Séance en hémicycle du 4 février 2016 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • américain
  • géographique
  • l’agriculture
  • transatlantique
  • viande
  • États-unis

La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, présentée, en application de l’article 73 quinquies du règlement, par M. Michel Billout et plusieurs de ses collègues (proposition n° 115, rapport et texte de la commission des affaires économiques n° 270, rapport et texte de la commission des affaires européennes n° 201).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion, au sein de cet hémicycle, de débattre des accords de libre-échange, et plus particulièrement du projet de partenariat de commerce et d’investissement avec les États-Unis.

Au cours de la discussion d’une précédente proposition de résolution européenne, je vous avais alerté sur les conséquences dramatiques de l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans ce projet de partenariat. Nous avions alors émis un certain nombre de réserves, d’exigences et de propositions alternatives.

Cette proposition est devenue, par un vote unanime, une résolution du Sénat, et j’espère qu’il pourra en être de même aujourd’hui.

C’est en effet dans le même esprit – définir une position française dans le contexte d’une négociation internationale complexe – que mes collègues du groupe communiste, républicain et citoyen et moi-même avons présenté cette nouvelle proposition de résolution européenne, portant cette fois sur les conséquences du projet de traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.

Je souhaite tout d’abord évoquer de façon globale la question des accords de libre-échange.

Les États-Unis se sont lancés, au début de ce siècle, dans une politique plus active d’accords bilatéraux et plurilatéraux. Ainsi, les négociations du Trans-Pacific Partnership, le TPP, conduites depuis 2008 ont abouti à la signature, la semaine dernière en Nouvelle-Zélande, d’un accord entre 12 pays. Les membres du Trans-Pacific Partnership représentent 40 % de l’économie mondiale.

La principale caractéristique de ces nouveaux accords commerciaux est que leur périmètre comprend non seulement les sujets classiques du commerce international, comme les droits de douane, mais également les obstacles au commerce « derrière les frontières », par exemple le développement durable, les services, les marchés publics, l’investissement, la propriété intellectuelle, la coopération réglementaire, les procédures douanières, la concurrence.

Les accords bilatéraux et plurilatéraux de libre-échange viennent ainsi compléter le multilatéralisme commercial, et sont susceptibles, à terme, d’ouvrir la voie à une extension de son champ, par la fixation de standards qui peuvent ensuite être repris dans des accords multilatéraux – sujet fort intéressant, qui mériterait très certainement d’être étudié de plus près.

De ce point de vue, il me paraît utile d’écouter le président Obama évoquer la signature récente du TPP : « Le TPP permet aux États-Unis – et non à des pays comme la Chine – de rédiger la feuille de route du XXIe siècle, ce qui est particulièrement important dans une région aussi dynamique que l’Asie-Pacifique. [C’est un] nouveau genre d’accord commercial qui donnera la priorité aux salariés américains. […] Tout simplement, il renforcera notre leadership à l’étranger et soutiendra les emplois ici, aux États-Unis. »

Vous avouerez que nous sommes bien loin, dans l’esprit du président des États-Unis, de la conception d’un accord gagnant-gagnant.

Quelques mots maintenant pour vous rappeler la situation du commerce extérieur de la France. Selon les chiffres communiqués par le secrétariat d’État, la France est le sixième exportateur mondial de biens et le quatrième exportateur mondial de services.

Le commerce extérieur est une composante importante de l’économie française : il représente près de 30 % de notre produit intérieur brut. Au total, en France, un quart des salariés travaillent pour une entreprise exportatrice.

La France dispose, à l’export, de plusieurs forces traditionnelles. Ces domaines, dans lesquels elle occupe souvent les premiers rangs mondiaux, comprennent notamment le secteur aéronautique et spatial – premier excédent sectoriel, à 24 milliards d’euros en 2014 –, les produits agricoles et agroalimentaires, la pharmacie, la chimie, les parfums et cosmétiques. Les produits français sont également bien positionnés dans différents domaines du luxe. Le commerce de l’armement, quant à lui, est essentiel dans la balance commerciale de la France ; il se porte plutôt bien.

L’Union européenne représente près de 60 % des échanges de la France, à l’export comme à l’import. Cette concentration, qui s’observe également chez nos grands partenaires européens, est liée aux facteurs traditionnels de développement des échanges commerciaux – proximité géographique et taille du marché –, amplifiés en Europe par l’existence d’un marché unique.

L’Allemagne est, de loin, notre premier partenaire : le commerce franco-allemand représente 17 % de nos échanges. Les flux avec nos autres principaux partenaires – Belgique, Italie, Espagne, États-Unis et Chine – représentent chacun entre 6 et 8 % de notre commerce extérieur. Les cinq premiers marchés de la France, tous européens, concentrent près de la moitié de nos exportations : il s’agit de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni.

Notre pays, aujourd’hui, échange donc déjà beaucoup avec le reste du monde, et les États-Unis sont déjà un partenaire commercial privilégié de l’Union.

D’une manière générale, on ne peut donc pas dire que les barrières tarifaires ou autres protections douanières, relativement faibles au demeurant, constituent actuellement des obstacles au commerce entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde.

Néanmoins, les échanges au sein de l’Union européenne stagnent, et les marchés des pays émergents sont parfois versatiles. C’est là la motivation principale des projets de traités entre l’Union européenne et, respectivement, le Canada et les États-Unis.

Aux yeux des partisans de ces traités d’un nouveau genre, ces derniers sont les moyens incontournables d’un nouveau et fabuleux développement économique de l’Europe.

Comme d’autres accords bilatéraux signés récemment ou en cours de négociations – notamment l’accord UE-Canada – le TTIP ne se contentera pas d’abolir les barrières douanières. Il s’étendra aussi aux « barrières non tarifaires ».

Le TTIP vise au démantèlement, ou à l’affaiblissement, de toutes les normes qui limitent les échanges. Tous les secteurs, marchands et non marchands, absolument sans exception – y compris, et en particulier, l’agriculture –, subiront a priori les effets de ce traité.

Or l’agriculture est un secteur économique essentiel pour notre pays. Depuis plusieurs années, elle connaît des difficultés croissantes et récurrentes. Différentes filières ont traversé, et traversent encore, de graves crises.

Autrefois deuxième exportateur mondial derrière les États-Unis, la France est passée au cinquième rang, devancée par l’Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil.

Aujourd’hui, la filière de l’élevage se trouve dans une situation particulièrement critique, près de 10 % des exploitations se trouvant au bord du dépôt de bilan. La filière lait, notamment, est confrontée aux conséquences de la disparition des quotas.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que l’agriculture est déterminante pour la cohésion territoriale de la France. Dans les zones rurales fragiles, les difficultés des exploitations menacent la pérennité d’activités économiques qui leur sont liées, comme les abattoirs, les services vétérinaires, les entreprises de transformation des produits, mais aussi celle de services de proximité tels que les écoles, la présence postale ou les petits commerces.

C’est donc le devenir de nombreuses communes rurales qui est en jeu, de même que la préservation de l’équilibre des paysages et des territoires, avec le risque d’extension des friches ou des forêts.

Or le volet agricole du projet de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est susceptible d’aggraver fortement ces difficultés déjà très lourdes.

La filière de l’élevage, en particulier la production de viande bovine, serait en effet probablement le secteur le plus touché par la conclusion d’un tel accord. Le marché européen est celui où les prix sont les plus élevés, ce qui en fait une destination privilégiée pour les exportateurs de viande bovine.

Les modes de production, les caractéristiques de la filière et les normes de sécurité sanitaire sont source de distorsions de concurrence entre les États-Unis et l’Union européenne. Il en est de même du système de soutien à l’agriculture par le biais de subventions ou d’aides.

L’ouverture commerciale pourrait aussi remettre en question les préférences collectives européennes, et notamment les restrictions concernant les OGM ou la non-utilisation de farines animales, des hormones de croissance et des antibiotiques non thérapeutiques.

Le risque est celui d’une industrialisation des fermes, donc d’une augmentation importante du foncier agricole dans les zones concernées, d’une concentration géographique par spécialisation et, en définitive, d’une désertification et d’une dégradation de nombreux territoires ruraux, avec à la clef, vraisemblablement, de lourdes conséquences environnementales.

La Commission européenne a certes, dans le cadre des négociations, classé la viande bovine comme « produit sensible ».

Toutefois, par l’accord signé avec le Canada, l’UE a ouvert son marché à un contingent de 65 000 tonnes de viande bovine canadienne, et ce traité comporte une dérogation aux règles d’origine. Si le TTIP est ratifié, et en cas d’utilisation partielle du contingent canadien, ce dernier pourra être fusionné avec le contingent états-unien, s’ajoutant ainsi au contingent tarifaire à droit nul de 45 000 tonnes de viande bovine de haute qualité dont bénéficient déjà les États-Unis, depuis un accord signé en 2009.

Autre situation particulièrement alarmante : celle de la filière lait. Celle-ci risque d’être confrontée à une harmonisation des normes sanitaires sur un modèle hygiéniste insoutenable pour des filières produisant de petits volumes.

L’affaiblissement des productions différenciées et de petit volume, fondées sur le lien au terroir, serait une perte de richesse patrimoniale et de valeur ajoutée pour les territoires ruraux. Dans ces conditions, la question de l’avenir du lait cru et de ses produits dérivés peut également se poser.

En outre, le secteur laitier est concerné au premier chef par la question de la protection des signes de qualité. Les appellations d’origine protégée laitières sont nombreuses en Europe, de même que les indications géographiques protégées, et la France, en la matière, compte pour 30 % du total européen. Or l’industrie laitière américaine produit de nombreux fromages sous une dénomination européenne, parfois enregistrée comme marque.

La Commission européenne affiche sa détermination sur ce sujet, mais, au vu de la diversité des intérêts couverts par le TTIP, le risque existe de voir cette détermination fléchir dans le cours des négociations.

Je n’ai pris que deux exemples, mais ils me semblent assez symboliques de la situation de l’agriculture dans notre pays, et, de façon plus générale, en Europe. Si nous ne nous en inquiétons pas dès à présent, les conséquences pourraient être dramatiques.

La défense des préférences collectives des Européens en matière alimentaire ou des normes de bien-être animal, la protection de l’environnement et une occupation de l’espace sont autant d’objectifs maintes fois réaffirmés qui se trouvent menacés.

Les négociations en cours pourraient conduire à une profonde remise en cause de notre schéma agricole et à des changements économiques majeurs. D’ailleurs, le Sénat attend toujours que lui soit fournie l’étude d’impact permettant d’apprécier, par secteur d’activité, les effets pour la France de différents scénarios de négociation, demandée au Gouvernement dans la résolution européenne n° 164 du 9 juin 2013.

Pour conclure, je tiens à remercier les rapporteurs de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, qui ont respecté l’orientation de cette proposition et ont su l’enrichir.

Je regrette simplement que la demande de retrait du volet agricole de ce projet d’accord, au cas où celui-ci ne satisferait pas à l’ensemble des conditions posées par cette résolution, n’ait pas été maintenue.

Nous sommes aujourd’hui confrontés, à plusieurs égards, à un choix de société ; il n’est pas acceptable qu’un choix aussi lourd de conséquences ne fasse pas l’objet d’un débat démocratique, et que les négociations n’aient pas lieu dans la plus totale transparence.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et au banc des commissions. – MM. François Marc, Joël Labbé et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis n’est pas un traité commercial comme les autres.

Ses conséquences, si les négociations aboutissaient, seraient déterminantes, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, s’agissant de la fixation de normes et de standards qui protègent aujourd’hui le consommateur européen. Ceux-ci, compte tenu du volume des échanges transatlantiques, pourraient devenir des normes de portée internationale.

Ce partenariat serait important, car il permettrait de fixer de nouvelles règles douanières plus favorables qui, au-delà même de l’économie agricole et agroalimentaire, seraient susceptibles d’ouvrir aux pays de l’Union européenne l’accès à de nouveaux marchés de biens et de services, dans une période où tous les États membres cherchent des relais de croissance par l’exportation – d’où l’attention particulière, par exemple, de l’Italie ou des pays de l’Est à l’aboutissement des négociations actuelles.

Vous l’avez compris : le texte de cette résolution n’est pas a priori dirigé contre le principe d’un traité transatlantique.

La présente proposition de résolution, adoptée le mois dernier par la commission des affaires économiques, sur l’initiative de notre collègue Michel Billout, est en réalité l’expression d’une très vive inquiétude des parlementaires.

Cette inquiétude porte essentiellement sur deux points : d’une part, la transparence de ces négociations et, d’autre part, les conséquences de cet accord sur le volet agricole, et en particulier sur le secteur de l’élevage, dont personne ici n’ignore les difficultés structurelles et conjoncturelles.

Je rappelle que le Sénat suit très attentivement le cheminement de ce traité et que nous avons, d’ores et déjà, adopté deux résolutions : l’une, dès juin 2013, pour demander un traitement spécifique du volet agricole, et l’autre, en février 2015, exhortant à davantage de transparence dans les négociations et demandant la révision du volet relatif au règlement des différends entre investisseurs et États par la voie d’arbitrages privés.

Les enjeux agricoles du traité, si l’on s’en tient aux seuls chiffres, paraissent somme toute limités : l’Europe achète pour 13 milliards de dollars de produits agricoles des États-Unis et nous exportons vers ce pays pour 20 milliards de dollars de produits agricoles européens.

C’est bien moins que les échanges industriels ou de services, mais la question agricole reste extrêmement sensible des deux côtés de l’Atlantique : chacun souhaite développer ses exportations, mais aussi veiller à ne pas déstabiliser son économie agricole, pour notre part en offrant des garanties de qualité au consommateur.

La position de la commission des affaires économiques se concentre sur trois éléments essentiels.

Tout d’abord, nous considérons fermement que la libéralisation des échanges entre Europe et États-Unis constitue une menace directe et puissante pour notre élevage allaitant français qui, avec quatre millions de bêtes, représente le tiers du total européen.

Notre modèle agricole européen, comparativement au modèle outre-Atlantique, est surtout celui de la petite exploitation avec des animaux essentiellement nourris à l’herbe, alors que le maïs génétiquement modifié constitue la ration de base des bovins aux États-Unis. Notre système est à la fois plus vertueux au plan environnemental, pourvoyeur d’emplois, et il contribue à l’occupation des territoires ruraux – vous l’avez dit, monsieur Billout.

Au total, l’Europe est presque autosuffisante en viande bovine, tout comme les États-Unis. Cependant, les Américains consomment davantage de morceaux issus des avants, pour l’énorme industrie du steak haché, délaissant l’aloyau et les pièces nobles. C’est, bien entendu, l’inverse en Europe.

Or l’importation massive en Europe des pièces nobles surnuméraires venant des États-Unis ferait considérablement chuter les prix, déséquilibrant définitivement notre filière élevage, qui n’a pas besoin de cela.

Certes, conjoncturellement, en raison de la baisse de l’euro, le prix du bœuf est plus élevé aux États-Unis qu’en Europe, mais structurellement, la filière de production de viande de bœuf américaine dispose d’avantages importants sur la filière européenne : la taille importante des élevages et des abattoirs permet des économies d’échelle, les normes applicables sont moins contraignantes. Enfin sont utilisés outre-Atlantique des accélérateurs de croissance, comme des hormones, des antibiotiques. Quant à l’attention au bien-être animal, elle y est bien moindre que de ce côté-ci de l’Atlantique.

Une ouverture totale des marchés serait donc une menace majeure pour les producteurs européens. Voilà pour ce qui est du risque principal.

Deuxième point défendu par notre commission : l’Europe et la France ont des « intérêts offensifs » dans le secteur agricole.

L’Europe et la France exportent, d’ores et déjà, avec succès des vins et spiritueux. Nos attentes sont ici de mieux protéger nos indications géographiques, alors que nos partenaires américains ne reconnaissent que les marques. C’est un point très sensible et très difficile des négociations.

Enfin, les produits laitiers, et en particulier les fromages, sont également des produits qui pourraient bénéficier de cet accord, à la condition de lever aussi les barrières en matière d’indications géographiques et d’appellations d’origine contrôlée, mais également les barrières non tarifaires.

La troisième remarque de la commission concerne, bien sûr, la méthode de négociation.

Nos partenaires américains ont consenti un effort important en apparence, en acceptant une suppression des droits de douane beaucoup plus large qu’au début des négociations, sur 97 % des lignes tarifaires. Nous craignons qu’en contrepartie de cette situation qui paraît favorable, les États-Unis ne souhaitent exporter des produits agricoles génétiquement modifiés sans devoir le mentionner, ce qui se heurte aux « préférences collectives » des consommateurs européens.

De plus, quelles sont les garanties de l’Europe de la levée des barrières non tarifaires opposables à nos produits, en particulier dans le secteur laitier, mais aussi dans le secteur des services ? Et quelles sont les garanties que, dans l’hypothèse où ces barrières non douanières soient levées au niveau fédéral, chaque État ne reviendrait pas individuellement sur cette position ?

Enfin, s’agissant du calendrier, 2016 sera une année décisive avec le douzième « round » de négociation, en mars. Or les questions agricoles, qui sont un point de blocage, ont été mises de côté et le risque de sacrifier l’agriculture à l’urgence nous semble, plus l’échéance de la fin de l’administration du président Obama se rapproche, extrêmement fort. Cela est d’autant plus inquiétant que les craintes sont très concentrées sur notre élevage, ce qui est une particularité française, et que certains États membres souhaitent parvenir très rapidement à la conclusion de cet accord. L’Europe résistera-t-elle à la tentation du sacrifice de l’agriculture ?

La proposition de résolution européenne que nous vous demandons d’adopter juge inacceptable ce sacrifice.

Sans préconiser le retrait du volet agricole des négociations, elle indique que tout accord doit être subordonné au maintien d’un haut niveau de sécurité sanitaire pour les consommateurs, et à la préservation du secteur de l’élevage en France, ce qui implique plus de transparence et une étude d’impact plus précise, que nous appelons de nos vœux. Pour lever les doutes et les inquiétudes légitimes, il nous paraît indispensable de continuer à classer la viande dans la liste des secteurs sensibles protégés par des droits de douane et des contingents.

Autant dire que cette proposition de résolution européenne cadre parfaitement avec les positions prises depuis plusieurs années par notre commission des affaires économiques, tous groupes politiques confondus.

Au final, nous préconisons beaucoup de fermeté. Nous savons que vous n’en manquez pas, monsieur le secrétaire d’État. Faute de réciprocité, mieux vaut pas d’accord du tout plutôt qu’un mauvais accord au détriment des intérêts européens, et particulièrement des intérêts français.

Tel est le sens de cette proposition de résolution européenne que nous soumettons à l’approbation du Sénat, dans la rédaction issue des travaux de notre commission des affaires européennes, et qui, nous l’espérons, monsieur le secrétaire d’État, doit vous permettre de montrer la détermination du Parlement français de ne pas ratifier un accord ne correspondant pas aux intérêts français.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation conduite par le ministre de la justice de la République démocratique populaire Lao, Son Excellence M. Bounkeut Sangsomsak.

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Il est accompagné par M. Vincent Eblé, président du groupe d’amitié France-Cambodge et Laos, Mme Catherine Tasca, présidente déléguée pour le Laos, et des membres de ce groupe.

Nous nous félicitons des liens étroits que tissent nos deux pays grâce à ces rencontres croisées. Ainsi, M. Vincent Eblé, Mme Catherine Tasca et Mme Marie-Annick Duchêne ont participé récemment aux cérémonies du vingtième anniversaire de l’inscription de la ville de Luang Prabang à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Votre visite d’étude, monsieur le ministre, s’inscrit dans le cadre du programme de soutien du ministère des affaires étrangères et du développement international pour la mise en œuvre du schéma directeur de la justice au Laos, dont l’objectif est d’approfondir l’État de droit.

Accompagnée par Mme Claudine Ledoux, ambassadrice de France à Vientiane, la délégation a un programme d’auditions et d’entretiens à Paris, puis se rendra à l’École nationale de la magistrature à Bordeaux.

Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, un séjour et des échanges fructueux, en formulant le vœu que cette session de travail contribue à la réforme de la justice au Laos.

Nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français !

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’agriculture est un secteur stratégique, singulièrement en France.

La proposition de résolution européenne qui vous est soumise aujourd’hui est importante, car les agricultures européenne et française ont des dimensions économiques, sociales et culturelles essentielles. Les dispositions qui les concerneront dans le cadre d’un futur accord commercial ne doivent pas être les variables d’ajustement de concessions obtenues sur d’autres secteurs, comme l’ont excellemment exprimé les deux précédents orateurs.

Notre collègue Daniel Raoul et moi-même avons rapporté cette proposition devant la commission des affaires européennes, en ayant en tête le fait que le solde de nos exportations sur nos importations vis-à-vis des États-Unis était positif de 7 milliards d’euros et que la crise de l’élevage français, qui affleure largement notre débat, est, par définition, préalable aux éléments d’un éventuel accord.

Nous avons souhaité insister sur trois points, et conclurons en vous demandant, monsieur le secrétaire d’État, de nous donner des garanties quant au rôle du Parlement français, si l’accord devait être signé.

Premier point : dans certains secteurs agroalimentaires, la suppression négociée des droits de douane se fait dans un climat de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.

Aujourd’hui, les droits de douane moyens appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont supérieurs à ceux des États-Unis. La négociation en cours a pour but de les réduire au maximum, voire de les supprimer. Pour autant, certains produits « sensibles » ne seront pas concernés par la réduction immédiate des tarifs douaniers. Pour la France, mais pas seulement pour elle, il s’agit notamment de la viande de bœuf, de porc et de la volaille. Le sort de ces produits sensibles est déterminé souvent en fin de négociation et peut aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent limité, à droit réduit ou nul.

L’accès de certains produits agricoles européens au marché des États-Unis est freiné par un fort écart de compétitivité. Les données ayant déjà été présentées, je serai bref.

Le secteur de la viande bovine est particulièrement exposé, tant sont différentes les pratiques respectives dans nos systèmes d’élevage. Elles placent l’Europe, mais plus singulièrement la France, dans une posture défensive.

En France, vous le savez, l’essentiel des aliments de troupeau bovin est produit sur l’exploitation. La ration de base est majoritairement composée d’herbe.

Je relève également que les États-Unis et le Canada bénéficient déjà de contingents d’exportation de viande bovine vers l’Union européenne, sans hormones ni accélérateurs de croissance. Mais ces deux pays n’utilisent à ce jour qu’assez peu lesdits contingents…

Enfin, des embargos interdisent encore l’exportation européenne des viandes bovine, ovine et caprine vers les États-Unis à la suite de l’épidémie dite d’encéphalite spongiforme bovine. Les États-Unis n’ont récemment levé cet embargo que pour les seules viandes d’Irlande et de Lituanie.

Deuxième point : les intérêts offensifs de la filière laitière.

Les professionnels français du secteur considèrent que le développement de la production laitière passe par l’exportation, notamment vers les États-Unis. Mais il y a au moins deux obstacles.

Le premier est tarifaire. Les droits américains sur les produits laitiers dépassent le niveau des droits moyens.

Le second obstacle concerne les règles sanitaires. Les États-Unis ont des exigences extrêmement strictes, assimilables à des barrières non tarifaires, qui imposent des contrôles plus rigoureux encore que dans l’Union européenne. Les exportations de fromages européens pâtissent évidemment de cette situation.

Les régulateurs de l’Union européenne et des États-Unis ont bien sûr en commun le souci de la protection des consommateurs. Mais les démarches respectives pour y aboutir sont très différentes et la disparité des normes freine les échanges. Côté américain, une approche « basée sur la science » ; côté européen, le principe de précaution, conforme à des choix sociétaux et culturels regroupés sous les termes de « préférences collectives ». Ainsi, les promoteurs de croissance, les OGM, la décontamination chimique des viandes et le clonage animal sont un enjeu majeur.

Les négociateurs doivent prendre en compte, en complément de l’évaluation scientifique, les choix exprimés par les consommateurs européens. L’accord ne devra donc pas remettre en cause la capacité de l’Union et de ses États membres à faire respecter ces choix collectifs.

Je rappelle d’ailleurs que le mandat de négociation confié à la Commission indique explicitement que, dans l’accord éventuel, les États-Unis et l’Union européenne devront respecter de hauts niveaux de protection de l’environnement et des consommateurs, « conformément à l’acquis de l’Union européenne et à la législation des États membres ».

Troisième point : les indications géographiques sont pour nous un enjeu central.

Notre système d’indications géographiques s’oppose au système américain des marques commerciales. L’indication géographique est ancrée dans un territoire ; elle n’est pas transférable. Elle est liée à un savoir-faire, à un mode de production, défendus et entretenus par les fabricants mais aussi, bien entendu, par les producteurs.

La marque ne répond pas aux mêmes critères. Elle peut avoir une durée limitée et être vendue, tous éléments que l’on ne peut bien sûr retrouver pour une indication géographique.

La France a donc un intérêt offensif majeur à faire reconnaître et protéger une liste ciblée d’indications géographiques dans le cadre de l’accord. S’il n’était pas reconnu dans le traité transatlantique, il ne figurerait à l’évidence dans aucun des autres accords commerciaux à venir : c’est bien un sujet stratégique.

Vous le savez, mes chers collègues, la discussion de cette proposition de résolution européenne tombe à point nommé, au moment où les négociations entre la Commission et ses interlocuteurs américains devraient entrer, avec le douzième round, dans le vif du sujet.

Je voudrais conclure en évoquant une question à laquelle je faisais référence dans l’introduction de mon propos.

Nous savons que, le moment venu, il reviendra successivement au Conseil, et donc aux gouvernements nationaux, puis au Parlement européen et surtout enfin – espérons-le ! – aux parlements nationaux d’évaluer le contenu du traité, avant de le ratifier ou non.

Monsieur le secrétaire d'État, c'est sur ce point que je souhaiterais vous interroger pour que le Sénat ait une réponse, mais surtout pour que nos concitoyens sachent avec certitude si le traité sera ou non soumis à examen.

En effet, nous ne savons toujours pas aujourd’hui si les accords conclus avec le Canada ou avec Singapour seront ou non considérés comme des accords mixtes, c’est-à-dire intégrant des éléments de la compétence commerciale exclusive de la Commission ou relevant de compétences partagées entre elle et les États membres. Nous ne savons donc pas ce qu’il en irait du traité transatlantique s’il devait être conclu.

C’est une véritable interrogation puisque de la réponse à cette question dépendra la saisine, ou non, des parlements nationaux pour autoriser leur ratification.

En attendant la décision que devrait enfin rendre la Cour de justice sur l’accord avec Singapour et la jurisprudence qu’elle établira, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer les critères qui, pour la France, gouvernent la qualification d’accord mixte ? Qu’adviendrait-il si un tel accord était rejeté par au moins un parlement national ? Serait-il applicable pour les dispositions relevant de la compétence exclusive de la Commission, lesquelles sont souvent les plus importantes ?

Pour être plus direct, monsieur le secrétaire d'État, quelles garanties pouvez-vous nous donner que l’éventuelle signature du TTIP donnera lieu à une approbation préalable par notre Parlement ?

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier la Haute Assemblée pour l’engagement dont elle fait preuve dans le suivi des négociations transatlantiques, qui sont majeures à bien des égards.

J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec vous à de très nombreuses reprises sur ce sujet, notamment à l’occasion de l’examen, l’an passé, d’une proposition de résolution européenne sur les questions d’arbitrage, mais aussi en répondant aux convocations des commissions compétentes du Sénat. Je me tiens bien évidemment toujours à votre disposition pour débattre de ces questions avec vous.

L’intérêt que vous portez aux négociations en cours, et tout spécialement aux conséquences potentielles sur notre agriculture, nous permet de poursuivre ici un indispensable travail de fond. Tout au long de l’année 2015, je me suis engagé, au nom de la France, pour que vous ayez le meilleur degré d’information possible. Je poursuivrai évidemment dans cette voie.

Voilà maintenant plus de deux ans et demi que les négociations ont commencé. Fin février s’ouvrira la douzième session de négociation : après Miami l’année dernière, celle-ci se tiendra à Bruxelles. Deux autres suivront avant l’été. Des contacts de haut niveau entre la Commission et le négociateur américain auront lieu. Le gouvernement français suivra bien sûr très attentivement ces négociations.

Vous le savez, 2016 est une année de campagne électorale aux États-Unis, ce qui aura aussi un impact sur le cours des choses. Dans cette situation, certains estiment que les négociations transatlantiques devront être conclues à tout prix cette année, sans quoi la perspective d’un accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis serait repoussée de plusieurs années, voire indéfiniment. Ce n’est ni mon analyse ni la position de la France.

Certains ajoutent également, et il en a été question dans plusieurs interventions, que l’aboutissement des négociations sur le partenariat transpacifique devrait là aussi accélérer les choses et nous inviter à hâter le pas. Je ne partage pas non plus ce point de vue, en particulier parce qu’il repose sur une erreur de raisonnement. Sur le TPP, plus de trente cycles de négociations ont été tenus et les négociations ont duré plus de cinq années, elles ont commencé avant celles du traité transatlantique. On ne voit donc pas bien au nom de quelle logique la conclusion de négociations entamées avant celles du partenariat transatlantique devrait automatiquement conduire à la conclusion des négociations sur ledit partenariat.

Le gouvernement français aborde les négociations transatlantiques en respectant un principe simple, que nombre d’entre vous ont mis au cœur de leur intervention : seul un bon accord, c'est-à-dire un accord ambitieux, équilibré et mutuellement bénéfique, serait acceptable. Cela a pour nous des implications très claires. Le contenu de l’accord sera pour la France le seul critère d’appréciation au regard duquel nous déciderons s’il faut approuver ou rejeter le texte final. C’est précisément cette position que j’ai exprimée publiquement, au nom de notre pays, en septembre 2015, partant du constat que, sur le fond, le compte n’y est pas aujourd'hui pour la France.

On n’aborde pas une négociation en voulant la conclure à tout prix et dans la précipitation. Ceux qui seraient tentés par cette approche font, là aussi, une erreur d’appréciation – c'est en tout cas notre analyse. La France défendra ses intérêts, ses valeurs et une conception exigeante de l’intérêt général tant national qu’européen.

Cette résolution est très importante. Elle permet aussi de faire un point sur ce que nous avons appelé, avec Stéphane Le Foll, « la diplomatie des terroirs » : il s’agit de défendre notre agriculture dans les instances européennes et internationales où sont prises des décisions très importantes, qui ont souvent un impact direct sur la vie de nos territoires. Je sais que vous êtes toutes et tous ici particulièrement sensibles et attentifs à la réalité de ce qui se passe dans les territoires de France.

L’agriculture est stratégique pour notre pays. Négocier dans ce domaine, ce n’est pas seulement discuter de chiffres ou de normes techniques, c'est aussi défendre des règles et des méthodes de production conformes à nos traditions, à la capacité d’innovation de notre agriculture et à nos valeurs. C'est parler d’alimentation, de choix de production et de consommation, et de souveraineté alimentaire.

Les négociations transatlantiques font apparaître des conceptions pour le moins différentes en matière d’agriculture. Je le redis ici devant vous, comme j’ai pu le dire à nos partenaires américains et à nos partenaires de l’Union européenne, rien ne saurait remettre en cause les règles qui traduisent les préférences collectives des citoyens européens.

L’agriculture européenne est en particulier caractérisée par une recherche de qualité, par l’exigence qu’ont nos agriculteurs dans leur manière de produire, et par des contrôles très forts « de la ferme à l’assiette » pour réduire les risques sanitaires. Notre approche est clairement préventive. Aux États-Unis, l’accent est mis sur le traitement final des produits pour garantir leur qualité sanitaire. Ce sont deux manières différentes d’envisager l’agriculture et la protection du consommateur. Je le redis, il n’est pas envisageable de remettre en cause nos préférences collectives, comme l’interdiction de la viande traitée aux hormones, la décontamination chimique des viandes ou encore notre réglementation en matière d’OGM.

Je souligne également les divergences transatlantiques dans la gestion des risques : les États-Unis insistent sur la mobilisation de preuves scientifiques pour procéder à l’interdiction de certaines pratiques de production, alors qu’en Europe c’est le principe de précaution qui joue un rôle déterminant. Chacun doit être en mesure de gérer le risque à sa manière. Chaque approche est légitime, mais chacun est aussi légitime à définir l’approche qu’il choisit. Plusieurs des vœux formulés dans la présente proposition de résolution européenne vont en ce sens. Sachez que le Gouvernement tout entier est mobilisé pour s’assurer du respect du mandat de négociation confié par les États membres à l’Union européenne et, donc, à la Commission.

Ne nous méprenons pas : le maintien d’une agriculture européenne fidèle à nos traditions et à nos valeurs nécessite une mobilisation politique de chaque instant, non seulement dans le cadre des négociations sur la convergence réglementaire – il en a été question –, mais aussi dans celui plus classique des négociations tarifaires.

La résolution que vous proposez mentionne, à raison, ce point en évoquant le cas du secteur de l’élevage qui connaît, nous le savons tous, une crise aiguë. Le ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, mon collègue Stéphane Le Foll, est totalement mobilisé sur ce sujet aux niveaux tant national qu’européen et international. Pour ce qui est des négociations transatlantiques, la France a obtenu le classement en produits sensibles des viandes de bœuf, de porc et de volaille. Au-delà du secteur de l’élevage, qui est particulièrement sensible, j’ajoute que d’autres produits agricoles font l’objet de ce type de traitement. Il s’agit par exemple du maïs doux, des petits légumes, des produits amylacés – contenant donc de l’amidon –, de l’éthanol, le sucre, du rhum ou des ovoproduits – les sous-produits des œufs.

Il est désormais exclu de faire des concessions significatives supplémentaires en matière agricole. La France comme l’Europe ont multiplié, via la Commission européenne, les offres. Nous considérons que c’est maintenant aux Américains de faire mouvement et de présenter des propositions. Le Gouvernement restera attentif à la poursuite des négociations sur l’ensemble de ces sujets, avec pour objectif de ne pas déstabiliser plus encore nos secteurs agricoles, qui traversent des situations très difficiles en termes tant économiques qu’humains. De nombreuses situations dramatiques sont là, semaine après semaine, pour nous le rappeler.

Votre proposition de résolution européenne aborde également avec justesse la nécessaire reconnaissance de la protection des indications géographiques. Il en a été question dans les interventions. Comme vous le savez, l’Union européenne et les États-Unis ont des systèmes très différents pour protéger les productions agroalimentaires. En Europe, nous nous appuyons sur l’origine régionale et sur le respect d’un certain nombre de règles de fabrication. Le système américain repose, lui, beaucoup plus largement sur un système de marques, même si les deux peuvent bien sûr coexister.

Une fois de plus, ce sont deux conceptions différentes de l’agriculture qui se font face ici. L’une se concentre sur les caractéristiques de nos produits de terroir, l’autre davantage sur le droit de propriété, avec souvent une déconnexion entre les modes de production, les terroirs et le produit finalement réalisé et consommé. Dans le cadre des négociations commerciales, l’enjeu est d’obtenir un haut niveau de protection pour les appellations et indications françaises. C’est vrai pour les vins et spiritueux et pour toutes les productions agricoles de notre pays. Nous souhaitons aussi l’abandon des dénominations semi-génériques – je pense en particulier au champagne de Californie. Un certain nombre d’appellations proches de « champagne » usurpent en réalité la qualité de cette appellation à travers le monde. Nous sommes, là aussi, mobilisés.

On pourrait prendre malheureusement de très nombreux autres exemples qui, en la matière, faussent les choses. C’est d’ailleurs l’esprit qui présidait à l’accord sur le commerce de vins de 2006 signé par les États-Unis. La France a proposé des listes très ambitieuses d’indications géographiques, à l’image de ce qui a été fait pour la négociation avec le Canada. Ce pays a en effet reconnu, dans le cadre du CETA, Comprehensive Economic and T rade A greement, de très nombreuses indications géographiques françaises, en particulier des produits laitiers et charcutiers, après la reconnaissance déjà très exigeante des vins et spiritueux dans l’accord sur ce sujet au début des années 2000.

Cela fixe clairement un haut degré d’ambition et nous souhaitons atteindre des résultats comparables dans les négociations transatlantiques en cours ; du point de vue de l’étalonnage, il est très intéressant de le rappeler. Nous souhaitons que les choses avancent sur ce sujet ; ce n’est pas le cas aujourd’hui, l’honnêteté nous force à l’admettre.

Nos demandes sont très précises, cohérentes et étayées. De fait, la coexistence entre un système de marques et un système d’indications géographiques est possible ; l’exemple canadien le démontre. Là encore, c’est désormais à nos partenaires américains de prouver qu’ils souhaitent avancer à ce sujet mais, en ce qui concerne les indications géographiques, croyez à la détermination totale du Gouvernement pour faire avancer les choses et en faire l’une des conditions absolues de ratification d’un accord.

À ce stade, les négociateurs américains n’ont pas du tout souhaité aborder ces sujets et ils ont clairement signifié que les négociations seraient ardues. Nous restons toutefois convaincus qu’il existe une solution : d’abord parce que la négociation est loin d’être terminée, ensuite parce que la question des indications géographiques peut faire l’objet des sujets abordés tout à la fin, et enfin parce que les producteurs américains souffrent parfois de difficultés comparables à celles de l’Union européenne avec le système des marques et qu’ils font entendre leur voix ; c’est un point d’appui pour nous. J’ajoute que le partenariat transpacifique, dont on se sert souvent comme référence, comprend la protection des indications géographiques. À ce sujet, une priorité pour la France, la balle est, je le répète, dans le camp des États-Unis.

La reconnaissance des indications géographiques n’est pas notre seule demande ; nous souhaitons aussi la levée de barrières sanitaires et phytosanitaires qui continuent d’être opposées à nos produits. Aujourd’hui, le marché américain du bœuf est de facto fermé du fait de l’épidémie dite « de la vache folle » des années 1990. Pourtant cela n’est plus d’actualité ; d’ailleurs, notre pays s’est vu attribuer le meilleur statut en matière de sécurité relative à l’encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, par l’Organisation internationale de la santé animale. À l’unanimité, le statut de risque négligeable en la matière nous a été décerné. Cela doit donc logiquement se traduire par la levée des embargos ; là encore, nous sommes totalement mobilisés.

Je pourrais multiplier les exemples à l’envi : ainsi, la législation « Grade A » nous empêche d’exporter de nombreux produits laitiers comme les yaourts, la crème ou le lait ; nos exportations de pommes ont repris, mais restent très compliquées du fait notamment de doubles contrôles souvent identiques de part et d’autre de l’Atlantique ; les États-Unis ont activé le 5 octobre dernier des mesures de sauvegarde contre le beurre européen, déjà très frappé par la situation russe.

Face à cela, nous avons mené des travaux techniques très approfondis, identifiant précisément chacune des barrières en matière agricole et agroalimentaire. Cela vient à l’appui des demandes européennes, notamment la reconnaissance du système sanitaire européen – comme demandé dans la résolution examinée aujourd’hui – ou encore la garantie d’une transparence et de délais raisonnables dans le traitement des dossiers.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture, parce qu’elle nous nourrit, qu’elle aménage nos paysages et qu’elle a des effets sur notre santé et traduit des modes de vie hérités de notre histoire, occupe une place particulière dans la négociation du TTIP. J’ai rappelé les lignes rouges que nous défendons et les évolutions que nous recherchons.

Je souhaite ajouter que la position du gouvernement français est fondée non seulement sur un attachement à nos valeurs, mais aussi sur une analyse économique extrêmement précise, rigoureuse et exigeante. J’en veux pour preuve la parution en décembre dernier d’un rapport directement issu de l’organisme de recherche du ministère fédéral de l’agriculture des États-Unis. Cette étude américaine porte sur les conséquences de la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires. On peut en retenir de nombreux points, notamment qu’une réduction significative des droits de douane agricoles aurait des effets délétères pour l’Union européenne, avec un déséquilibre qui serait très largement en notre défaveur.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’État

Oui, madame la sénatrice, c’est bien une étude américaine qui l’affirme. Elle a été publiée sur internet – j’ignore si c’est par des voies directes ou indirectes – et c’est évidemment un objet à verser au débat.

Vous demandez à la Commission européenne de réitérer auprès du gouvernement américain ses demandes en matière d’ouverture et de transparence. Je partage pleinement cette préoccupation et j’en ai fait, vous le savez, l’un des axes de mon action. Aujourd’hui, notamment grâce à des demandes répétées de la France, nous avons enfin accès aux documents consolidés dans une salle de lecture d’une administration française, à Paris.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’État

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Cela met fin à la mascarade inacceptable qui consistait à proposer aux États membres de l’Union européenne de consulter ces documents cruciaux soit à Bruxelles, soit dans une salle des ambassades américaines des différents États membres

M. David Rachline s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’État

Il manque toutefois encore beaucoup de choses et, en matière de transparence, nous n’en sommes qu’au début. La transparence des négociations commerciales internationales est l’un des enjeux du siècle qui commence – il est déjà bien entamé. Les négociations commerciales modernes ne pourront plus se faire en cachette, …

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’État

… à l’abri des regards, eu égard en particulier aux sujets désormais abordés. Il ne s’agit plus de négociations tarifaires classiques ; de nombreux sujets concernant potentiellement la vie de tous les jours sont évoqués. Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont donc indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord.

Nous souhaitons en particulier que les États membres aient accès aux offres américaines, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Les États-Unis refusent pour le moment que les États de l’Union, qui sont pourtant directement concernés par les négociations, aient accès aux offres qui sont adressées à la Commission européenne de manière détaillée, chapitre par chapitre. C’est un manque qui nuit gravement à notre capacité d’assurer une information parfaite de tous – Parlement, Gouvernement et citoyens – et d’agir efficacement. J’ai adressé des messages répétés à ce sujet et je continuerai de le faire. Ce n’est là que l’un des aspects de la transparence en la matière.

Je veux dire quelques mots de la nature juridique de l’accord, puisque, notamment, M. Bonnecarrère en a parlé. La France considère que le TTIP est un accord mixte, j’ai eu l’occasion de le dire devant les deux chambres du Parlement, c’est-à-dire appelant une ratification aux niveaux européen et national, qui, dans notre pays, se déroulerait selon nos procédures constitutionnelles, avec le vote du Parlement. C’est aussi la position unanime de tous les États membres de l’Union européenne. La Commission reste à ce stade plus prudente ; elle ne s’est jamais clairement exprimée sur ce point. Cela est peut-être dû à la procédure pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le projet d’accord entre l’Union et Singapour.

Je vais répondre très précisément à votre question, monsieur le sénateur. Pour la France, plusieurs éléments relèvent de la compétence des États membres et justifient ainsi la mixité nationale et européenne de cet accord. Il s’agit notamment d’éléments relatifs à la propriété intellectuelle, aux investissements et au transport.

En cas de vote négatif, que vous avez évoqué, une phase d’incertitude s’ouvrirait ; distinguons l’analyse juridique de l’analyse politique. Du point de vue juridique, l’état du droit prévoit la juxtaposition de stipulations qui continueraient à vivre même en cas de vote négatif et de stipulations qui tomberaient. Néanmoins, en la matière, c’est évidemment l’analyse politique qui doit primer. Ma conviction personnelle, qui correspond à la position du Gouvernement, est qu’un rejet d’un accord TTIP par le Parlement français conduirait nécessairement à la remise en cause de l’ensemble de l’accord.

Que ce soit dans l’hypothèse de la non-mixité de l’accord – s’il en était ainsi décidé à l’échelon européen – ou dans celle d’un accord mixte qui ferait l’objet d’un vote négatif, cela équivaudrait, selon moi, à un coup d’État démocratique. La France n’acceptera ni l’hypothèse où cet accord serait déclaré purement communautaire sans intervention du Parlement européen, ni l’hypothèse du rejet d’un projet qui vous serait soumis mais entrerait en vigueur. Une telle hypothèse ferait trop de mal à notre conception de la démocratie et au projet européen. Telle est la position du gouvernement français sur ce sujet majeur.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et au banc des commissions. – Mme Éliane ainsi que MM. Joël Labbé et René Danesi applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’État

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’agriculture est et restera au cœur des débats du TTIP et elle exige un degré important de transparence. Il est indispensable à la poursuite de nos objectifs ; la rapporteur Mme Primas a aussi insisté sur ce point. Réciprocité, défense de nos préférences collectives, attention portée aux secteurs sensibles et à l’ensemble des secteurs de l’agriculture française, ambition et détermination dans la levée des obstacles au commerce avec les États-Unis – en particulier l’accès au marché – : voilà quelques-uns des piliers de la position de la France en matière agricole. Ils correspondent totalement, je crois, à l’esprit de la proposition de résolution européenne qui est soumise aujourd’hui à votre appréciation et dont le Gouvernement partage tant l’esprit que la lettre.

Je vous remercie de votre engagement sur ce sujet.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC, sur quelques travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – MM. Joël Labbé et Jean-Claude Requier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire intervient dans le contexte très sensible de la crise de l’élevage, dont l’acuité n’a échappé à personne. En effet, que ce soit dans les secteurs du lait, de la viande de porc, des canards, des oies ou des bovins, la chute des prix a déclenché la colère bien légitime des agriculteurs, qui ne voient pas la fin du tunnel malgré les plans d’urgence qui se succèdent.

Aussi, comme l’indique l’alinéa 12 du texte, il faut « faire en sorte qu’une conclusion éventuelle du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement préserve les modèles agricoles européen et français dans toute leur diversité d’activités ». C’est en effet bien la moindre des choses. Nos agriculteurs, plongés dans les difficultés que je viens d’évoquer, n’ont vraiment pas besoin d’une enclume supplémentaire au-dessus de leur tête.

En effet, même si aucune étude d’impact n’a été réalisée pour évaluer les effets du traité transatlantique sur l’agriculture, on doit faire preuve de vigilance et veiller à ce que les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne s’engagent dans le sens de l’équilibre et de la réciprocité. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur, la question agricole est sensible des deux côtés de l’Atlantique. Parmi les secteurs qui pourraient être les plus exposés au traité, la filière bovine concentre toutes les craintes. Il suffit de se remémorer le dossier du bœuf aux hormones ou celui de la vache folle pour mesurer combien chacun cherche, à tour de rôle, à tirer la couverture à lui et avantage de la situation.

Si l’agriculture n’emploie que 2 % de la population active en France, 5 % dans l’Union européenne des Vingt-Huit et 3 % aux États-Unis, la population rurale est encore partout significative. Elle représente un sixième de la population de notre pays et 18 % des Américains vivent en milieu rural. Nous le savons tous ici, l’agriculture contribue à l’aménagement du territoire et, dans certains départements, elle est un vecteur essentiel du dynamisme économique local.

D’ailleurs, il suffirait d’imaginer ce que pourraient devenir les campagnes dans notre pays si l’agriculture venait sinon à disparaître, du moins à régresser considérablement !

Alors, comment aboutir à un traité acceptable pour toutes les parties ? Comment prémunir nos agriculteurs et nos territoires des conséquences de l’écart de compétitivité entre les modèles agricoles européens notamment français, et américain ? Comment concilier les différents modes de production, illustrés, chez nous, s’agissant de l’élevage, par la ferme limousine familiale et, de l’autre côté de l’Atlantique, par la ferme texane aux 100 000 vaches ?

La proposition de résolution issue des travaux de la commission des affaires économiques pose quelques principes fondamentaux auxquels nous ne pouvons qu’adhérer.

Oui, en effet, il faut que les négociations garantissent une réciprocité dans les trois domaines concernés, que ce soit l’accès aux marchés à travers les barrières douanières, la levée des obstacles non tarifaires et, enfin, les règles de concurrence.

Le deuxième domaine est celui qui pose le plus de difficultés, car la levée des obstacles non tarifaires touche à des acceptations collectives très différentes, en matière sanitaire, phytosanitaire ou réglementaire, selon que l’on soit européen ou américain. Pour être plus précis, c’est le principe de précaution contre la preuve par la science. C’est le fromage au lait cru, qu’un très grand nombre de mes collègues apprécient tout particulièrement

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

C’est le poulet fermier contre le poulet aux hormones, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… qui a pour caractéristiques de n’avoir pas de goût et d’être porteur de tous les vices et de toutes les maladies possibles : en en mangeant, on court les plus grands risques sur les plans médical et sanitaire… ce qui n’en empêche pas une consommation importante.

Dans ces conditions, il est bien évident que les négociations risquent de buter. Pour autant, il n’est pas envisageable de renoncer aux standards qui sont les nôtres et vers lesquels convergent les agriculteurs européens.

C’est pourquoi la proposition de résolution européenne va dans le bon sens en invitant le Gouvernement à œuvrer pour la préservation de ces préférences collectives.

Je partage aussi le principe consistant à garantir le système européen de qualité, notamment les indications géographiques, qui sont un élément fort de la valorisation des produits européens, en particulier français.

À ce propos, je dois dire que la meilleure défense que nous aurons consistera à mettre en valeur la qualité des produits français issus de notre agriculture. Nous devons aussi balayer devant notre porte, si je puis dire : si, globalement, les produits issus de l’agriculture française sont d’excellente qualité, il n’en reste pas moins vrai qu’il peut y avoir, ici ou là, quelques productions défaillantes, qui plombent le reste de la production. Nous devons être très vigilants, car ce n’est pas en multipliant les chaînes de restauration qui délivrent, au mieux, de quoi étancher sa soif, mais certainement pas ce que j’appelle, moi, de la nourriture – je souhaite bon appétit à ceux qui fréquentent ces restaurants, où je ne mets que très peu les pieds – que les choses s’arrangeront ! De toute façon, c’est un modèle qui est très défavorable à l’agriculture traditionnelle.

Enfin, le texte n’oublie pas la forme des négociations du traité transatlantique, en invitant notamment à plus de transparence sur le contenu des discussions. C’est une bonne chose. Au mois de novembre dernier, le Premier ministre s’était dit inquiet de voir l’opinion croire à une « négociation cachée ». Si l’on ne veut pas alimenter la méfiance, il faut ouvrir encore davantage ce qui est ouvrable, sans, bien sûr, méconnaître les impératifs de confidentialité.

Mes chers collègues, la présente proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à prendre en compte les intérêts européens et donc français. C’est la raison pour laquelle les membres de mon groupe du RDSE, à l’unanimité, l’approuveront.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-François Longeot applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui des conséquences d’un partenariat de commerce et d’investissement avec les États-Unis sur l’agriculture, ainsi que sur l’aménagement de notre territoire.

À l’heure où les agriculteurs de notre pays se mobilisent pour défendre leurs emplois et, surtout, une juste rémunération de leur travail, soyons très vigilants et prenons en compte leur détresse et leur désespoir, car beaucoup d’entre eux travaillent dur pour ne rien gagner.

L’ensemble des filières est touché. Notre agriculture est déstabilisée. Ce sont des milliers d’emplois et de vies qui sont menacés. En Bretagne, par exemple, 25 % des producteurs de porc sont en liquidation !

Les causes sont bien connues : démantèlement des outils de régulation, libéralisation des marchés, dumping social, concentration de l’agriculture au profit des géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution.

Il faut s’attaquer aux véritables causes de la situation, en concertation avec l’ensemble des producteurs et des professionnels. La solidarité nationale doit s’exprimer par une intervention publique, pour sauver les producteurs des logiques de marchés et d’une concurrence dévastatrice.

Les agriculteurs ne doivent pas être les victimes de la chaîne de commercialisation. De nouvelles règles doivent être instituées afin de leur garantir des revenus dignes, de manière à assurer, sur nos territoires, une production alimentaire de qualité.

Parallèlement, c’est à l’échelle de l’Europe qu’il est nécessaire d’intervenir, pour que cessent les logiques de concurrence exacerbée et leurs conséquences sociales, économiques et environnementales.

Mes chers collègues, comment voulez-vous que je ne sois pas encore plus inquiet pour le devenir du monde agricole quand je vois une machine de guerre comme le TTIP en préparation ?

Nous savons que ce traité va être une voie royale pour les multinationales, remettant en cause les droits sociaux et environnementaux de l’ensemble des citoyens européens et américains.

Au travers de cet accord, ce n’est pas tant la baisse des droits de douane qui est recherchée que la suppression des barrières commerciales non tarifaires, laquelle se traduira par une révision à la baisse des normes dans tous les domaines, ce qui aura clairement des conséquences importantes sur notre santé, sur l’environnement, sur le développement durable et sur la condition animale.

Une étude menée par le département de l’agriculture américain met en évidence que les États-Unis seraient les grands gagnants de ce traité, notamment grâce à deux éléments : premièrement, l’abolition des droits de douane, qui rapporterait 5, 5 milliards de dollars aux États-Unis, là où l’Union européenne ne gagnerait que 800 millions de dollars, soit sept fois moins ; deuxièmement, l’ajout de la suppression des mesures non tarifaires, qui ferait gagner 10 milliards de dollars aux États-Unis, contre 2 milliards de dollars, soit cinq fois moins, à l’Union européenne.

Cette même étude montre que les États-Unis n’auraient rien à gagner dans cet accord si les citoyens privilégiaient la qualité et la sécurité sanitaire en en faisant des priorités. Les autorités états-uniennes expliquent que les consommateurs se tourneraient alors vers la production locale. Dans un tel cas, le TTIP n’aurait aucun intérêt pour eux.

Une autre étude, menée par l’association allemande UnternehmensGrün, qui défend plutôt l’économie verte, montre que l’agriculture européenne ne sortira pas indemne de cet accord. On peut y lire que « personne ne peut produire des produits tels que les céréales à un coût aussi bas qu’aux États-Unis », ou encore que « les fermiers européens sont, économiquement parlant, désarmés… cela signifierait la chute automatique de pans entiers du secteur agricole ». Cette enquête conclut que « le TTIP, en sa forme actuelle, renforce les positions des grandes entreprises agroalimentaires ». Ainsi, l’existence réelle de 99 % des petites et moyennes entreprises serait ignorée par la Commission européenne.

Cette disproportion entre les gains potentiels dans le domaine agricole, que l’on peut qualifier de « déséquilibre astronomique », aurait de lourdes conséquences pour notre agriculture. En effet, cette nouvelle concurrence risque de faire plonger les prix européens et donc de conduire à un grand nombre de faillites.

De plus, il existe une différence totale de conception des deux côtés de l’Atlantique. L’Union européenne organise la protection des animaux « de la ferme à l’assiette », c’est-à-dire sur l’ensemble des étapes de la production – élevage, transport, abattage. Elle interdit les hormones de croissance et elle est nettement moins tolérante avec les aliments génétiquement modifiés et les antibiotiques que les États-Unis.

En revanche, la législation états-unienne sur le transport des animaux date de 1873 ! Outre-Atlantique, le contrôle de la ferme à l’assiette n’existe pas. Désinfecter une carcasse une fois la bête abattue n’y pose donc aucun problème. Mais quelle garantie aurons-nous pour notre sécurité alimentaire ? Aucune.

Mes chers collègues, comment voulez-vous que l’Union européenne et les États-Unis arrivent à conclure un accord équitable, respectueux d’un certain nombre de principes fondamentaux pour nous, citoyens, quand on sait que le Conseil national des producteurs de porc des États-Unis déclare que le TTIP ne devrait permettre aucune restriction des importations européennes fondée sur le bien-être animal ? On sait aussi que ces mêmes producteurs utilisent la ractopamine, qui est juste interdite dans l’Union européenne et dans un peu plus de cent cinquante pays au monde pour ses effets secondaires…

Pourtant, l’Union européenne, dans son mandat de négociation, indiquait souhaiter « préserver le droit de chaque partie à protéger la vie humaine, animale ou végétale sur son territoire ». Mais cette intention était oubliée dès le point suivant, aux termes duquel « les mesures sanitaires et phytosanitaires ne devront pas créer de barrières inutiles au commerce ».

Continuer dans ce sens, c’est prendre beaucoup de risques. Il y va de l’avenir de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, de la souveraineté alimentaire et, si l’on considère les choses plus globalement, du devenir de notre territoire.

L’agriculture ne peut servir de variable d’ajustement dans les négociations de l’accord. L’enjeu est trop important pour qu’on laisse notre agriculture en proie à l’ultralibéralisation du secteur agricole !

Non, l’agriculture n’est pas une marchandise comme les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

M. Michel Le Scouarnec. Elle doit faire partie d’un projet de société plus global. À cet égard, il est tout à fait possible de développer un commerce international sur la base de solutions alternatives, respectueuses de l’homme et de l’environnement. Cela ne peut évidemment se faire en cachette ; cela doit se faire au grand jour ! C’est pourquoi nous voterons cette proposition de résolution européenne des deux mains.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joël Labbé et Jean-François Longeot applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne nous permet de débattre une nouvelle fois des négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le PTCI – pour ma part, je préfère le sigle français à celui de TTIP.

Le texte proposé par notre collègue Michel Billout nous permet de préciser notre position sur les questions d’agriculture et d’aménagement du territoire, sujets particulièrement sensibles dans les discussions, à la veille du douzième cycle de négociations, qui s’ouvriront du 22 au 26 février prochain et seront essentiellement consacrées aux questions agricoles.

Pour commencer, monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer une nouvelle fois l’amélioration continue de la transparence des négociations que vous avez engagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Jamais les parlementaires n’ont autant suivi les négociations commerciales conduites par l’Union européenne. Je pense notamment au comité de suivi des négociations, qui associe la société civile et les parlementaires.

Cependant, la transparence des négociations doit encore progresser et le contrôle parlementaire doit s’exercer pleinement. C’est une nécessité au vu des enjeux économiques de l’accord – ils ont été évoqués –, ainsi que de la diversité des économies nationales et des structures du PIB des pays européens. Je pense évidemment à la part que représente l’agriculture en Allemagne – 0, 9% du PIB –, laquelle pourrait être tentée de s’en servir comme variable d’ajustement vis-à-vis de son industrie.

Le combat mené par la France au niveau européen pour une plus grande transparence des négociations favorise une meilleure association des parlementaires nationaux et européens et de la société civile. J’y vois la chance de donner un rôle plus important aux parlementaires dans la préservation et la promotion des valeurs qui sont les nôtres, et ce quel que soit le jugement que rendra Cour de justice de l’Union européenne concernant le caractère mixte de l’accord conclu avec Singapour.

Le travail engagé par la France au niveau européen va également dans le sens de la primauté des valeurs économiques, sociales, environnementales et sociétales, qui sont considérées aujourd’hui comme non négociables. La menace de stopper les négociations si les États-Unis ne jouaient pas le jeu et si le contenu de l’accord s’avérait insatisfaisant, menace que vous avez vous-même brandie à l’automne dernier, monsieur le secrétaire d’État, doit être lue en ce sens. Elle était tout à fait légitime et nous y adhérions !

Ce travail a permis une évolution et une inflexion de la stratégie commerciale européenne, plus exigeante désormais en matière d’équité et de réciprocité.

L’agriculture est un secteur stratégique sur le plan économique et commercial, spécifiquement en France, premier pays agricole d’Europe. L’agriculture ne doit pas servir de variable d’ajustement ; nous ne pourrions l’accepter.

De plus, les enjeux de société et d’environnement font de ce secteur un élément essentiel des négociations du traité transatlantique.

Notre collègue Michel Billout présente de nouveau une proposition de résolution européenne liée aux négociations transatlantiques, cette fois sur leur volet agricole. Il s’agit d’une bonne proposition que M. Bonnecarrère et moi-même avons voulu renforcer sur plusieurs points. Peut-être M. Billout a-t-il fait preuve de timidité ? Nous y sommes allés un peu plus fort, ce qui a permis à cette proposition d’être adoptée à l’unanimité par nos deux commissions.

D’abord, je souhaiterais vous dire l’importance d’avoir des garanties, dans le cadre de la négociation, sur le respect des normes les plus hautes. La protection des consommateurs doit rester l’une de nos préoccupations. En France et en Europe, beaucoup a été fait pour répondre au risque sanitaire, mais les mesures prises sur notre continent sont très différentes de celles des Américains.

Alors que le principe de précaution – hélas ! – fait office de leitmotiv – je le dis à l’intention du président Bizet – de notre réglementation en la matière, les Américains n’y font quasiment aucune référence.

La Commission doit absolument préserver notre travail en la matière dans le cadre de la négociation relative aux harmonisations réglementaires ou à une reconnaissance d’équivalence. Rien ne serait plus dommageable que de céder sur ce point indispensable à notre responsabilité collective.

À cet égard, je salue aussi la proposition française, dorénavant reprise par la Commission européenne, encadrant l’éventuelle convergence réglementaire. Beau travail, monsieur le secrétaire d’État !

J’attire également l’attention du Gouvernement sur l’importance de préserver notre agriculture. Aussi, je reprends à mon compte cette proposition des députés européens qui souhaitent que soit établie une « liste exhaustive » des « produits agricoles et industriels sensibles » pouvant être exemptés de la libéralisation des échanges afin de préserver nos productions locales.

Les indications géographiques, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, doivent être préservées. C’est la nature même de nos produits et la qualité de nos terroirs qui sont en jeu. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous y êtes attaché – vous l’avez encore rappelé voilà quelques instants.

Je me souviens, pour illustrer mon propos, de votre intervention lors des questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale : « S’agissant de l’agriculture, je mène avec Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, la diplomatie des terroirs non seulement pour accéder aux marchés publics américains, mais aussi pour obtenir de l’équité et de la réciprocité dans le commerce international. C’est la position de la France, qui conditionne, pour nous, la poursuite de ces négociations ». Ces propos, monsieur le secrétaire d’État, je les fais miens, et je pense que nous pouvons tous les faire nôtres.

La fin progressive des droits de douane, objectif du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, se fait dans un contexte de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.

Globalement, les droits de douane appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont deux fois supérieurs à ceux qui sont appliqués aux États-Unis : 12, 2 % en moyenne, contre 6, 6 %.

Des deux côtés sont aussi appliqués des pics tarifaires élevés : dans l’Union européenne, pour certains produits sensibles ; aux États-Unis, pour quelques produits européens – 112 % sur le lactosérum, par exemple, ou encore 39 % sur certains fromages, principalement les fromages au lait cru, comme le soulignait notre collègue François Fortassin.

Certains produits déclarés sensibles compte tenu de leur fragilité économique ou commerciale, et dont vous avez rappelé la liste, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas concernés par la réduction des droits de douane. Ces produits devront relever d’un traitement spécifique à la fin de la négociation, ce qui pourrait aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent à droit réduit ou nul.

À cet égard, les premières informations que j’ai pu recueillir évoquent la négociation d’un contingent de 150 000 tonnes de viande bovine. Ne pourrait-on imaginer que ce contingent soit fongible avec le contingent canadien ?

Quand on y ajoute les marqueurs infranchissables du mandat de négociations tels que les règles phytosanitaires, cela montre que, contrairement à ce que certains rapports américains, relayés par la presse, cherchent à faire valoir, un accord n’est pas forcément préjudiciable à notre secteur agricole. En tous les cas, il ne doit pas l’être, nous ne l’accepterons pas !

En conclusion, je vous propose de voter en faveur de cette proposition de résolution européenne adoptée par nos deux commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier Michel Billout d’avoir présenté cette résolution au nom du groupe communiste, républicain et citoyen. Il s’agit d’un débat nécessaire. Je voudrais également saluer la rapporteur de la commission des affaires économiques, Mme Primas, et le président de la commission des affaires européennes.

Madame Primas, si vous n’aviez pas été rapporteur et si vous aviez appartenu au groupe communiste, on aurait parlé d’anti-américanisme primaire tellement les arguments à charge contre ce traité – vous les avez écrits avec objectivité – sont forts.

Nous vivons vraiment une drôle d’époque. Si le traité transatlantique n’était pas signé – M. le secrétaire d’État nous parle d’incertitude… –, la Terre s’arrêterait-elle de tourner ? Pour ma part, je pense qu’elle tournera mieux – et j’emploie à dessein le temps futur et non le temps conditionnel.

Notre assemblée est particulièrement préoccupée par ces négociations, qui suscitent de lourdes inquiétudes sur toutes les travées de cet hémicycle. Dans ce que l’on appelle « le monde agricole », seuls les tenants de l’agriculture industrielle et de l’agro-industrie sont intéressés à la signature de ce traité.

Les exportations de vin seront-elles stoppées par les barrières douanières ? Non, notre vin de qualité continuera de s’exporter. Regardons d’abord vers le marché européen.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de « mascarade » à propos de ces négociations. Elles sont effectivement bien mal engagées. À l’heure où la France a joué un rôle clé dans la conclusion d’un accord ambitieux pour le climat à travers la COP 21, la Commission européenne négocie en dehors de tout cadre démocratique un traité qui va entraîner un accroissement des échanges avec des partenaires situés à plus de 10 000 kilomètres de notre continent, alors que les impératifs climatiques commandent de privilégier la relocalisation de l’alimentation.

L’OMC et la FAO ? Plutôt que de permettre la conclusion de ce genre d’accord bilatéral, il faut mettre en œuvre une gouvernance mondiale de l’alimentation. C’est un besoin vital !

Le volet « agriculture » de ces négociations vise à remettre en cause nos normes sanitaires, nos normes de qualité, nos indications géographiques protégées, nos savoir-faire, la plus-value de nos terroirs. C’est pratiquement la remise en cause de notre modèle de société. Et si j’ai du respect pour les Américains, leur modèle de société n’en est pas un à mes yeux !

Mme la rapporteur s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Aujourd’hui, les jeunes générations travaillent sur l’alimentation de proximité, l’agriculture en ville, la permaculture, l’agriculture organique et biologique… Tout cela est également en train d’émerger en Amérique, ne l’oublions pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Permettez-moi de citer votre rapport, madame Primas : « D’après une récente étude de l’Institut de l’élevage, les exploitations d’engraissement américaines ont des coûts 40 % moins élevés que les ateliers d’engraissement français ». Tout est dit !

Encore faut-il comparer ce qui est comparable, et en l’occurrence c’est absolument incomparable. Je cite de nouveau votre rapport : « […] la fragilisation de l’élevage bovin constituerait une menace pour la survie de nombreux élevages [de notre pays]. On le sait ! Dès lors, faudra-t-il multiplier les « 1 000 vaches », les « 1 000 taurillons », les « 150 000 poulets » et autres ? Nous lutterons contre cette logique qui n’est pas la nôtre, et nous lutterons debout !

Au final, la production de viande bovine est beaucoup plus compétitive aux États-Unis qu’en Europe. Le différentiel calculé par l’Institut de l’élevage entre la France et les États-Unis est estimé, dans une étude récente, à 1, 83 euro par kilo de carcasse. Nous ne jouons pas dans la même cour !

D’ailleurs, dans les négociations, monsieur le secrétaire d’État, on parle de « rounds ». Nous approcherions du dernier round. Or, en sport, il y a des règles du jeu, qui sont connues de tous. Ici, l’opacité qui règne fait qu’il n’y a pas de règle du jeu. Par ailleurs, à faire tellement plus valoir nos arguments défensifs que nos arguments offensifs, il me semble que, veuillez me pardonner cette expression, nous sommes véritablement « mal barrés » dans ce match.

Notre rapporteur estime que la France ne devrait pas hésiter à refuser un accord conclu dans la précipitation, s’il devait s’agir d’un mauvais accord pour l’agriculture et les produits alimentaires.

Si cette proposition de résolution européenne nous convient, elle ne va pas assez loin. Vous l’avez déjà dit, monsieur le secrétaire d’État, en cas de désaccord, la partie agricole devra être retirée. Aussi, pour ma part, je l’ai décidé cette nuit, au nom des écologistes, que je n’ai pas pu consulter §

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

M. Joël Labbé. Il semblerait que cette bonne proposition de résolution européenne, qui ne va pas suffisamment loin, fasse l’unanimité dans les rangs de notre assemblée. Or, vous le savez, j’apprécie en général l’unanimité. Pour ne pas la compromettre, et parce que je veux aller plus loin, je ne prendrai pas part au vote.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité transatlantique établi entre l’Union européenne et les États-Unis ressemble à un coup de grâce pour le monde agricole.

Il souhaite abaisser, voire supprimer, les barrières tarifaires. Pour le secteur agricole, ce serait tout simplement catastrophique.

Au vu des différences de structures entre les exploitations agricoles européennes – 12 hectares en moyenne – et américaines – 169 hectares en moyenne –, on imagine les conséquences du rapprochement des deux modèles : accélération de la désertification des campagnes, dégradation de l’environnement et de la biodiversité, baisse de la qualité des produits.

Les filières lait, viande et sucre, notamment, qui ont des droits de douane plus importants, seraient à la merci de la production américaine beaucoup plus productive grâce à ses grandes exploitations. Cela parachèverait la nouvelle agriculture mondialiste, ultralibérale, hors sol, coupée de toute racine. Le paysan devient un simple exploitant obéissant à deux urgences : la productivité et la rentabilité. Nous avons perdu de vue l’essentiel, que le philosophe Pierre Rabhi a résumé ainsi : « L’agriculture n’est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir ».

En matière de normes, leur abaissement ou leur suppression, comme le prévoit le traité, seraient dramatiques, car celles-ci sont beaucoup moins protectrices aux États-Unis qu’en Europe. Or, face aux États-Unis, nous ne faisons pas le poids : les normes américaines seront très probablement adoptées, donnant l’avantage aux groupes industriels américains.

Spécificité de ce traité, un mécanisme de règlement des différends entre les multinationales et les États sera basé sur une justice privée nous empêchant de changer nos méthodes agricoles et nos normes alimentaires. Les multinationales américaines auraient tout pouvoir contre la France si une mesure prise était de nature à porter atteinte à leurs profits actuels ou même espérés dans le futur. Il s’agit d’un abandon de souveraineté absolument inimaginable.

Concernant les marchés publics, ceux-ci devront être complètement ouverts à tous les niveaux. Il s’agirait, en réalité, de consolider le degré de libéralisation le plus élevé déjà atteint avec l’impossibilité de réserver les marchés publics français aux groupes français, ce que nous appelons de nos vœux.

George Friedman, spécialiste américain de géostratégie et d’intelligence économique, insiste dans ses travaux sur la nécessité, pour les États-Unis, de mettre en œuvre le Grand Marché Transatlantique, instrument évident de vassalisation de l’Union.

Nous le voyons bien, ce traité est contraire aux intérêts de la France. Il est dangereux pour notre économie, et particulièrement pour notre agriculture.

Le parti communiste a raison de dénoncer le traité transatlantique. Je voterai cette proposition de résolution. Je tiens néanmoins à souligner, mes chers collègues, que ce traité n’est que le fruit de la construction européenne que vous soutenez et appelez de vos vœux depuis trente ans.

À aucun moment, vous ne remettez en cause l’Union européenne. Or, de toute évidence, nous faisons face à une crise structurelle. Sans changements radicaux, notre monde agricole, qui s’effondre, ne se relèvera pas. Il faut le dire et le répéter, si nous ne changeons pas de modèle en profondeur, les mesures prises ressembleront à de la morphine, qui, loin de guérir l’agonisant, ne fait que rendre moins douloureuse sa disparition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter de la tenue de ce débat sur le traité transatlantique. Il me semble fondamental que le Sénat reste attentif à l’avancée des discussions et qu’il se saisisse régulièrement de la question en séance publique, ce qu’il fait aujourd’hui pour la quatrième fois depuis le lancement des négociations. Je remercie donc l’auteur de cette proposition de résolution européenne, M. Michel Billout, ainsi que le rapporteur, Mme Sophie Primas, et le rapporteur pour avis, M. Philippe Bonnecarrère, de s’être penchés sur cette question.

La proposition de résolution européenne qui nous est soumise se concentre sur un secteur qui cristallise tout particulièrement les inquiétudes de nos concitoyens. En effet, le TTIP est un accord de nouvelle génération. Comme tout accord commercial, il vise, certes, un abaissement des tarifs douaniers, mais il a surtout pour ambition d’aboutir à un rapprochement des normes et des règles des deux côtés de l’Atlantique.

Or, dans le secteur agricole et alimentaire, les normes ont, plus que dans d’autres domaines, un poids politique fort. Bien que parfois trop lourdes ou inadaptées, elles sont l’expression de préférences collectives auxquelles nos concitoyens sont très attachés et sur lesquelles ils n’accepteront pas de transiger.

Il me semble toutefois important de rappeler le contexte dans lequel s’inscrivent ces négociations. À ce jour, l’Europe et les États-Unis représentent près de 50 % du PIB mondial et environ 30 % des échanges commerciaux. Cette « position dominante » n’est cependant pas nécessairement appelée à durer indéfiniment, et nous constatons chaque jour un peu plus le glissement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie.

La Chine, malgré ses difficultés actuelles, se lance ainsi à la conquête du monde. Songeons par exemple au projet particulièrement ambitieux lancé par Pékin et surnommé « une ceinture, une route ». Celui-ci prévoit des centaines de milliards de dollars d’investissement dans une soixantaine de pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique, afin de constituer des routes terrestres et maritimes organisant le commerce de cette gigantesque zone autour de l’économie chinoise.

Face à cette nouvelle réalité qui se fait jour, nous devons regarder les choses en face et comprendre la loi de la mondialisation, dans laquelle nos économies sont aujourd’hui pleinement insérées. En clair, sans vouloir vous choquer, mes chers collègues, celui qui maîtrisera la norme maîtrisera le marché.

Dans ce contexte, la recherche d’une cohérence réglementaire, sans doute par la voie des reconnaissances d’équivalence plutôt que par l’harmonisation, est une entreprise particulièrement stratégique. Un accord équilibré constituerait un avantage décisif dans la compétition internationale et contribuerait à préserver l’Atlantique comme centre de gravité de l’économie mondiale.

Pour autant, nous devons nous garder de toute naïveté. La négociation du TTIP n’est pas différente de celle de tout autre accord commercial. Elle est le théâtre d’une confrontation d’intérêts, dont peuvent résulter autant d’opportunités que de risques.

La situation du secteur agricole et agroalimentaire de notre pays en est une parfaite illustration. La France dispose en effet de formidables atouts à faire valoir sur les marchés mondiaux, et certaines de nos filières ont des intérêts clairement offensifs dans ces négociations. Je pense par exemple à la filière fromagère ou à celle des vins et spiritueux, qui bénéficieraient grandement de la levée des diverses barrières non tarifaires américaines.

Pour concrétiser les opportunités de développement qui s’offrent à elles, la reconnaissance et la protection juridique sur le territoire américain de nos indications géographiques seront cependant un préalable incontournable, auquel nous ne pourrons en aucun cas renoncer, même si nos interlocuteurs semblent toujours totalement fermés sur ce sujet. Le président Jean-Claude Lenoir et moi-même avons rencontré voilà quarante-huit heures, à Paris, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OMC, M. Michael Punke. Nous avons été sur ce point extrêmement fermes.

A contrario, d’autres filières sont structurellement beaucoup plus vulnérables à la libéralisation des échanges avec les États-Unis. Je pense tout d’abord, bien évidemment, au secteur bovin, et tout particulièrement au cheptel allaitant. Comme le souligne à juste titre la proposition de résolution, des clauses de sauvegarde semblent indispensables pour ne pas mettre davantage en péril une filière déjà très durement touchée par la crise agricole actuelle.

La revendication de ces nécessaires mécanismes de protection ne doit toutefois pas nous exonérer d’une réflexion profonde sur l’orientation et l’organisation de ces secteurs aujourd’hui vulnérables.

Ceux-ci doivent bien sûr gagner encore en compétitivité, mais ils doivent également repenser leur position sur des marchés marqués par des habitudes de consommation ayant profondément évolué. La France est associée dans le monde à la très haute qualité agroalimentaire. Aux yeux des consommateurs et sur les marchés, cette identité fait l’objet d’une valorisation élevée.

Les secteurs aujourd’hui en difficulté doivent s’engager pleinement dans la voie de la très haute qualité. Ils devront également revoir l’organisation de leurs filières, souvent épuisées, notamment pour bâtir des stratégies offensives à l’export, par exemple autour d’une appellation commune clairement identifiable par les consommateurs étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le secrétaire d’État, mon groupe n’est pas opposé par principe à la négociation du TTIP et il soutiendra la proposition de résolution européenne très équilibrée qui nous est proposée. Mais il fera dans le même temps preuve d’une extrême vigilance sur le contenu d’un éventuel accord, et ce tout particulièrement dans le secteur agricole, qui fait littéralement partie de l’ADN de notre pays.

Je souhaitais évoquer, en guise de conclusion, quelques points de méthode qui me semblent importants, mais je n’irai pas plus loin, car le temps qui m’a été imparti est révolu. Monsieur le secrétaire d’État, comme l’ont dit un certain nombre de nos collègues, nous sommes ouverts, plutôt réceptifs, mais, vous le savez très bien, nous ne voterons pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe quand.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé l’importance de cet accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, ses enjeux en termes de marché, tant pour nos exportations que pour nos importations, et ce dans tous les secteurs qu’il concernera, en particulier pour l’agriculture.

Le traité transatlantique constitue une chance pour l’ouverture vers de nouveaux marchés. Les attentes sont immenses de chaque côté de l’Atlantique. Nous espérons en Europe un gain économique de plusieurs centaines de milliards d’euros grâce à cet accord, soit, pour donner un ordre de grandeur, un montant comparable au plan d’investissement lancé par la Commission européenne.

Ce traité suscite aussi et légitimement de nombreuses craintes. L’objet de cette proposition de résolution européenne est bien de pointer du doigt ces craintes et de donner au Gouvernement notre point de vue sur les conditions dans lesquelles un accord serait acceptable, ou non, avec nos partenaires américains. Le Sénat, une fois encore, doit pouvoir jouer son rôle d’aiguillon du Gouvernement, un aiguillon bienveillant quand il le faut.

La proposition de résolution européenne que nous examinons attire notamment notre attention sur la préservation du système européen des signes de qualité, et insiste sur la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques. Ce système de qualité garantit aux consommateurs des produits de qualité et constitue un avantage certain pour nos filières. En cela, le partenariat transatlantique de commerce pourrait représenter une chance de développement économique. Le rapport de nos collègues Bonnecarrère et Raoul souligne d’ailleurs qu’une telle opportunité serait encore plus importante pour la filière laitière.

Je suis élu d’un département très riche en produits labellisés AOC, en particulier pour le fromage. Pour vous allécher, je peux citer le mont d’Or, le Morbier et, bien sûr, le Comté. Ce dernier représente la première AOC fromagère française en tonnage.

Avec près de 64 000 tonnes produites en 2015, soit 2 % de plus que l’année précédente, cette production augmente chaque année, ainsi que le prix du Comté. C’est donc une très bonne nouvelle pour tous les acteurs de la filière.

Ce très beau résultat provient d’une organisation originale, qui a besoin d’être confortée et, surtout, qui ne doit pas être déstabilisée, puisque tout le monde y trouve son compte. Le point fort de cette filière c’est qu’elle se tourne vers le consommateur. Les producteurs ont confiance et investissent pour l’avenir ; les jeunes agriculteurs s’engagent – dans le Doubs, le taux d’installation est exceptionnel avec une arrivée pour un départ dans la zone de production du Comté – ; les fruitières s’organisent et les affineurs développent toujours plus leur capacité.

Toutefois, comme je le disais, ce cercle agricole et économique, s’il est vertueux, ne doit pas être déséquilibré. Les craintes concernent les modes de production, la qualité des fromages et même les « copies » qui pourraient être fabriquées. Cette dernière question n’est pas anodine, puisque ce risque existe déjà, des sociétés comme Sodiaal cherchant à récupérer la bonne image de ce produit pour en faire une nouvelle source de chiffre d’affaires. Il est probable que, demain, avec un accord de libre-échange encore plus important conclu entre l’Europe et les États-Unis, ce type de tentation soit encore plus grand. Dans le cas de la filière du Comté, ce sont quelque 10 000 emplois qui sont en jeu.

Si je me suis attardé sur cet exemple précis et local, c’est que les enjeux de cet accord commercial sont primordiaux. Ils auront également un impact sur nos territoires. Il appartient donc au Sénat d’alerter le Gouvernement sur ces problématiques.

Pour exercer pleinement notre rôle – cela a déjà été rappelé de nombreuses fois, mais je souhaite y insister –, il est nécessaire non pas d’améliorer, mais d’assurer la transparence des négociations. Les différents rapports ont souligné ce point. Le Sénat en avait déjà fait l’objet d’une résolution au mois de février dernier. Toutefois, le sentiment que les négociations se poursuivent sans que cet aspect ait été pris en compte s’accentue.

Le libre-échange, pour être économiquement efficace, demande la confiance. Or cette fameuse confiance, indispensable à toute transaction, ne peut prospérer sur notre sol dans l’opacité des négociations, qui engendre craintes et suspicions.

Quelques avancées ont été obtenues par le Gouvernement en la matière. Cependant, un supplément d’efforts est nécessaire, du fait même de la nature particulière de ces accords. Jamais, dans l’histoire, la France ne s’est engagée dans un processus d’une telle ampleur sans négocier elle-même son destin commercial.

Le Premier ministre lui-même s’en est inquiété au mois de novembre dernier. Il a estimé qu’un vrai débat dans la société sur ce traité était nécessaire. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez la capacité d’organiser cette transparence au sein de notre pays ; vous avez la capacité de consulter les parlementaires que nous sommes ; vous avez la capacité et la responsabilité de le faire.

Le mandat que le Conseil a donné à la Commission ne saurait être un blanc-seing. Nous sommes tous responsables devant nos concitoyens, et notre premier devoir envers eux est celui de l’information, donc de la transparence. Elle permettrait, d’abord, de mesurer les axes qui sont pris et, ensuite, soit de rassurer le terrain, soit de faire remonter au niveau des négociateurs l’impact de leurs décisions.

Pour finir – c’est le corollaire du manque actuel de transparence –, j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous rassuriez s’agissant du contenu actuel du traité. En effet, certains élus européens se sont fait l’écho d’un rapport du département américain de l’agriculture laissant penser que notre agriculture serait la grande perdante de cet accord, notamment au regard de l’abolition des droits de douane et de la suppression des mesures non tarifaires.

Ces dispositions feraient s’effondrer les prix européens et ne seraient pas du tout adaptées à notre politique agricole commune. Par la proposition de résolution européenne de ce jour, il vous est demandé de sauvegarder notre modèle, or ces mesures viendraient l’entraver.

Enfin, la question de l’étiquetage de nos produits doit être portée au niveau européen. Si les États membres ne sont pas unis sur cette question, importante en matière de santé publique et d’information du consommateur, nos produits de qualité ne résisteront pas à un accord transatlantique.

Ce sujet revient régulièrement dans nos débats, tant au moment de l’examen de textes que lors des différentes crises qui ont touché le secteur agroalimentaire. Traçabilité et étiquetage complet restent les meilleurs moyens de laisser le choix au consommateur.

En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe UDI-UC soit favorable à l’adoption de cette proposition de résolution européenne.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe CRC. – M. Michel Magras applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame le rapporteur, mes chers collègues, les marchés anciens s’effritent et les marchés nouveaux se dérobent, il faut se rendre à l’évidence, 2016 est bien l’année de tous les dangers. Les bonnes perspectives annoncées se sont envolées.

La question qui se pose à nous désormais est la suivante : souhaitons-nous que le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis porte le coup de grâce aux agriculteurs européens ?

Ce risque existe, il est parfaitement explicité par nos collègues Michel Billout, Philipe Bonnecarrère et Daniel Raoul. L’opportunité de la proposition de résolution européenne ne fait aucun doute. Celle-ci s’inscrit dans le prolongement des précédentes résolutions adoptées par le Sénat.

Sur la forme, je partage tout d’abord vos inquiétudes et vos demandes d’une plus grande transparence et d’une meilleure association des parlements nationaux au processus de négociation de ce traité.

Il est en effet inacceptable pour les secteurs d’activités concernés qu’aucune étude d’impact, ni au niveau national ni au niveau européen, n’ait été fournie. Plus généralement, le manque de transparence – je pense notamment à l’absence de publication des offres américaines – contribue largement à alimenter la méfiance des professionnels et des élus, comme le souligne notre excellente collègue Sophie Primas dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques. Il est toujours plus douloureux de se cogner la nuit qu’en plein jour !

Cette méfiance est renforcée par le peu d’études réalisées sur la question, d’autant que la plupart d’entre elles prédisent, hélas, un avenir relativement sombre aux agriculteurs européens. Je parle bien des agriculteurs européens, car – il faut le rappeler de temps en temps – la France n’est pas une île isolée.

Selon une étude du Parlement européen réalisée en 2014, le traité entraînerait en effet une diminution de 0, 5 % de la valeur agricole au sein de l’Union européenne, contre une augmentation de 0, 4 % outre-Atlantique. Des constats similaires émanent du département de l’agriculture des États-Unis. Au vu de ces conclusions, je ne peux que m’associer aux doutes liés au risque d’un accord déséquilibré au détriment de l’Europe.

Permettez-moi d’insister sur la filière laitière, pour laquelle l’échéance du traité commercial transatlantique est évidemment cruciale. Peut-être même en sous-estime-t-on les conséquences.

Monsieur le président de la commission des affaires européennes, vous m’aviez demandé de réaliser un rapport sur le lait, d’une façon plus générale. J’ai remis ce rapport en juin 2015. J’avais auditionné de nombreuses personnes, en particulier la Fédération nationale de l’industrie laitière, qui m’avait, à l’époque, alerté sur les transformations de la concurrence internationale et plus précisément sur le réveil du géant américain, ancienne puissance laitière qui s’exprime peu, pour le moment, mais qui est dotée d’un outil de production très important – plus de 50 % du lait est issu de fermes de plus de 10 000 vaches. Le traité d’échange est un signe clair de la volonté américaine de revenir sur le marché mondial.

Enfin, dans la confrontation entre le droit des marques, étendard des Américains, et les indications géographiques, apanage des Européens, ainsi que Jean-François Longeot vient de l’illustrer à partir de l’exemple d’une région où les AOP sont importantes, notre formidable système de protection pourrait se voir très affaibli.

L’industrie laitière américaine produit en effet de nombreux fromages européens, créés sans usurpation, mais simplement à partir de notre propre savoir-faire au cours des siècles passés. Elle estime que certains termes sont devenus génériques : feta, gouda, emmental, gruyère… Notez qu’il en va de même pour les couteaux : aujourd’hui, on peut se procurer un laguiole pour pas cher ! Cette industrie refuse, dès aujourd’hui, d’être freinée par un système d’indications géographiques qui l’empêcherait de fabriquer, par exemple, du munster – dont notre collègue Gremillet est un spécialiste – : 74 000 tonnes en sont fabriquées aux États-Unis, alors que nous en exportons 20 tonnes à destination de ce pays. Les négociateurs parviendront-ils à protéger chaque type de fromage comme une spécialité ?

« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté », a écrit Winston Churchill.

Appartenant à la seconde catégorie, je rappelle que les négociations ne sont pas terminées et qu’il est donc difficile d’imaginer exactement les conséquences du partenariat. Je souligne également que le TTIP a vocation à donner aux producteurs européens l’opportunité d’accéder au marché américain. Plus grande sera la qualité d’un produit – La France est renommée dans ce domaine ! –, plus ses perspectives de vente seront prometteuses aux États-Unis.

Je suis conscient des enjeux industriels, régionaux et nationaux et de la sensibilité politique du sujet, mon optimisme a donc des limites.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président. Le temps qui vous est imparti, également !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

C’est pourquoi je réitère la position que j’avais exprimée devant la commission des affaires européennes, partageant ainsi pleinement les conclusions formulées par la commission des affaires économiques : une absence d’accord est préférable à un mauvais accord pour l’agriculture et les produits alimentaires.

La substance doit primer le calendrier. Aller vite, c’est prendre le risque de sacrifier nos intérêts défensifs, d’abattre certaines filières, la filière bovine en particulier, et de céder sur nos défenses, sans rien gagner sur nos intérêts offensifs !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Michel Billout et le groupe CRC, qui sont à l’origine de cette proposition de résolution européenne. Au-delà de ses conséquences sur l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, nous considérons que le TTIP nécessite de la part de la représentation nationale une attention et une vigilance particulières, eu égard aux enjeux économiques, démocratiques, sanitaires et sociétaux qu’il engendre.

Quels sont les enjeux chiffrés de cette question ?

Pour l’agriculture et les industries agroalimentaires françaises, l’enjeu de ce traité est de l’ordre de 2 milliards d’euros, soit 18 % du solde positif du commerce extérieur avec les États-Unis, qui atteint 11 milliards d’euros. Le TTIP va-t-il nous permettre d’accroître ce solde positif avec les États-Unis, ou pas ? Telle est la question !

Un rapport du département américain de l’agriculture sur les conséquences du TTIP, rapport évoqué par M. le secrétaire d’État il y a quelques instants, permet de faire un constat sans appel : en cas d’abolition des droits de douane, les États-Unis gagneraient 5, 5 milliards de dollars, soit une augmentation de 2 % de leurs exportations agricoles, quand, dans le même temps, l’Union européenne enregistrerait une baisse de ses exportations de 0, 25 %.

Pire, en cas d’abolition des droits de douane couplée à la suppression des mesures non tarifaires, les États-Unis gagneraient presque 10 milliards de dollars, contre 2 milliards de dollars pour l’Union européenne, avec, une nouvelle fois, des exportations en hausse pour les États-Unis et en baisse pour l’Union européenne.

Toutefois, ce rapport américain précise que si l’Union européenne obtenait gain de cause sur les questions sanitaires et de qualité, alors les États-Unis ne tireraient pas réellement de bénéfices de l’accord, ce qui, bien évidemment, ne les encouragerait pas à le voter dans ces termes.

En tout état de cause, et particulièrement au vu de ces données, agriculture et agroalimentaire ne doivent pas être, comme cela a été dit à de nombreuses reprises, les variables d’ajustement de ce traité qui, on le sait, ne concerne pas seulement l’agriculture.

Pour notre groupe, un certain nombre de points doivent absolument être pris en compte dans la négociation. Je développerai plus particulièrement trois d’entre eux.

Le premier concerne les préférences collectives relatives aux normes sanitaires, phytosanitaires, environnementales et à la protection des consommateurs, qui doivent rester un point incontournable.

Des obstacles sanitaires à l’exportation de nos produits sont maintenus aux États-Unis. En effet, les règles sanitaires américaines ne permettent pas l’exportation de nos productions de lait cru et de fromages qui en sont issues, en raison de la non-reconnaissance des normes de pasteurisation européennes. Cette situation a conduit les États-Unis, dans les négociations, à classer comme produits sensibles les fromages ou le beurre.

Dans ce cadre, la question de l’harmonisation des réglementations européenne et américaine est donc centrale, ainsi que la reconnaissance d’équivalence, notamment en matière de systèmes de contrôle. Si nous voulons sécuriser nos consommateurs et préserver nos producteurs, des accords doivent être trouvés. Ce point devrait constituer un préalable aux négociations de volume.

Le deuxième point s’attache à la reconnaissance et à la protection des indications géographiques de type AOP, AOC, etc., essentielles pour le fleuron de nos exportations que sont les vins et spiritueux. La diplomatie des terroirs que permet l’indication géographique vise à reconnaître nos spécificités et nos savoir-faire.

Aujourd’hui, le système des indications géographiques européen s’oppose au système américain des marques. Une marque a une durée de vie limitée et peut être vendue, alors qu’une indication géographique a, par définition, vocation à perdurer.

L’un des objectifs prioritaires de l’Union européenne doit être la reconnaissance et la protection du plus grand nombre possible d’indications géographiques. À cet égard, le refus des États-Unis de constituer un groupe à haut niveau, comme l’avait proposé la Commission européenne en amont du onzième tour de négociation en octobre 2015, est révélateur.

Troisième et dernier point : la sauvegarde des produits classés sensibles est essentielle, avec l’enjeu majeur pour la France de préserver notre filière bovine et ses 50 000 emplois. À cette fin, il ne faut pas accorder aux États-Unis des contingents tarifaires à droits réduits ou nuls.

Le contexte du marché américain est aujourd’hui caractérisé par une forte demande en viande hachée, des producteurs américains ont donc tout intérêt à se spécialiser dans les morceaux nobles pour l’exportation. Or c’est justement le secteur dans lequel l’activité française est la plus rentable et la plus réputée.

La compatibilité de nos modes de production pose question. En France, 90 % des aliments de troupeau bovin sont produits sur l’exploitation et 80 % de la ration de base est composée d’herbe. L’alimentation du cheptel bovin aux États-Unis se fait à base d’additifs alimentaires, de maïs OGM, de farines animales, d’antibiotiques, de traitements aux hormones pour activer la croissance, de traitement à l’acide lactique des carcasses avant export. Les deux tiers des bovins sont engraissés dans des feedlots, des espaces artificiels pouvant contenir jusqu’à 30 000 bêtes. En outre, la réglementation en matière de bien-être animal est bien moins exigeante aux États-Unis qu’en Europe.

Ces barrières non tarifaires constituent donc un obstacle de taille pour le secteur bovin français. C’est pourquoi, dans le cadre des négociations, la Commission européenne a classé la viande bovine comme produit sensible, compte tenu des difficultés économiques du secteur. Ce classement permet aux produits de ne pas être concernés par la réduction des droits de douane. À l’heure actuelle, il permet surtout à chaque partie de protéger ses intérêts.

En parallèle, les États-Unis ont choisi, je l’ai dit, de classer sensibles les produits présentant un intérêt offensif pour l’Union européenne : fromage, beurre, sucre, vin, huile d’olive, etc.

Filière bovine, filière laitière, indications et signes géographiques de provenance, les enjeux de cette négociation sont considérables pour nos agriculteurs, nos transformateurs et nos metteurs en marché.

Sur le fond et pour conclure, l’analyse fine des conséquences possibles sur les différentes filières agricoles et agroalimentaires de ce traité se heurte à l’absence de données chiffrées résultant des différentes hypothèses de négociation. Faute d’étude d’impact, nous sommes dans l’impossibilité d’apprécier les effets de la levée, progressive ou non, des barrières non douanières.

Libéraliser les échanges apparaît ici comme une fin en soi. Ce principe n’est pas le nôtre !

Certaines filières de notre pays ont des intérêts offensifs, comme celles des produits laitiers et des vins et spiritueux, d’autres doivent absolument se défendre, comme celle de la viande.

À ce stade donc, on peut craindre que la filière agricole ne soit la variable d’ajustement de cette négociation, ce qu’il faut bien entendu éviter.

Je tiens à saluer l’investissement personnel du secrétaire d’État au commerce extérieur, Matthias Fekl, qui s’est fortement engagé sur ces sujets.

Nous avons, nous parlementaires, comme nos concitoyens, besoin de connaître tous les éléments de contexte et de problématique de cette négociation, afin de soutenir notre agriculture, ses emplois et les territoires ruraux, qui en sont grandement dépendants.

Cette proposition de résolution européenne s’inscrit dans cette ambition nationale et c’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain la soutiendra.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les agriculteurs sont en train d’agoniser dans nos départements et qu’ils manifestent leur désarroi un peu partout en France, le « hasard » du calendrier législatif nous fait examiner ce matin les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. Autant dire que le hasard fait parfois bien les choses !

On mesure facilement les enjeux de ce débat et le poids des responsabilités de nos gouvernants, responsabilités qui sont aussi les nôtres, à en juger par la force des cris de nos agriculteurs dans les rues depuis plusieurs jours.

Nous le voyons bien, la question agricole n’est pas gérée au plan national, ni même à l’échelle européenne. C’est dans ce contexte que nous devons nous prononcer aujourd’hui sur un accord international qui fixe les règles avec le géant américain !

En bonne montagnarde, j’ai toujours appris qu’il était essentiel de bien sécuriser son ascension, sous peine de se retrouver brutalement au pied de la pente dans un bien triste état.

S’il est important pour l’agriculture française de pouvoir se positionner sur la scène internationale, nous devons faire preuve de vigilance et tenter de mesurer toutes les conséquences d’un tel traité, en nous attardant un instant sur la spécificité de notre agriculture.

Comme vous le savez, l’agriculture ne se résume pas à des volumes de viande et de lait à consommer ou à exporter. L’agriculture, c’est notre histoire ; elle est intrinsèquement liée à notre mode de vie. L’agriculture, ce sont aussi nos savoir-faire, la tradition du goût et le souci du travail bien fait.

La gastronomie française a été inscrite au patrimoine immatériel culturel de l’humanité de l’UNESCO. L’achat des produits, locaux de préférence, contribue notamment à l’art du « bien manger », que nous envie le monde entier.

L’agriculture française est très diverse. En tant qu’élue d’un territoire de montagne, je ne me risquerai pas à comparer les volumes de viande porcine produits dans les Hautes-Alpes avec ceux qui sont produits dans le Finistère. Cette agriculture diverse se caractérise par un souci permanent de qualité dans la production et dans la transformation.

Par exemple, les circuits courts, qui sont encouragés localement, sont très prisés par les consommateurs, qui voient là un moyen de soutenir l’économie locale, mais aussi d’être rassurés quant à la qualité des produits consommés.

C’est notamment le cas pour la filière viande, qui, malgré les crises – on l’a vu encore récemment, avec la grippe aviaire –, réussit à survivre en fidélisant le consommateur et en étant très exigeante sur la traçabilité et la qualité de ses produits. On sait qui produit, et où !

Notre agriculture ne se résume évidemment pas seulement aux circuits courts. Le traité aura des conséquences négatives pour l’ensemble du pays s’il n’est pas équilibré et s’il ne respecte pas les attentes de nos territoires.

Les exigences de sécurité sanitaire et alimentaire – faut-il le rappeler ici ? – ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve en Europe ou aux États-Unis.

Vous l’avez compris, les enjeux économiques sont importants, notamment pour l’élevage bovin, qui pourrait être le plus durablement frappé si un traité non négocié devait intervenir avec le premier producteur mondial de viande bovine sans que ce volet soit classé comme sensible.

Quelles en seraient les conséquences en matière de santé publique, où il faut parfois plusieurs décennies pour mesurer les effets de certaines substances sur les organismes ?

Les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être prioritaires. L’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs, pas plus qu'elle ne doit mettre en cause les normes exigibles de qualité des produits importés commercialisés dans l’Union européenne.

La diversité de l’agriculture française repose également sur celle de ses territoires. Dans un département de montagne comme le mien, l’agriculture est aussi synonyme d’aménagement et de développement durable du territoire, où l’élevage permet d’entretenir l’espace, de prévenir les risques d’érosion et de se préserver de leurs conséquences. L’agriculture de montagne est extensive. Ses handicaps, liés notamment au climat et à l’altitude, en font les spécificités. La production locale, par exemple le lait, n’a pas le même goût qu’ailleurs. Les produits fabriqués, comme les fromages, ont la saveur particulière du terroir.

Nous devons donc être très vigilants sur ce qui caractérise nos produits et protéger les indications géographiques, qui n’ont peut-être pas de sens à l’échelle du continent américain, mais qui veulent dire beaucoup de choses au pays des 1 200 fromages !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Aussi, dans le contexte actuel, il est urgent d’attendre. Je partage l’avis de Mme la rapporteur Sophie Primas : le contenu doit l’emporter sur le calendrier !

Au demeurant, l’étude d’impact secteur par secteur qui avait été demandée au Gouvernement en 2013 n’a toujours pas été réalisée à ce jour. Il est donc difficile, voire impossible de mesurer les conséquences du traité à ce stade.

Par conséquent, nous ne pouvons pas y être favorables en l’état.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat a été très riche. Je souhaite répondre aux différents orateurs qui viennent de s’exprimer.

Monsieur Fortassin, vous avez fait part d’un certain nombre de préoccupations, notamment sur la transparence, où des insuffisances demeurent, malgré les progrès réalisés. Comme je l’ai indiqué, je partage ce point de vue.

Vous avez aussi évoqué beaucoup d’exemples, notamment sur le fromage. Cette question est au cœur de la diplomatie des terroirs que nous menons ; nous continuerons à la mener. De même, nous poursuivons nos travaux sur la qualité et le soutien aux différents secteurs en crise ; je pense évidemment en particulier à l’élevage.

Monsieur Le Scouarnec, vous avez rappelé la situation en Bretagne. Vous connaissez la mobilisation du ministre de l’agriculture et de tout le Gouvernement sur ce dossier, qui pose évidemment des difficultés particulières. Nous partageons vos préoccupations sur la transparence, l’avenir de notre agriculture et la préservation de la qualité. Nous continuerons d’œuvrer en ce sens.

Toutefois, je vous invite, et cela vaut pour chacun, à ne pas préjuger dès à présent de la teneur de l’accord. J’y insiste, car c’est important. Pour l’heure, il n’y a pas d’accord. Des négociations sont en cours.

Certes, je ne suis pas forcément de ceux qui pensent que tout est satisfaisant et qu’il faudra signer l’accord quoiqu’il arrive ; je dis même le contraire ! Mais nous ne pouvons pas nous opposer à un accord qui n’est pas finalisé en l’état ! Il faut donc suivre les négociations, mettre la pression, indiquer ce qui ne va pas et défendre très clairement nos intérêts. La France jugera sur pièces et décidera en fonction de ce qui aura été obtenu, ou non, au cours des différentes négociations.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Monsieur Raoul, je vous remercie de vos propos élogieux quant à notre travail sur la transparence, sur la convergence réglementaire, ainsi que sur la diplomatie des terroirs.

Comme vous êtes, avec d’autres, l’un des membres assidus du comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale, je profite de l’occasion pour vous indiquer que la prochaine réunion aura lieu le 17 février. Cette instance réunit régulièrement des parlementaires et des représentants de la société civile au Quai d’Orsay pour faire le point sur l’ensemble des avancées, ou d’ailleurs des absences d’avancée, et pour échanger sur le sujet. C’est un exercice de transparence démocratique indispensable. Je partage votre souhait que l’agriculture ne soit pas la variable d’ajustement des différentes négociations. Comme je l’ai souligné, pour nous, c’est un critère absolu.

Vous avez posé une question très précise sur le bœuf. À ce stade, il n’y a pas de discussion sur des contingents chiffrés ; nous n’en sommes pas là dans les négociations.

Vous avez également abordé la fongibilité des contingents. Je comprends parfaitement votre préoccupation : à un moment où sont négociés de très nombreux accords commerciaux avec de nombreuses régions du monde, il est effectivement important de prendre en compte la situation des contingents globaux. Le Gouvernement souhaite que les différents contingents qui s’ajoutent accord après accord soient raisonnables, supportables, et qu’ils ne viennent pas déséquilibrer des secteurs connaissant déjà de grandes difficultés.

Nous sommes donc attentifs à ce qui arrive sur les marchés français et européen. Ce qui intéresse nos agriculteurs, c’est la situation générale et le contexte dans lequel s’exerce la concurrence à laquelle ils font face, et non la provenance de tel ou tel produit.

Monsieur Labbé, je le répète, il n’y a pas encore de traité. Certes, la Terre ne s’arrêterait pas de tourner en l’absence de ratification. Mais je vous invite à regarder les faits et à suivre attentivement les négociations.

Je partage totalement votre souhait d’avoir des règles mondiales. Vous connaissez l’attachement de la diplomatie française, au-delà même des alternances, au multilatéralisme ; c’est une constante en matière tant commerciale que politique. Nous souhaitons que l’Organisation mondiale du commerce soit davantage le lieu de définition et de mise en œuvre des règles mondiales.

C’est dans cet état d’esprit bien précis que j’ai engagé un travail – j’ai d’ailleurs été le premier membre d’un gouvernement à m’exprimer devant le Sénat à cet égard – sur la cour de justice commerciale internationale que nous voulons instituer. À la mondialisation de l’économie doivent correspondre la mondialisation des règles et, surtout, leur publicité. Les groupes privés ne peuvent pas édicter des règles dans leur coin hors de toute décision publique, politique, démocratique.

L’enjeu est absolument fondamental pour la période qui s’ouvre. Je sais que les différents groupes politiques représentés aujourd’hui y sont extrêmement attentifs. À l’économie mondiale doivent correspondre des règles mondiales, édictées de manière transparente et ouverte, sous le contrôle des parlements nationaux et des citoyens du monde entier.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Voilà qui m’offre une transition pour répondre à certains propos de M. Rachline sur la justice privée.

Encore une fois, la France, l’Allemagne et un certain nombre d’autres États européens ont été parmi les premiers à proposer des mesures concrètes. Il est inacceptable que de grands groupes viennent attaquer devant des tribunaux privés des règles démocratiques validées par les parlements nationaux et les citoyens !

Lorsque la France a proposé la création d’une cour de justice commerciale internationale voilà un peu plus d’un an, nous étions seuls, ou presque, en Europe. Aujourd’hui, cette idée fait l’objet d’un consensus européen. La Commission européenne n’a, certes, pas repris l’ensemble de ce que nous préconisions ; mais les grandes lignes y sont.

Je veillerai personnellement à ce que nous n’en restions pas au stade des propositions, et que de telles mesures soient reprises dans les négociations transatlantiques, et même dans l’ensemble des négociations commerciales. Nous souhaitons que cette cour de justice commerciale internationale devienne progressivement compétente pour tous les accords commerciaux existants. La France est signataire d’une centaine d’accords avec des mécanismes d’arbitrage, et l'on dénombre environ 3 500 accords de ce type dans le monde. Il faut que les règles soient fixées en commun.

Je note que M. Rachline votera en faveur d’une résolution dans laquelle la conclusion éventuelle d’un partenariat transatlantique est envisagée. Voilà une évolution très importante par rapport au discours général de cette famille politique, qui s’oppose par principe, souvent avec des accents complotistes, aux négociations ! Je constate donc avec intérêt que ce parti regarde désormais l’évolution des faits et la réalité du déroulement des négociations pour se prononcer. C’est, me semble-t-il, une bonne nouvelle à porter à l’attention de nos concitoyens. De même, M. Rachline s’apprête à voter une résolution qui souligne les actions d’information d’ores et déjà engagées par le Gouvernement ; nous l’en remercions.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

En revanche, je me dois de répondre à votre approche générale antieuropéenne, monsieur le sénateur. Très sincèrement, prétendre que ce serait l’Europe qui mettrait l’agriculture française en difficulté, c’est lancer un mensonge à la face de tous les agriculteurs de France ! Qui peut croire que l’agriculture française ait un avenir en dehors de l’Union européenne ?

Certes, il reste des progrès à accomplir. Il faut de la simplification. Il faut que les dossiers soient moins compliqués à monter et qu’il y ait moins de paperasse. Tout le monde le dit, à commencer par M. le ministre de l’agriculture !

Mais qui peut croire que l’agriculture française, l’un des grands excédents commerciaux de notre pays, pourrait avoir un avenir dans le repli sur soi et l’enfermement ? Ce n’est pas sérieux ! Vous surfez sur la grande détresse qui existe aujourd’hui dans nos campagnes en proférant des mensonges ! Les lendemains seraient encore plus durs. La sortie de l’euro, la sortie de l’Union européenne, ce serait évidemment cataclysmique pour l’agriculture française ; c’est l’élu d’un territoire rural, agricole et agroalimentaire qui vous le dit ! Certes, il faut effectivement demander à l’Europe d’apporter de la simplicité à nos agriculteurs. Mais que l’on cesse d’entretenir des chimères, comme c’est trop souvent le cas !

De même, comment peut-on affirmer – je cite vos propos – que nous ne faisons « pas le poids » face aux États-Unis ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

À cause des règles que vous avez instaurées !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Quelle vision étriquée de la France ! La France est un grand pays, qui compte dans le monde ! C’est un membre permanent du Conseil de sécurité. Nous sommes entendus, y compris sur les sujets agricoles, à l'échelon européen ; nous continuerons à l’être. Nous pouvons être fiers de notre agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Qui est en train de mourir à cause de vous !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Elle emporte la conviction dans le monde entier, grâce à sa qualité et à ses indications géographiques protégées. Ce n’est certainement pas en promettant une agriculture repliée sur elle-même que nous réglerons les problèmes, par ailleurs très importants, de notre pays.

Monsieur Bizet, vous êtes également un membre très assidu du comité de suivi. Vous avez raison de souligner l’importance des normes. Si nous négocions, ce n’est pas pour le plaisir, qui est d’ailleurs assez restreint… Le contexte actuel exige d’être là où se décideront les normes de demain. Le raisonnement ne tient que si les négociations aboutissent à un bon accord.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d'État

Il faut des normes et des standards de sécurité élevés. Si nous ne voulons pas que les normes soient élaborées ailleurs, soyons là où elles s’édicteront et faisons en sorte qu’elles soient conformes aux intérêts et aux visions de la France ! Je pense que nous partageons ce point de vue.

Oui, nous défendrons nos intérêts dans ces négociations ! Nous comptons aussi sur la vigilance du Parlement, qui est un aiguillon très important pour les travaux du Gouvernement et pour le contrôle démocratique.

Monsieur Longeot, vous avez pointé les progrès, mais aussi les insuffisances de la transparence. Il est essentiel de souligner les deux aspects et de faire preuve d’objectivité à cet égard. Comptez sur moi pour continuer à maintenir la pression, afin d’obtenir le maximum de transparence possible envers non seulement les parlementaires, mais également nos concitoyens, ainsi que les organisations non gouvernementales, les syndicats, les fédérations professionnelles ; tous ont le droit de savoir ! C’est le sens du travail qui est engagé au sein du comité de suivi ; je vous renvoie à la page spécialement créée à cet effet sur le site www.diplomatie.gouv.fr.

Je serai auditionné le 8 mars prochain par les commissions compétentes du Sénat pour évoquer les négociations transatlantiques et faire le point sur le rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Ce rapport, que j’ai présenté à l'Assemblée nationale et que je présenterai pour la première fois devant le Sénat – cet exercice a été demandé par le Parlement –, constitue la feuille de route française à l’export.

Monsieur Raison, j’ai déjà répondu sur la transparence.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, nous considérons que les études réalisées aujourd'hui ne font pas foi. Certes, beaucoup d’études sont réalisées, notamment en France par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales, CEPII, qui a fourni un travail très sérieux sur le traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire, et au niveau européen. La Commission européenne doit publier avant l’été une étude sur les aspects relatifs au développement durable de l’accord tel qu’il pourrait aboutir. Nous prenons acte de toutes ces études. Mais, je le répète, aucune ne fait foi. Il est nécessaire de réaliser des études complémentaires. Il importe que, sur ce sujet, puissent s’exprimer toutes les écoles de pensée économique, et pas seulement celles qui font tourner depuis trente ans des modèles au demeurant souvent largement contestables !

Nous sommes particulièrement offensifs sur la question du lait, un sujet que vous connaissez bien. La législation Grade A, en vigueur aux États-Unis, empêche aujourd'hui nombre d’exportations, en particulier de produits laitiers français ; c’est vrai pour les yaourts, la crème et le lait. Mme Morhet-Richaud a également évoqué cette problématique. C’est l’un des points particuliers sur lesquels le gouvernement français est offensif. Je le répète, les avancées obtenues dans le cadre du CETA, pour Comprehensive Economic and Trade A greement, avec les Canadiens témoignent d’un très haut degré d’exigence et d’ambition pour une filière emblématique française, qui connaît aussi des difficultés très importantes.

Monsieur Montaugé, je vous remercie de vos propos, notamment sur la diplomatie des terroirs, à laquelle je crois que nous sommes tous très attachés ici. Je confirme que les préférences collectives font partie des points sur lesquels nous sommes vigilants. Il est hors de question qu’un accord ou ses modalités d’application – je pense en particulier à la question de la saisine des tribunaux privés – viennent remettre en cause des choix décidés collectivement par les Français et les Européens.

Cela vaut également pour les indications géographiques protégées. Elles sont très nombreuses et font partie, au meilleur sens du terme, de l’identité de la France, une identité complexe, variée, qui ne se laisse d’ailleurs pas enfermer dans des schémas réducteurs. Elles sont une fierté pour nous tous et pour vous, qui représentez ici les différents territoires de la France et en portez haut et fort toutes les productions.

Je note une large convergence de vues sur le sujet. Il s’agit d’un débat majeur pour notre pays. Il est fondamental qu’il y ait un contrôle démocratique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez continuer à vous impliquer à la fois comme vous le faites depuis le début, tant dans les débats en séance publique que dans les travaux, plus techniques, en commission : beaucoup de sujets sont éminemment techniques. Je veux vous assurer de la totale mobilisation, implication et vigilance du Gouvernement sur ce thème et de ma totale disponibilité pour vous en rendre compte chaque fois que vous le souhaiterez.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Marc Gabouty et Roger Karoutchi applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Considérant que la Constitution, dans son préambule et à son article 3, consacre les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu’elle précise, à son article premier, que la France est une République « démocratique et sociale » ; que l’article 10 de la Charte de l’environnement de 2004 dispose que celle-ci « inspire l’action européenne et internationale de la France » ;

Considérant que les négociations d’un Partenariat transatlantique pour le commerce et l’Investissement (PTCI) équilibré devrait être l’occasion d’améliorer l’accès au marché des États-Unis de certaines productions européennes et françaises à vocation exportatrice telles que les fruits et légumes, le vin et autres productions à forte valeur ajoutée sur lesquels les producteurs ont un intérêt offensif ;

Prenant acte des engagements de la Commission et des directives de négociations qui lui ont été données le 9 octobre 2014, selon lesquelles les parties s’efforceront de « garantir () le respect des normes () tout en favorisant de hauts niveaux de protection () des consommateurs, conformément à l’acquis de l’Union européenne et à la législation des États membres » ;

Considérant que, dans le cadre d’un accord équilibré, la suppression des barrières non tarifaires, l’allègement des charges administratives et la mise en place de mécanismes de reconnaissance d’équivalence pourraient libérer les échanges dans l’intérêt de plusieurs secteurs agricoles européens et français ;

Considérant que les négociations menées en vue d’un partenariat transatlantique avec les États-Unis (PTCI), malgré l’importance des enjeux, sont menées sans que soient suffisamment mis en œuvre les principes d’ouverture et de transparence posés à l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, par voie de conséquence, sans que soit assuré un contrôle démocratique approfondi tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national ;

Considérant que les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être la priorité des négociations du PTCI et que l’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs ni mettre en cause les normes de qualités exigibles des produits importés commercialisés dans l’Union européenne ;

Considérant que le Sénat est toujours dans l’attente de l’étude d’impact sur la France par secteur d’activité qu’il a demandée au Gouvernement dans sa résolution européenne n° 164 du 9 juin 2013 ;

Considérant que si les négociations doivent être menées de bonne foi par les deux parties avec une volonté d’aboutir à un accord ambitieux et équilibré, elles ne doivent pas être contraintes par des exigences de calendrier qui risqueraient d’interférer négativement sur le contenu de l’accord ;

Invite le Gouvernement à utiliser toutes les possibilités dont il dispose pour :

– faire en sorte qu’une conclusion éventuelle du PTCI préserve les modèles agricoles européen et français dans toute leur diversité d’activités ;

– veiller à ce que le traitement qui serait accordé aux produits classés comme sensibles, en particulier l’octroi de contingents tarifaires à droits nuls ou réduits n’aboutisse pas à une aggravation de la situation d’un secteur de l’élevage déjà extrêmement fragilisé en France ;

– obtenir le maintien de normes de haute qualité aussi bien au niveau de la production que de la transformation ;

– préserver impérativement le système européen de signes de qualité et le régime du certificat d’obtention végétale et insister pour que la Commission obtienne, sur le territoire des États-Unis, la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques qui constituent en elles-mêmes des intérêts offensifs pour la France et plusieurs autres États membres ;

– maintenir la possibilité pour l’Union européenne et les États membres de soutenir le secteur agricole par des actions tendant à favoriser l’emploi dans le secteur agricole, la qualité des productions, l’aménagement équilibré du territoire et la protection de l’environnement ;

Invite également le Gouvernement :

– à poursuivre et développer les actions d’information qu’il a engagées sur l’évolution et le contenu des négociations transatlantiques, à l’intention des parlementaires, de la société civile et plus largement des citoyens ;

– à intervenir auprès de la Commission pour qu’elle sollicite et obtienne, de l’autorité de négociation des États-Unis, ouverture et transparence à l’égard des parlementaires européens, des États membres et de leurs parlements ;

– à solliciter de la Commission européenne qu’elle présente, à bref délai, comme l’ont demandé plusieurs États membres, une étude complète sur l’impact d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne sur l’agriculture, secteur par secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je n’ai été saisi d’aucun amendement.

Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire.

La proposition de résolution européenne est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président. Je constate que cette proposition de résolution européenne a été adoptée à l’unanimité des présents.

Bravo ! et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Alain Fouché, François Zocchetto, Alain Richard, Jean-Claude Leroy et Mme Éliane Assassi.

Suppléants : M. Pierre-Yves Collombat, Mme Jacky Deromedi, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Sophie Joissains, MM. Roger Madec, Louis Nègre et Mme Catherine Troendlé.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.