… à l’abri des regards, eu égard en particulier aux sujets désormais abordés. Il ne s’agit plus de négociations tarifaires classiques ; de nombreux sujets concernant potentiellement la vie de tous les jours sont évoqués. Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont donc indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord.
Nous souhaitons en particulier que les États membres aient accès aux offres américaines, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Les États-Unis refusent pour le moment que les États de l’Union, qui sont pourtant directement concernés par les négociations, aient accès aux offres qui sont adressées à la Commission européenne de manière détaillée, chapitre par chapitre. C’est un manque qui nuit gravement à notre capacité d’assurer une information parfaite de tous – Parlement, Gouvernement et citoyens – et d’agir efficacement. J’ai adressé des messages répétés à ce sujet et je continuerai de le faire. Ce n’est là que l’un des aspects de la transparence en la matière.
Je veux dire quelques mots de la nature juridique de l’accord, puisque, notamment, M. Bonnecarrère en a parlé. La France considère que le TTIP est un accord mixte, j’ai eu l’occasion de le dire devant les deux chambres du Parlement, c’est-à-dire appelant une ratification aux niveaux européen et national, qui, dans notre pays, se déroulerait selon nos procédures constitutionnelles, avec le vote du Parlement. C’est aussi la position unanime de tous les États membres de l’Union européenne. La Commission reste à ce stade plus prudente ; elle ne s’est jamais clairement exprimée sur ce point. Cela est peut-être dû à la procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le projet d’accord entre l’Union et Singapour.
Je vais répondre très précisément à votre question, monsieur le sénateur. Pour la France, plusieurs éléments relèvent de la compétence des États membres et justifient ainsi la mixité nationale et européenne de cet accord. Il s’agit notamment d’éléments relatifs à la propriété intellectuelle, aux investissements et au transport.
En cas de vote négatif, que vous avez évoqué, une phase d’incertitude s’ouvrirait ; distinguons l’analyse juridique de l’analyse politique. Du point de vue juridique, l’état du droit prévoit la juxtaposition de stipulations qui continueraient à vivre même en cas de vote négatif et de stipulations qui tomberaient. Néanmoins, en la matière, c’est évidemment l’analyse politique qui doit primer. Ma conviction personnelle, qui correspond à la position du Gouvernement, est qu’un rejet d’un accord TTIP par le Parlement français conduirait nécessairement à la remise en cause de l’ensemble de l’accord.
Que ce soit dans l’hypothèse de la non-mixité de l’accord – s’il en était ainsi décidé à l’échelon européen – ou dans celle d’un accord mixte qui ferait l’objet d’un vote négatif, cela équivaudrait, selon moi, à un coup d’État démocratique. La France n’acceptera ni l’hypothèse où cet accord serait déclaré purement communautaire sans intervention du Parlement européen, ni l’hypothèse du rejet d’un projet qui vous serait soumis mais entrerait en vigueur. Une telle hypothèse ferait trop de mal à notre conception de la démocratie et au projet européen. Telle est la position du gouvernement français sur ce sujet majeur.