Intervention de André Reichardt

Réunion du 28 janvier 2016 à 15h00
Réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est rare que le Gouvernement invite le Parlement à examiner le projet de loi de ratification d’une ordonnance dont le dépôt est pourtant une obligation formelle exigée par l’article 38 de la Constitution pour éviter la caducité de l’ordonnance.

C’est encore plus rare lorsque le projet de loi de ratification ne prévoit aucune modification, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’une ratification dite « sèche ».

En effet, les ratifications sont souvent faites dans d’autres projets de loi et, trop souvent, par amendement gouvernemental tardif, ce qui ne permet pas toujours d’apprécier le contenu et la portée des ordonnances concernées.

Le texte qui nous réunit aujourd’hui traduit donc une démarche tout à fait vertueuse du Gouvernement qu’il faut saluer : le Parlement doit effectivement pouvoir approuver en connaissance de cause l’usage fait par le Gouvernement de la délégation de pouvoir législatif qui lui a été consentie, et, le cas échéant, y apporter des corrections.

Comme nous avons été saisis de ce texte de ratification, nous l’avons évidemment examiné sérieusement et, bien entendu, nous avons trouvé matière à amender !

Je rappelle que la rédaction de l’habilitation a été arrêtée, par compromis entre les deux assemblées, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur la loi relative à la simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014, dont j’étais déjà rapporteur pour le Sénat.

L’accord a consisté à accepter une réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, sans pour autant remettre en cause l’architecture générale de ces sociétés, c’est-à-dire les compétences et les règles de composition, d’organisation et de fonctionnement de leurs organes, autant d’éléments constitutifs de la société anonyme qui assurent sa reconnaissance et sa crédibilité. En d’autres termes, la société anonyme à actionnaire unique ne nous paraissait pas souhaitable, pour ne pas dénaturer le régime de ce type de société.

Conformément à l’intention du législateur lorsqu’il a adopté cette habilitation, l’ordonnance a donc réduit à deux le nombre minimal d’actionnaires pour les sociétés non cotées, vous l’avez dit madame la secrétaire d’État, ce qui correspondait d’ailleurs à la situation de la plupart des formes dérogatoires de société anonyme. Le nombre minimal de sept a été maintenu pour les sociétés cotées.

Sur ma proposition, lors de l’élaboration de son texte le 13 janvier, la commission a adopté deux amendements, qui seront, si le Sénat en est d’accord, complétés par les deux amendements que je présenterai tout à l’heure au moment de la discussion des articles.

Entre-temps, le Gouvernement nous a transmis un troisième amendement. Je m’empresse de dire que, bien que la commission n’ait pas eu le temps de l’examiner, à titre personnel, j’y serai favorable.

Les modifications proposées sont pour l’essentiel techniques, de coordination ou de correction. Elles concernent, par exemple, le nombre minimal des associés d’une société d’exercice libéral, ou bien la situation des sociétés dont l’État est le seul actionnaire. Quant à l’amendement qui nous a été transmis récemment et que j’ai examiné rapidement, il s’agit simplement, avec la rétroactivité, de permettre à l’État, lorsqu’il est actionnaire unique, de le rester.

Une modification bien plus importante a néanmoins été introduite. Je souhaite donc la signaler : alors que l’ordonnance prévoyait que le minimum de sept actionnaires devait s’appliquer à toutes les sociétés dont les titres sont cotés, la commission a réduit ce périmètre aux seules sociétés dont les actions sont cotées, mais pas les autres titres.

Un amendement que nous examinerons tout à l’heure tend à préciser encore ce périmètre. Cela signifie que les quelques dizaines de sociétés dont les actions ne sont pas cotées, mais qui réalisent des émissions obligataires, pourront aussi bénéficier de la réduction à deux du nombre minimal d’actionnaires. Puisqu’il s’agit d’une règle de composition de l’actionnariat, il est logique que le critère discriminant soit la cotation des actions.

Assorti des deux amendements complémentaires que j’ai évoqués, ce texte peut donc être approuvé sans difficulté par la Haute Assemblée.

Pour autant, je considère que la question de la simplification et de l’adaptation de notre droit des sociétés, en particulier pour ce qui concerne les sociétés non cotées, est loin d’être épuisée par cette ordonnance sur le nombre minimal d’actionnaires des sociétés non cotées, ni d’ailleurs par les quelques autres dispositions ponctuelles de droit des sociétés de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014, ou par l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, prise elle-même sur le fondement de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.

C’est un travail permanent que nous devons accomplir, même s’il ressemble parfois davantage à un catalogue de mesures qu’à une démarche d’ensemble…

Pour prolonger le travail accompli à l’occasion de l’élaboration de ces textes récents, la commission des lois m’a désigné, la semaine dernière, rapporteur de la proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce déposée il y a un an et demi par Thani Mohamed Soilihi à la suite de ses travaux en qualité de rapporteur sur la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Cette proposition de loi pourra ainsi être inscrite à l’ordre du jour du Sénat au printemps.

Pour conclure, j’indique que la commission des lois, depuis plusieurs mois, a souhaité conduire un travail approfondi sur d’importantes ordonnances prises ces derniers temps, pour pouvoir les ratifier de façon éclairée.

Sous la responsabilité de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, désormais membre du prestigieux Conseil constitutionnel, relayé par Christophe-André Frassa, qui interviendra tout à l’heure, la commission a étudié les deux ordonnances de 2014 ayant réformé de façon importante le droit des entreprises en difficulté, sans en remettre en cause l’économie générale : les propositions de la commission ont été introduites dans le projet de loi pour la justice du XXIe siècle, relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire.

Pour ma part, je suis chargé du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, et, le moment venu, la commission souhaitera sans doute examiner l’ordonnance réformant le droit des obligations à laquelle le Sénat était très opposé, considérant qu’une telle matière ne devait pas échapper à l’examen parlementaire, compte tenu de son importance…

S’attacher à contrôler l’application des lois et le suivi des décrets d’application, c’est utile pour le législateur. Contrôler la façon dont le Gouvernement a utilisé la délégation de pouvoir législatif que le Parlement lui a accordée et, le cas échéant, y apporter des corrections, comme nous le faisons aujourd’hui, est tout aussi nécessaire : il y va de notre responsabilité de législateur.

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