Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 9 février 2016 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Cependant, monsieur le ministre, il en est de l’état d’urgence comme de tout : sa pérennisation entraînerait sa banalisation pour l’opinion et une dérive inacceptable pour les libertés publiques. Vous risquez donc de cumuler attentats et atteinte aux libertés. C’est la dure loi de l’exercice du pouvoir !

L’état d’urgence a-t-il été efficace ? Autrement dit, les mesures administratives en découlant ont-elles prouvé leur utilité dans la lutte contre le terrorisme ?

Ces mesures, vous l’avez rappelé, ont été d’une ampleur exceptionnelle : environ 3 300 perquisitions administratives et 392 assignations à résidence ont été décidées sur l’ensemble du territoire national.

On peut raisonnablement considérer que le « stock » de perquisitions a été largement évalué, et c’est là un euphémisme. Reste à permettre ou non à l’autorité administrative d’intervenir suite à de nouveaux renseignements. Quant aux assignations à résidence, la question est plutôt de savoir dans quelles conditions il peut y être mis fin, la fin de l’état d’urgence emportant la fin des assignations à résidence.

Comme l’a rappelé notre excellent rapporteur Michel Mercier, l’état d’urgence constitue bel et bien « un régime juridique exceptionnel par les prérogatives étendues qu’il offre à l’autorité administrative », sous le seul contrôle a posteriori, ajouterai-je personnellement, du juge administratif. C’est là à nos yeux le nœud du problème et la vraie question de fond pour l’avenir.

Certes, le rapporteur a souligné, à juste titre, que l’état d’urgence « ne constitue aucunement un régime arbitraire dénué de toute voie de recours », mais, la différence fondamentale avec le contrôle de l’autorité judiciaire, c’est que le juge administratif intervient a posteriori et au fond plusieurs mois après le recours.

Dans la perspective de la recherche du juste équilibre entre sécurité et liberté, nous pouvons être sensibles à l’argumentation du ministre Bernard Cazeneuve et du rapporteur Michel Mercier et accepter la prorogation pour trois mois de l’état d’urgence, mais en disant clairement que cela ne vaut pas blanc-seing pour ce qui se passera au terme de cette prorogation.

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