Intervention de Alain Richard

Réunion du 4 février 2016 à 14h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Adoption d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Sans doute aurons-nous quelques différences d’appréciation avec le rapporteur et la majorité de la commission sur l’étendue de ces règles. Toutefois, je salue le pragmatisme de M. Mézard qui, dans l’un des premiers articles de la proposition de loi, précise bien, de manière parfaitement cohérente du point de vue du droit, que ce statut est commun à l’ensemble des autorités sauf dispositions législatives contraires pouvant figurer dans les statuts propres de telle ou telle AAI. Il peut en effet exister des nécessités particulières ; j’ai notamment en tête le cas, tiré de discussions avec des membres de collèges, d’autorités indépendantes très spécialisées et dont le champ de recrutement possible est assez étroit. Dans cette hypothèse, l’idée d’un renouvellement de mandat pourrait ne pas être écartée.

Avant de conclure cette brève réflexion, je veux revenir sur un sujet abordé par mon prédécesseur à la tribune : la relation entre une autorité administrative indépendante et le législateur. Il existe entre eux, me semble-t-il, une proximité de destination beaucoup plus grande qu’on ne le croit. Que ce soit dans le domaine de l’audiovisuel, de l’énergie ou encore de l’informatique et des libertés, quand on confie un domaine de régulation à une autorité indépendante, on est obligé de lui affecter un cadre normatif. On ne lui demande pas de réguler dans le vide ni de créer le droit de son secteur par pure jurisprudence !

Ainsi, selon moi, l’instauration d’une autorité administrative indépendante impose au contraire au législateur de définir ce qu’il veut confier à cette autorité et les lignes directrices de la régulation qu’il lui demande de mettre en œuvre. On peut même observer un processus d’allers et retours, d’itérations, parce qu’on s’aperçoit à l’expérience que le champ de régulation, notamment en matière de concurrence, demande à être précisé, clarifié, par la loi.

Il n’existe donc pas d’antagonisme institutionnel entre le législateur et les autorités indépendantes, à tel point que je rejoindrai entièrement l’incertitude conclusive de notre rapporteur portant sur la participation des parlementaires aux autorités administratives indépendantes. Au fond, nous ne sommes pas arrivés à trouver une bonne réponse de principe à ce problème. Dans plusieurs cas, le Parlement a décidé, après réflexion, de prévoir la présence de parlementaires au sein de collèges d’AAI, et cela pouvait sembler judicieux. Néanmoins, si le Parlement fixe le cadre des autorités administratives indépendantes à travers la législation puis contrôle leur activité à travers leurs rapports, il n’est pas forcément heureux que des parlementaires appartiennent à leur collège.

Nous avons ainsi, les uns et les autres, accepté, souvent avec plaisir, de siéger dans plus de 150 commissions consultatives, à ma connaissance ; nous en avions parlé lors de la réforme des méthodes de travail du Sénat. Nous y jouons alors le rôle de conseillers de l’exécutif – ce qui n’est pas forcément la vocation du Parlement – et, même si cela n’est pas idéal du point de vue des principes, ceux qui y participent retirent de l’intérêt de l’échange institutionnel, qui peut aussi être utile, et ils peuvent exercer une influence modératrice ou créative auprès de l’exécutif.

J’en termine en insistant, monsieur le rapporteur, car je crains de devoir quitter la séance avant la fin du débat d’articles, sur un sujet d’hésitation pour moi : la Commission des participations et des transferts. Cette commission n’a pas été conçue comme une autorité indépendante de plein exercice. Sa création remonte aux lois de privatisation de 1986 et repose sur une idée du ministre d’État Édouard Balladur. L’histoire à laquelle nous avons pu participer de plus ou moins près a montré que, à travers les majorités successives – elles n’étaient certes pas en accord sur les principes des nationalisations et des privatisations –, cette commission a toujours été maintenue.

Pourquoi ? Parce que, dans une économie très internationalisée, on s’est aperçu que la garantie que constituait, pour tous les partenaires, l’intervention d’un organisme suffisamment détaché de l’exécutif et estimant la valeur, par exemple, du capital de Renault ou d’Areva quand on en cède 5 % ou 10 % répondait à une nécessité. Les aléas de l’histoire économique montrent effectivement que les doutes sur la valeur d’une société sont permis ; je vous rappelle à cet égard, mes chers collègues, la formule malheureuse d’Alain Juppé, qu’il a lui-même souvent regrettée depuis avec le sourire, à propos de je ne sais quelle composante du groupe Thomson…

Aussi, peut-être n’en est-il pas encore temps, mais il me semble que cet organisme, qui a maintenant prouvé sa légitimité et sa crédibilité et qui a pour fonction d’indiquer au Gouvernement la valeur de telle ou telle société dont une fraction du capital va être cédée, devrait acquérir le statut d’autorité administrative indépendante. Les dernières nouvelles dont je dispose montrent que cette idée ne recueille évidemment pas l’assentiment de la maison de Bercy – grande surprise !

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