Dans un contexte général d’une gravité extrême pour le monde agricole, je rappelle que les agriculteurs normands, y compris ceux de l’Eure, ont vu leurs revenus nets diminuer de 63, 5 %, alors que la moyenne nationale n’est « que » de 33, 79 %.
Chacun attendait donc beaucoup de ce texte.
Malgré la qualité de nos échanges, malgré la compétence de M. le ministre, sa volonté et son ambition constantes de défendre l’agriculture et la pêche, malgré le travail remarquable de la commission et du Sénat dans son ensemble, ce débat ne tient pas ses promesses.
Cela dit, j’espère, vu le faible nombre de sénateurs présents en cet instant, que les agriculteurs n’observent pas nos débats : ils mettraient alors légitimement en doute l’intérêt que porte la Haute Assemblée à leur profession…
Nous avons bien compris que beaucoup de dispositions étaient de nature communautaire ou réglementaire. Il reste que, à titre personnel, je suis déçue devant le peu qui est fait pour la protection du foncier agricole, qui est, comme nos collègues ultramarins l’ont encore souligné tout à l’heure, un problème majeur.
À cet égard, les dispositions des articles 12 A et 12 B sont très en deçà de ce que l’on attendait.
Lorsque, à l’automne dernier, nous avons débattu des crédits de la mission dont vous êtes en charge, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à ce que la question des terres agricoles soit abordée dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture.
Nous avons l’habitude de voir des dispositions renvoyées à un futur projet de loi, à une future proposition, à une future commission ou, depuis la réforme constitutionnelle, à une future résolution européenne. Je crois cependant nécessaire d’étudier avec le plus grand sérieux les importants problèmes posés par la spéculation foncière et la gestion du foncier agricole. Or je doute que le texte que nous nous apprêtons à voter le permette.
Ce texte comporte des dispositions nombreuses et variées, instaurant une politique de l’alimentation, prévoyant des mesures sociales et fiscales. Cela peut en partie être imputé à la diversité et à l’ampleur de vos compétences ministérielles. Certaines propositions tendaient même à modifier la loi de modernisation de l’économie ! Vous vous y êtes d’ailleurs opposé, au motif que ce n’était pas là le véhicule adéquat, sauf, bien sûr, lorsqu’il s’est agi d’un de vos propres amendements.
Chaque point de ce texte a ainsi constitué un sujet de débat. Il est toutefois un thème qui devrait être traité pour lui-même : celui du lien entre alimentation et santé. Ce débat est d’autant plus nécessaire que la diminution du budget du ministère de la santé a été annoncée. Nous avons eu l’an dernier, sur l’initiative de M. Dériot, un débat sur l’obésité, mais je crois que la représentation nationale est prête à débattre globalement de ce dossier majeur.
En dépit du plaisir nous avons eu à voter l’article 1er, y compris les mesures introduites grâce à M. Fortassin en ce qui concerne la formation du goût, je crains que ces dispositions, qui créent une sorte de droit opposable à une alimentation de bonne qualité, financièrement abordable et goûteuse, ne soient difficilement applicables.
S’il est intéressant d’avoir évoqué le lien entre agriculture et alimentation, nous avons passé un temps considérable à débattre de déclarations de principe qui ne débouchent sur rien de vraiment concret. Nous avons cependant évité le pire à propos des semences fermières.
C’est avec beaucoup de satisfaction que nous avons voté l’article 1er quater et assuré la pérennisation de l’enseignement agricole, cher à notre collègue Mme Férat comme à moi-même.
Au total, ce texte semble illustrer le dicton bien connu : qui trop embrasse mal étreint.
Je le voterai néanmoins en espérant que les prochains textes que vous nous présenterez, monsieur le ministre, seront plus courts, plus précis, plus techniques aussi. Le secteur agricole mérite plus de débats techniques et moins de postulats de principe.
Je souhaiterais enfin aborder un problème dont vous n’êtes nullement responsable, monsieur le ministre, puisqu’il touche à l’organisation de nos travaux. Du fait de l’encombrement du calendrier parlementaire, l’examen de ce texte a été erratique et saucissonné : il nous a fallu, au cours de ces deux semaines, faire de la place non seulement pour des questions cribles sur le thème « pouvoir et médias » et une question orale avec débat consacré à la gendarmerie, mais aussi pour plusieurs discussions en deuxième lecture ou après réunion d’une commission mixte paritaire. Tout cela a, bien entendu, considérablement altéré le rythme de ce débat tant attendu sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Toutefois, votre réelle compétence et votre écoute attentive, monsieur le ministre, ont rendu ces travaux plus faciles, même si les heures que vous avez dû passer au banc du Gouvernement relèvent du stakhanovisme, voire du cauchemar !