Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 29 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Vote sur l'ensemble

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai cette intervention en exprimant quelques regrets : si le texte du Gouvernement va dans le bon sens, il manque néanmoins un peu d’audace, et surtout de moyens. C’est la raison pour laquelle, avec un succès mitigé, nous avons tenté, à travers la plupart des amendements que mes collègues de l’Union centriste et moi-même avons présentés, de pousser la logique un peu plus loin, par exemple en matière de compétitivité ou d’assurance.

La mise en place d’un fonds de gestion des risques en agriculture me rassure. C’est un projet sur lequel mon collègue Daniel Soulage a longtemps travaillé, et qui répond à une attente forte des agriculteurs, surtout quand on connaît leur vulnérabilité aux aléas climatiques.

La tempête Xynthia comme celle qui a dévasté une partie des Landes témoignent de l’importance du risque.

S’agissant de la réassurance, le Gouvernement a fait un pas en avant en prévoyant un rapport sur les modalités de mise en place d’une réassurance publique. Toutefois, en reportant sine die la mise en œuvre elle-même de cette réassurance publique, on retardera d’autant l’essor des assurances récoltes, qui ont besoin d’une couverture de réassurance privée pour se développer. Par un effet de cascade, la réassurance privée a besoin de garanties publiques. Nous sommes donc très réservés, monsieur le ministre, sur votre engagement au mode conditionnel en ce domaine.

De même, les sénateurs du groupe de l’Union centriste regrettent que vous n’ayez pas osé faire le pas en avant qui aurait consisté à confier aux associations d’organisations de producteurs la charge de gérer le fonds de gestion permettant de faire face aux aléas économiques. C’est un vrai risque, qui nécessite une couverture. Le Gouvernement est allé exactement à l’encontre de cette dynamique, en supprimant par ordonnance, au début du mois de mai, les comités économiques agricoles qui avaient cette compétence.

J’espère au moins que les nombreux décrets d’application auxquels renvoie l’article 9 prévoiront un large déploiement du Fonds national de gestion des risques et le développement de l’assurance.

En tout cas, le groupe de l’Union centriste sera extrêmement vigilant quant à la bonne application des articles 9 et 10 dans les mois à venir, notamment lors de la parution des décrets.

Je ne répéterai pas ce qui a été largement souligné à propos du manque de compétitivité de l’agriculture française, sur un secteur paradoxalement très internationalisé dans ses échanges commerciaux, et qui fait l’objet d’un protectionnisme de chaque pays producteur et de l’Union européenne.

En tout état de cause, je ne crois pas que les mesures prévues soient à la mesure des enjeux et de notre retard en la matière, ne serait-ce que parce que la politique agricole est avant tout communautaire et que la marge de manœuvre d’une politique franco-française est étroite.

Je soutiens le ministre dans sa démarche auprès de la Commission européenne sur les questions de régulation de l’agriculture et sur la modification du droit de la concurrence, mais je reste circonspecte quant au résultat.

Les mesures en la matière ne vont pas assez loin et ne sont pas novatrices. Certes, les contrats constituent une réelle avancée, d’autant que notre groupe a permis d’instituer un médiateur pour faciliter la négociation. Mais n’aurait-il pas été intéressant de prévoir leur transmission à l’Observatoire ?

L’Observatoire fait aussi l’objet de quelques réserves de notre part. Il ne constitue pas une innovation puisque FranceAgriMer joue déjà ce rôle pour trois filières. Il aurait été judicieux de compléter ses compétences plutôt que de créer un autre observatoire, d’autant que, comme on a pu le voir avec l’Observatoire des distorsions, son activité n’est pas garantie, la loi ne prévoyant pas de moyens particuliers, et l’amendement que mon groupe a déposé pour en faire un organe fort, visible et complémentaire de l’Observatoire des distorsions n’ayant pas été retenu.

Mais il faut « laisser sa chance au produit ». C’est pourquoi nous avons soutenu le Gouvernement dans cette démarche, en donnant un vrai pouvoir aux organismes statistiques afin qu’ils puissent obtenir des informations sur les prix, en renforçant les sanctions, aujourd’hui inefficaces. Les organismes qui refuseront de coopérer à la mission de l’Observatoire seront recensés sur une liste noire diffusée sur son site internet.

Quoi qu'il en soit, la compétitivité de l’agriculture française passera avant tout par un allégement de la fiscalité et des normes imposées aux agriculteurs. Or vous ajoutez, au contraire, un plan régional de l’agriculture durable !

Vous avez botté en touche les sujets fiscaux et normatifs, comme ceux qui ont trait aux commissions des structures ou à l’Observatoire des distorsions. Je trouve cela dommage, car ce sont des préoccupations sérieuses.

Le projet de loi prévoit la mise en œuvre d’un énième schéma régional de développement de l’agriculture, qui existait déjà au niveau départemental.

En bref, ce texte manque d’une vision globale de la politique agricole française.

Il apporte toutefois quelques consolations, comme le maintien d’un dialogue de terrain dans le secteur de la pêche, grâce à l’initiative de notre collègue Jean-Claude Merceron. Il faut encourager ces avancées, en espérant que leur bonne et juste exécution permettra de convaincre notre groupe de l’Union centriste qu’il avait tort de se montrer sceptique.

Enfin, l’extinction définitive du colonat partiaire est pour moi un grand sujet de satisfaction. C’est le dernier bastion de l’esclavage qui, aujourd’hui, vient de tomber.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l’Union centriste votera ce texte.

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