Jamais les parlementaires n’ont autant suivi les négociations commerciales conduites par l’Union européenne. Je pense notamment au comité de suivi des négociations, qui associe la société civile et les parlementaires.
Cependant, la transparence des négociations doit encore progresser et le contrôle parlementaire doit s’exercer pleinement. C’est une nécessité au vu des enjeux économiques de l’accord – ils ont été évoqués –, ainsi que de la diversité des économies nationales et des structures du PIB des pays européens. Je pense évidemment à la part que représente l’agriculture en Allemagne – 0, 9% du PIB –, laquelle pourrait être tentée de s’en servir comme variable d’ajustement vis-à-vis de son industrie.
Le combat mené par la France au niveau européen pour une plus grande transparence des négociations favorise une meilleure association des parlementaires nationaux et européens et de la société civile. J’y vois la chance de donner un rôle plus important aux parlementaires dans la préservation et la promotion des valeurs qui sont les nôtres, et ce quel que soit le jugement que rendra Cour de justice de l’Union européenne concernant le caractère mixte de l’accord conclu avec Singapour.
Le travail engagé par la France au niveau européen va également dans le sens de la primauté des valeurs économiques, sociales, environnementales et sociétales, qui sont considérées aujourd’hui comme non négociables. La menace de stopper les négociations si les États-Unis ne jouaient pas le jeu et si le contenu de l’accord s’avérait insatisfaisant, menace que vous avez vous-même brandie à l’automne dernier, monsieur le secrétaire d’État, doit être lue en ce sens. Elle était tout à fait légitime et nous y adhérions !
Ce travail a permis une évolution et une inflexion de la stratégie commerciale européenne, plus exigeante désormais en matière d’équité et de réciprocité.
L’agriculture est un secteur stratégique sur le plan économique et commercial, spécifiquement en France, premier pays agricole d’Europe. L’agriculture ne doit pas servir de variable d’ajustement ; nous ne pourrions l’accepter.
De plus, les enjeux de société et d’environnement font de ce secteur un élément essentiel des négociations du traité transatlantique.
Notre collègue Michel Billout présente de nouveau une proposition de résolution européenne liée aux négociations transatlantiques, cette fois sur leur volet agricole. Il s’agit d’une bonne proposition que M. Bonnecarrère et moi-même avons voulu renforcer sur plusieurs points. Peut-être M. Billout a-t-il fait preuve de timidité ? Nous y sommes allés un peu plus fort, ce qui a permis à cette proposition d’être adoptée à l’unanimité par nos deux commissions.
D’abord, je souhaiterais vous dire l’importance d’avoir des garanties, dans le cadre de la négociation, sur le respect des normes les plus hautes. La protection des consommateurs doit rester l’une de nos préoccupations. En France et en Europe, beaucoup a été fait pour répondre au risque sanitaire, mais les mesures prises sur notre continent sont très différentes de celles des Américains.
Alors que le principe de précaution – hélas ! – fait office de leitmotiv – je le dis à l’intention du président Bizet – de notre réglementation en la matière, les Américains n’y font quasiment aucune référence.
La Commission doit absolument préserver notre travail en la matière dans le cadre de la négociation relative aux harmonisations réglementaires ou à une reconnaissance d’équivalence. Rien ne serait plus dommageable que de céder sur ce point indispensable à notre responsabilité collective.
À cet égard, je salue aussi la proposition française, dorénavant reprise par la Commission européenne, encadrant l’éventuelle convergence réglementaire. Beau travail, monsieur le secrétaire d’État !
J’attire également l’attention du Gouvernement sur l’importance de préserver notre agriculture. Aussi, je reprends à mon compte cette proposition des députés européens qui souhaitent que soit établie une « liste exhaustive » des « produits agricoles et industriels sensibles » pouvant être exemptés de la libéralisation des échanges afin de préserver nos productions locales.
Les indications géographiques, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, doivent être préservées. C’est la nature même de nos produits et la qualité de nos terroirs qui sont en jeu. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous y êtes attaché – vous l’avez encore rappelé voilà quelques instants.
Je me souviens, pour illustrer mon propos, de votre intervention lors des questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale : « S’agissant de l’agriculture, je mène avec Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, la diplomatie des terroirs non seulement pour accéder aux marchés publics américains, mais aussi pour obtenir de l’équité et de la réciprocité dans le commerce international. C’est la position de la France, qui conditionne, pour nous, la poursuite de ces négociations ». Ces propos, monsieur le secrétaire d’État, je les fais miens, et je pense que nous pouvons tous les faire nôtres.
La fin progressive des droits de douane, objectif du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, se fait dans un contexte de compétitivité déséquilibrée entre l’Union européenne et les États-Unis.
Globalement, les droits de douane appliqués aux produits agricoles et agroalimentaires dans l’Union européenne sont deux fois supérieurs à ceux qui sont appliqués aux États-Unis : 12, 2 % en moyenne, contre 6, 6 %.
Des deux côtés sont aussi appliqués des pics tarifaires élevés : dans l’Union européenne, pour certains produits sensibles ; aux États-Unis, pour quelques produits européens – 112 % sur le lactosérum, par exemple, ou encore 39 % sur certains fromages, principalement les fromages au lait cru, comme le soulignait notre collègue François Fortassin.
Certains produits déclarés sensibles compte tenu de leur fragilité économique ou commerciale, et dont vous avez rappelé la liste, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas concernés par la réduction des droits de douane. Ces produits devront relever d’un traitement spécifique à la fin de la négociation, ce qui pourrait aboutir à l’octroi au partenaire d’un contingent à droit réduit ou nul.
À cet égard, les premières informations que j’ai pu recueillir évoquent la négociation d’un contingent de 150 000 tonnes de viande bovine. Ne pourrait-on imaginer que ce contingent soit fongible avec le contingent canadien ?
Quand on y ajoute les marqueurs infranchissables du mandat de négociations tels que les règles phytosanitaires, cela montre que, contrairement à ce que certains rapports américains, relayés par la presse, cherchent à faire valoir, un accord n’est pas forcément préjudiciable à notre secteur agricole. En tous les cas, il ne doit pas l’être, nous ne l’accepterons pas !
En conclusion, je vous propose de voter en faveur de cette proposition de résolution européenne adoptée par nos deux commissions.