Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité transatlantique établi entre l’Union européenne et les États-Unis ressemble à un coup de grâce pour le monde agricole.
Il souhaite abaisser, voire supprimer, les barrières tarifaires. Pour le secteur agricole, ce serait tout simplement catastrophique.
Au vu des différences de structures entre les exploitations agricoles européennes – 12 hectares en moyenne – et américaines – 169 hectares en moyenne –, on imagine les conséquences du rapprochement des deux modèles : accélération de la désertification des campagnes, dégradation de l’environnement et de la biodiversité, baisse de la qualité des produits.
Les filières lait, viande et sucre, notamment, qui ont des droits de douane plus importants, seraient à la merci de la production américaine beaucoup plus productive grâce à ses grandes exploitations. Cela parachèverait la nouvelle agriculture mondialiste, ultralibérale, hors sol, coupée de toute racine. Le paysan devient un simple exploitant obéissant à deux urgences : la productivité et la rentabilité. Nous avons perdu de vue l’essentiel, que le philosophe Pierre Rabhi a résumé ainsi : « L’agriculture n’est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir ».
En matière de normes, leur abaissement ou leur suppression, comme le prévoit le traité, seraient dramatiques, car celles-ci sont beaucoup moins protectrices aux États-Unis qu’en Europe. Or, face aux États-Unis, nous ne faisons pas le poids : les normes américaines seront très probablement adoptées, donnant l’avantage aux groupes industriels américains.
Spécificité de ce traité, un mécanisme de règlement des différends entre les multinationales et les États sera basé sur une justice privée nous empêchant de changer nos méthodes agricoles et nos normes alimentaires. Les multinationales américaines auraient tout pouvoir contre la France si une mesure prise était de nature à porter atteinte à leurs profits actuels ou même espérés dans le futur. Il s’agit d’un abandon de souveraineté absolument inimaginable.
Concernant les marchés publics, ceux-ci devront être complètement ouverts à tous les niveaux. Il s’agirait, en réalité, de consolider le degré de libéralisation le plus élevé déjà atteint avec l’impossibilité de réserver les marchés publics français aux groupes français, ce que nous appelons de nos vœux.
George Friedman, spécialiste américain de géostratégie et d’intelligence économique, insiste dans ses travaux sur la nécessité, pour les États-Unis, de mettre en œuvre le Grand Marché Transatlantique, instrument évident de vassalisation de l’Union.
Nous le voyons bien, ce traité est contraire aux intérêts de la France. Il est dangereux pour notre économie, et particulièrement pour notre agriculture.
Le parti communiste a raison de dénoncer le traité transatlantique. Je voterai cette proposition de résolution. Je tiens néanmoins à souligner, mes chers collègues, que ce traité n’est que le fruit de la construction européenne que vous soutenez et appelez de vos vœux depuis trente ans.
À aucun moment, vous ne remettez en cause l’Union européenne. Or, de toute évidence, nous faisons face à une crise structurelle. Sans changements radicaux, notre monde agricole, qui s’effondre, ne se relèvera pas. Il faut le dire et le répéter, si nous ne changeons pas de modèle en profondeur, les mesures prises ressembleront à de la morphine, qui, loin de guérir l’agonisant, ne fait que rendre moins douloureuse sa disparition.