de lutte contre la fraude, le texte prévoit plusieurs améliorations.

Lors de l’examen en commission, le texte a fait l’objet de nombreuses modifications. Celles-ci s’articulent autour de quatre directions : premièrement, un travail de simplification du texte ; deuxièmement, des mesures d’encadrement supplémentaires de certains dispositifs ; troisièmement, un rapprochement – et non un alignement, monsieur le ministre – des contrôles exercés sur les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP avec ceux qui sont applicables aux sociétés de sécurité privée – il est ainsi proposé de donner au Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, une mission de contrôle assoupli des services internes de la SNCF et de la RATP ; quatrièmement, enfin, l’intégration de nouvelles dispositions pour renforcer la sécurité dans les transports.

Premier point, la commission a simplifié les dispositions proposées en supprimant les dispositions réglementaires ou sans caractère normatif. Deuxième point, elle a encadré les dispositifs proposés. Ainsi, le mécanisme d’enquête administrative préventive a été complété, afin de traiter le cas de personnes qui posent un problème de sécurité après leur recrutement ou leur affectation. Par ailleurs, le régime de fouille des bagages a été aligné sur celui des véhicules. Enfin, le délai pendant lequel un contrevenant peut être maintenu à disposition d’un agent de la sécurité en attendant la décision de l’OPJ a été limité à trente minutes.

Par ailleurs, l’article 12, qui donne la possibilité aux polices municipales de relever les infractions à la police des transports publics en général, apparaît contradictoire avec le principe selon lequel les missions de police judiciaire doivent être placées sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Troisième point, la commission, au regard de l’extension des prérogatives des agents de sécurité internes de la SNCF et de la RATP, a renforcé les contrôles externes de ces derniers. Ce renforcement relatif du contrôle doit être analysé, me semble-t-il, comme le juste contrepoids de l’extension de ces prérogatives. Cela a été relevé par Alain Fouché et moi-même dans notre rapport d’information. Je précise que le Défenseur des droits a également souligné cet impératif.

En effet, le code de la sécurité intérieure autorise les entreprises qui le souhaitent à se doter d’un service interne de sécurité propre. Ces services sont alors soumis au contrôle du CNAPS. Les établissements publics industriels et commerciaux sont soumis à ce régime. Or la SNCF et la RATP sont des EPIC.

Je voudrais relever ici que la surveillance générale, la SUGE, et le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR, présentent évidemment des spécificités ; nul n’en doute. Pour autant, il me semble que celles-ci ne doivent pas être surestimées.

En effet, si le secteur ferroviaire a ses propres caractéristiques, il existe d’autres activités de sécurité privée, comme la protection des navires, qui présente également des particularités fortes, notamment le fait que les activités soient exercées sur des bâtiments en mer très éloignés de la métropole. Elles sont cependant soumises aujourd’hui au contrôle du CNAPS.

Dès lors, il y aurait assurément une certaine logique propre à soumettre les services internes de sécurité privée de la SNCF et de la RATP au contrôle du CNAPS. Ce serait sans doute la solution la plus pertinente, comme la commission l’avait décidé pour les activités de protection des navires en son temps, sur l’initiative de notre collègue M. Alain Richard.

Toutefois, ce n’est pas la proposition qui vous est faite aujourd’hui, ne serait-ce que pour des raisons pratiques. En effet, au regard du surcroît de travail que cela représenterait pour le CNAPS, la commission a retenu une solution médiane, par un contrôle moins contraignant.

Ce contrôle, limité, prendrait la forme de trois dispositions de portée mesurée : tout d’abord, un contrôle par le CNAPS au regard du référentiel des formations des agents des services internes ; ensuite, l’application du code de déontologie édicté par le CNAPS, qui est placé, je le rappelle, sous la tutelle du ministère de l’intérieur, aux agents de sécurité interne ; enfin, le bilan annuel des contrôles serait transmis pour information à la fois au Défenseur des droits et au CNAPS.

Quatrième point, les dispositions nouvelles issues du rapport d’information. En lien avec les recommandations du rapport, une disposition prévoit d’organiser la transmission en temps réel des images de vidéoprotection opérées au sein des véhicules et des emprises immobilières de transport de voyageurs vers les forces de l’ordre. Cette transmission se ferait sur le modèle de ce qui existe dans le code de la construction et de l’habitation pour les images prises dans les halls d’immeuble.

Enfin, il est prévu de renforcer le rôle des polices municipales. Ainsi, en application des recommandations de la mission d’information de nos collègues François Pillet et René Vandierendonck, il est proposé de prévoir la possibilité pour les communes de transférer les pouvoirs de réglementation de l’activité de transports urbains.

Je précise que cette possibilité est prévue pour le seul cas où l’intercommunalité est compétente en matière de transport, selon la logique qui prévaut en matière d’aménagement des aires d’accueil des gens du voyage ou encore en matière de voirie, d’assainissement ou de déchets.

Une disposition nouvelle a en outre été insérée, à l’initiative de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur proposition de son rapporteur pour avis, M. Alain Fouché, visant à mener une expérimentation de « caméras-piéton » au bénéfice des agents des services internes de sécurité.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d’adopter la présente proposition de loi. Les avancées significatives qu’elle comporte tendent toutes vers l’objectif de lutte contre la fraude et de sécurité fixé par le texte.

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