Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 9 février 2016 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence — Article unique

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai voté l’instauration de l’État d’urgence à la suite des attentats du mois de novembre dernier, j’ai voté sa prolongation pour trois mois, mais je ne voterai pas cette nouvelle prorogation, parce le principal intérêt de l’état d’urgence réside dans l’effet de surprise des interventions des premières semaines, et elles furent nombreuses. Or nous n’en sommes plus là.

Selon la commission de contrôle de l’Assemblée nationale, alors présidée par Jean-Jacques Urvoas, devenu depuis lors notre garde des sceaux : « L’essentiel de l’intérêt de ce que l’on pouvait attendre de ces mesures [d’urgence] semble, à présent, derrière nous. Partout où nous nous sommes déplacés, nous avons entendu que les principales cibles et les objectifs avaient été traités. De fait, l’effet de surprise s’est largement estompé, et les personnes concernées se sont pleinement préparées elles aussi à faire face à d’éventuelles mesures administratives. »

En outre, l’argument de la persistance d’un danger fort et permanent invoqué par le Gouvernement en appui de sa demande, mais aussi par d’autres, peut se retourner. La permanence du danger est précisément le signe que son traitement relève de bien autre chose que de la prolongation de l’état d’urgence.

« Réagir efficacement à un attentat terroriste en donnant à l’État les moyens proportionnés à l’ampleur de la menace imminente était une chose, nous dit encore la commission Urvoas, combattre sur la profondeur le terrorisme en est une autre ».

Personnellement, je déplore le peu d’attention porté par le Gouvernement, en tout cas à ma connaissance, aux dimensions autres que policières – quelle que soit l’importance de ces dernières – de la lutte contre le terrorisme, et tout particulièrement à leur dimension idéologique. Neutraliser les tueurs actifs ou potentiels, c’est l’urgence ; stériliser le terreau idéologique qui les nourrit, l’obligation permanente. Je crains que le souci quasi exclusif de l’urgence ne l’ait fait oublier.

Les Français ne comprendraient pas la levée de l’état d’urgence si un nouvel attentat survenait, nous dit-on. Un an après les attentats de janvier 2015, état d’urgence ou pas, ces Français comprendraient-ils mieux si une nouvelle tuerie intervenait ? Je ne le pense pas.

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