Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 4 février 2016 à 10h30
Conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les agriculteurs sont en train d’agoniser dans nos départements et qu’ils manifestent leur désarroi un peu partout en France, le « hasard » du calendrier législatif nous fait examiner ce matin les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. Autant dire que le hasard fait parfois bien les choses !

On mesure facilement les enjeux de ce débat et le poids des responsabilités de nos gouvernants, responsabilités qui sont aussi les nôtres, à en juger par la force des cris de nos agriculteurs dans les rues depuis plusieurs jours.

Nous le voyons bien, la question agricole n’est pas gérée au plan national, ni même à l’échelle européenne. C’est dans ce contexte que nous devons nous prononcer aujourd’hui sur un accord international qui fixe les règles avec le géant américain !

En bonne montagnarde, j’ai toujours appris qu’il était essentiel de bien sécuriser son ascension, sous peine de se retrouver brutalement au pied de la pente dans un bien triste état.

S’il est important pour l’agriculture française de pouvoir se positionner sur la scène internationale, nous devons faire preuve de vigilance et tenter de mesurer toutes les conséquences d’un tel traité, en nous attardant un instant sur la spécificité de notre agriculture.

Comme vous le savez, l’agriculture ne se résume pas à des volumes de viande et de lait à consommer ou à exporter. L’agriculture, c’est notre histoire ; elle est intrinsèquement liée à notre mode de vie. L’agriculture, ce sont aussi nos savoir-faire, la tradition du goût et le souci du travail bien fait.

La gastronomie française a été inscrite au patrimoine immatériel culturel de l’humanité de l’UNESCO. L’achat des produits, locaux de préférence, contribue notamment à l’art du « bien manger », que nous envie le monde entier.

L’agriculture française est très diverse. En tant qu’élue d’un territoire de montagne, je ne me risquerai pas à comparer les volumes de viande porcine produits dans les Hautes-Alpes avec ceux qui sont produits dans le Finistère. Cette agriculture diverse se caractérise par un souci permanent de qualité dans la production et dans la transformation.

Par exemple, les circuits courts, qui sont encouragés localement, sont très prisés par les consommateurs, qui voient là un moyen de soutenir l’économie locale, mais aussi d’être rassurés quant à la qualité des produits consommés.

C’est notamment le cas pour la filière viande, qui, malgré les crises – on l’a vu encore récemment, avec la grippe aviaire –, réussit à survivre en fidélisant le consommateur et en étant très exigeante sur la traçabilité et la qualité de ses produits. On sait qui produit, et où !

Notre agriculture ne se résume évidemment pas seulement aux circuits courts. Le traité aura des conséquences négatives pour l’ensemble du pays s’il n’est pas équilibré et s’il ne respecte pas les attentes de nos territoires.

Les exigences de sécurité sanitaire et alimentaire – faut-il le rappeler ici ? – ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve en Europe ou aux États-Unis.

Vous l’avez compris, les enjeux économiques sont importants, notamment pour l’élevage bovin, qui pourrait être le plus durablement frappé si un traité non négocié devait intervenir avec le premier producteur mondial de viande bovine sans que ce volet soit classé comme sensible.

Quelles en seraient les conséquences en matière de santé publique, où il faut parfois plusieurs décennies pour mesurer les effets de certaines substances sur les organismes ?

Les intérêts et la sécurité des consommateurs doivent être prioritaires. L’harmonisation des règles entre l’Union européenne et les États-Unis ne doit pas affecter la santé des consommateurs, pas plus qu'elle ne doit mettre en cause les normes exigibles de qualité des produits importés commercialisés dans l’Union européenne.

La diversité de l’agriculture française repose également sur celle de ses territoires. Dans un département de montagne comme le mien, l’agriculture est aussi synonyme d’aménagement et de développement durable du territoire, où l’élevage permet d’entretenir l’espace, de prévenir les risques d’érosion et de se préserver de leurs conséquences. L’agriculture de montagne est extensive. Ses handicaps, liés notamment au climat et à l’altitude, en font les spécificités. La production locale, par exemple le lait, n’a pas le même goût qu’ailleurs. Les produits fabriqués, comme les fromages, ont la saveur particulière du terroir.

Nous devons donc être très vigilants sur ce qui caractérise nos produits et protéger les indications géographiques, qui n’ont peut-être pas de sens à l’échelle du continent américain, mais qui veulent dire beaucoup de choses au pays des 1 200 fromages !

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