Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue cette initiative parlementaire et le travail de Guillaume Garot. Ce texte relève d’une nécessité, surtout à un moment où notre souveraineté alimentaire est un enjeu si stratégique. C’est l’un des messages que nos agriculteurs veulent actuellement nous faire passer.
Pour commencer, j’évoquerai les causes du gaspillage alimentaire. La responsabilité en la matière relève de chacune et de chacun d’entre nous en tant que citoyen. Si nous avons atteint de tels niveaux de gaspillage, c’est parce que les bonnes pratiques alimentaires ne se transmettent plus de génération en génération. Nous n’arrivons plus à enseigner à nos enfants et à nos petits-enfants de ne pas gaspiller la nourriture, ou nous ne tentons plus de le faire.
En matière de gaspillage alimentaire, les consommateurs seraient les plus mauvais élèves. Dans les ménages français, la nourriture termine bien trop souvent à la poubelle, parfois alors qu’elle est encore emballée. Le coût économique et environnemental de ce gaspillage monumental est difficile à mesurer. D’après l’ADEME, il représenterait 1, 2 million de tonnes par an en France.
Le gaspillage alimentaire est emblématique des dérives de la société de consommation. La part des citadins, qui sont éloignés des lieux de production, est en constante augmentation ; les consommateurs sont devenus plus exigeants et ont développé de nouvelles attentes en termes de choix des produits et de rapport qualité-prix ; la demande de produits rapidement périssables augmente. Cette évolution a rendu plus complexe la chaîne de production et de distribution alimentaires.
Cette évolution est combinée à une normalisation et à une standardisation des produits. Je prendrai l’exemple bien connu des fruits et légumes : en imposant des critères esthétiques, les normes de calibrage conduisent au gaspillage d’une partie de la production agricole, l’agriculteur ne commercialisant pas les fruits imparfaits. Ces normes ne sont plus imposées par l’Union européenne depuis 2009, mais continuent d’être appliquées par certains distributeurs et surtout par certains consommateurs au quotidien.
Notre responsabilité est donc avant tout collective. La lutte contre le gaspillage alimentaire passera par l’éducation de nos enfants, futurs consommateurs, au sein de la cellule familiale et à l’école. En ce sens, l’article 3 de la proposition de loi visant à compléter l’information et l’éducation à l’alimentation dispensées aux enfants dans les écoles me paraît pertinent. Il semble donc que le préalable à toute action de lutte contre le gaspillage alimentaire soit de redonner une « valeur » aux produits alimentaires.
J’aimerais faire deux remarques sur cette proposition de loi.
Alors que la Commission européenne a estimé à cent quarante kilos le volume de déchets alimentaires en Europe par habitant et par an, ne devrait-on pas miser sur une harmonisation des normes européennes ?
Prenons garde : au fil des crises alimentaires, les normes ont évolué en se renforçant au niveau européen. Mais, en comparaison de la France, la capitale européenne joue dans une cour d’école. Nous avons en effet pris l’habitude de durcir ses directives avant de les mettre en application dans l’Hexagone. Le résultat, c’est que nos industriels doivent se plier à des consignes de sécurité ou environnementales bien plus drastiques que leurs concurrents allemands, italiens ou suédois et qu’ils y perdent de précieux points de compétitivité. C’est pourquoi il faudra veiller, au travers de cette proposition de loi, à ne pas alourdir encore le poids réglementaire qui pèse déjà sur nos entreprises.
N’oublions pas non plus que, malgré les résultats déjà atteints en termes de qualité des produits et de sécurité des consommateurs, le risque zéro n’existe pas. La science et le progrès technologique permettent de réduire la fréquence d’apparition des risques, mais non de les éliminer complètement. L’industrie et la vente directe, malgré toutes les améliorations, peuvent devoir faire face à la menace d’un défaut de qualité de produit, et ce malgré l’effort de traçabilité des produits entrepris. Je rappelle que l’identification des ingrédients, ainsi que celle de l’exploitation ou de l’entreprise qui a livré la denrée alimentaire, est aujourd'hui possible.
À ce propos – c’est là ma seconde remarque –, l’industriel qui veut faire un don à une association caritative pour des produits en voie d’atteindre la date limite de péremption ou la date limite de préférence de consommation peut s’interroger sur le risque qu’en cas de problème sanitaire les bénéficiaires se retournent contre l’agroalimentaire.