Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 9 février 2016 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Bernard Cazeneuve, ministre :

À ce jour et depuis 2013, le travail minutieux de nos services de renseignement a ainsi permis de déjouer onze attentats, outre les deux tentatives qui ont échoué à Villejuif et à bord du Thalys reliant Amsterdam à Paris.

Je veux par conséquent saluer devant vous le travail réalisé par la Direction générale de la sécurité intérieure, dont je veux rappeler qu’elle est saisie, en propre ou avec la police judiciaire, du suivi de 216 dossiers judiciaires concernant 1 038 individus pour leur implication dans des activités liées au terrorisme djihadiste. Parmi eux, 320 ont d’ores et déjà été interpellés et 13 font l’objet d’un mandat d’arrêt international ; 199 ont été mis en examen, 153 ont été écroués et 46 font l’objet d’un contrôle judiciaire. Ces chiffres montrent, s’il en était besoin, à quel point l’action quotidienne des services, sous l’autorité de la justice, porte ses fruits, permettant ainsi d’empêcher la commission sur notre sol d’actions violentes, voire d’attentats.

Je voudrais à présent vous rappeler les garanties qui ont été prises afin de nous assurer que les mesures mises en œuvre au titre de l’état d’urgence respectent scrupuleusement, comme je le disais en introduction, toutes les exigences de l’État de droit.

En premier lieu, afin de préserver les garanties dont doivent bénéficier les personnes mises en cause et la sécurité juridique des procédures, des directives très précises ont été données, dès le lendemain des attentats, en vue d’associer pleinement l’autorité judiciaire, à travers les procureurs de la République, aux opérations de perquisition administrative, et ce en parfait accord avec la Chancellerie.

En second lieu, nous avons veillé à ce que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence fassent l’objet d’un contrôle juridictionnel, qui n’était pas systématiquement prévu par la loi de 1955.

Ce contrôle est exercé à titre principal par le juge administratif. Certains ont pu déplorer l’absence, dans ce dispositif, du juge judiciaire, y voyant une « mise à l’écart » plus ou moins délibérée. Pourtant, il ne s’agit là que d’une conséquence de ce principe général du droit qui veut que le juge administratif soit compétent pour contrôler la légalité des mesures de police administrative.

Le juge administratif a d’ailleurs eu maintes fois l’occasion, au cours de notre histoire récente, de démontrer qu’il n’était pas moins indépendant que le juge judiciaire, et pas moins sourcilleux en matière de contrôle du respect des libertés publiques.

Par ailleurs, en vertu d’un principe ancien de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier, dans le cadre des procédures judiciaires engagées par des perquisitions administratives, la légalité des ordres de perquisition émanant de l’autorité administrative.

À cet égard, j’ai eu l’occasion d’entendre des propos extrêmement incongrus en droit, aux termes desquels l’absence du juge judiciaire dans les procédures relevant de l’état d’urgence priverait la personne concernée par celles-ci de tout recours. Certains expliquent même que cette procédure consistant à prendre des mesures de police administrative sous le contrôle d’un juge administratif est absolument dérogatoire à tous les principes de l’État de droit et constitue en cela une violation des principes intangibles hérités de notre histoire et énoncés notamment dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

À l’intention de ceux qui développent de telles théories, je rappellerai simplement que c’est par une loi de 1790, …

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