Intervention de Jean-François Longeot

Réunion du 4 février 2016 à 10h30
Conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé l’importance de cet accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, ses enjeux en termes de marché, tant pour nos exportations que pour nos importations, et ce dans tous les secteurs qu’il concernera, en particulier pour l’agriculture.

Le traité transatlantique constitue une chance pour l’ouverture vers de nouveaux marchés. Les attentes sont immenses de chaque côté de l’Atlantique. Nous espérons en Europe un gain économique de plusieurs centaines de milliards d’euros grâce à cet accord, soit, pour donner un ordre de grandeur, un montant comparable au plan d’investissement lancé par la Commission européenne.

Ce traité suscite aussi et légitimement de nombreuses craintes. L’objet de cette proposition de résolution européenne est bien de pointer du doigt ces craintes et de donner au Gouvernement notre point de vue sur les conditions dans lesquelles un accord serait acceptable, ou non, avec nos partenaires américains. Le Sénat, une fois encore, doit pouvoir jouer son rôle d’aiguillon du Gouvernement, un aiguillon bienveillant quand il le faut.

La proposition de résolution européenne que nous examinons attire notamment notre attention sur la préservation du système européen des signes de qualité, et insiste sur la reconnaissance et la protection juridique des indications géographiques. Ce système de qualité garantit aux consommateurs des produits de qualité et constitue un avantage certain pour nos filières. En cela, le partenariat transatlantique de commerce pourrait représenter une chance de développement économique. Le rapport de nos collègues Bonnecarrère et Raoul souligne d’ailleurs qu’une telle opportunité serait encore plus importante pour la filière laitière.

Je suis élu d’un département très riche en produits labellisés AOC, en particulier pour le fromage. Pour vous allécher, je peux citer le mont d’Or, le Morbier et, bien sûr, le Comté. Ce dernier représente la première AOC fromagère française en tonnage.

Avec près de 64 000 tonnes produites en 2015, soit 2 % de plus que l’année précédente, cette production augmente chaque année, ainsi que le prix du Comté. C’est donc une très bonne nouvelle pour tous les acteurs de la filière.

Ce très beau résultat provient d’une organisation originale, qui a besoin d’être confortée et, surtout, qui ne doit pas être déstabilisée, puisque tout le monde y trouve son compte. Le point fort de cette filière c’est qu’elle se tourne vers le consommateur. Les producteurs ont confiance et investissent pour l’avenir ; les jeunes agriculteurs s’engagent – dans le Doubs, le taux d’installation est exceptionnel avec une arrivée pour un départ dans la zone de production du Comté – ; les fruitières s’organisent et les affineurs développent toujours plus leur capacité.

Toutefois, comme je le disais, ce cercle agricole et économique, s’il est vertueux, ne doit pas être déséquilibré. Les craintes concernent les modes de production, la qualité des fromages et même les « copies » qui pourraient être fabriquées. Cette dernière question n’est pas anodine, puisque ce risque existe déjà, des sociétés comme Sodiaal cherchant à récupérer la bonne image de ce produit pour en faire une nouvelle source de chiffre d’affaires. Il est probable que, demain, avec un accord de libre-échange encore plus important conclu entre l’Europe et les États-Unis, ce type de tentation soit encore plus grand. Dans le cas de la filière du Comté, ce sont quelque 10 000 emplois qui sont en jeu.

Si je me suis attardé sur cet exemple précis et local, c’est que les enjeux de cet accord commercial sont primordiaux. Ils auront également un impact sur nos territoires. Il appartient donc au Sénat d’alerter le Gouvernement sur ces problématiques.

Pour exercer pleinement notre rôle – cela a déjà été rappelé de nombreuses fois, mais je souhaite y insister –, il est nécessaire non pas d’améliorer, mais d’assurer la transparence des négociations. Les différents rapports ont souligné ce point. Le Sénat en avait déjà fait l’objet d’une résolution au mois de février dernier. Toutefois, le sentiment que les négociations se poursuivent sans que cet aspect ait été pris en compte s’accentue.

Le libre-échange, pour être économiquement efficace, demande la confiance. Or cette fameuse confiance, indispensable à toute transaction, ne peut prospérer sur notre sol dans l’opacité des négociations, qui engendre craintes et suspicions.

Quelques avancées ont été obtenues par le Gouvernement en la matière. Cependant, un supplément d’efforts est nécessaire, du fait même de la nature particulière de ces accords. Jamais, dans l’histoire, la France ne s’est engagée dans un processus d’une telle ampleur sans négocier elle-même son destin commercial.

Le Premier ministre lui-même s’en est inquiété au mois de novembre dernier. Il a estimé qu’un vrai débat dans la société sur ce traité était nécessaire. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez la capacité d’organiser cette transparence au sein de notre pays ; vous avez la capacité de consulter les parlementaires que nous sommes ; vous avez la capacité et la responsabilité de le faire.

Le mandat que le Conseil a donné à la Commission ne saurait être un blanc-seing. Nous sommes tous responsables devant nos concitoyens, et notre premier devoir envers eux est celui de l’information, donc de la transparence. Elle permettrait, d’abord, de mesurer les axes qui sont pris et, ensuite, soit de rassurer le terrain, soit de faire remonter au niveau des négociateurs l’impact de leurs décisions.

Pour finir – c’est le corollaire du manque actuel de transparence –, j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous rassuriez s’agissant du contenu actuel du traité. En effet, certains élus européens se sont fait l’écho d’un rapport du département américain de l’agriculture laissant penser que notre agriculture serait la grande perdante de cet accord, notamment au regard de l’abolition des droits de douane et de la suppression des mesures non tarifaires.

Ces dispositions feraient s’effondrer les prix européens et ne seraient pas du tout adaptées à notre politique agricole commune. Par la proposition de résolution européenne de ce jour, il vous est demandé de sauvegarder notre modèle, or ces mesures viendraient l’entraver.

Enfin, la question de l’étiquetage de nos produits doit être portée au niveau européen. Si les États membres ne sont pas unis sur cette question, importante en matière de santé publique et d’information du consommateur, nos produits de qualité ne résisteront pas à un accord transatlantique.

Ce sujet revient régulièrement dans nos débats, tant au moment de l’examen de textes que lors des différentes crises qui ont touché le secteur agroalimentaire. Traçabilité et étiquetage complet restent les meilleurs moyens de laisser le choix au consommateur.

En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe UDI-UC soit favorable à l’adoption de cette proposition de résolution européenne.

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