Intervention de Roland Ries

Réunion du 1er décembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Compte spécial : avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le volet « Transport urbain » du projet de loi de finances pour 2010 que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte relativement favorable pour le secteur de la mobilité, comme l’ont constaté les principaux acteurs à l’occasion des rencontres nationales du transport public, qui se sont tenues à Nice la semaine dernière.

Ce secteur résiste d’ailleurs mieux que d’autres à la crise économique que nous traversons. Les importants investissements réalisés par les collectivités territoriales sont un parfait exemple de cette « croissante verte » que nous appelons tous de nos vœux, car ils ont à la fois permis de remplir les carnets de commande des industriels, de favoriser la création d’emplois non délocalisables, d’accroître la qualité du service rendu aux usagers et, objectif central, d’encourager le report de l’usage privatif de l’automobile vers les transports collectifs.

Tout l’enjeu de ce budget consiste à vérifier s’il a été élaboré en vue d’accompagner les changements de comportements de nos concitoyens en matière de mobilité urbaine, lesquels ne pourront s’inscrire dans la continuité que si les autorités publiques – collectivités territoriales et État – poursuivent leurs politiques courageuses et volontaristes dans ce domaine.

Les autorités organisatrices de transport entendent être d’autant plus soutenues dans leurs efforts par le Gouvernement que les besoins de financement ont été chiffrés par le groupement des autorités responsables de transports, le GART, à plus de 43 milliards d’euros à l’horizon 2020 pour les seuls transports en commun en site propre, ou TCSP. Et je ne parle même pas des besoins en termes de régénération du réseau ferroviaire, de mise en accessibilité des véhicules et des infrastructures terrestres, et d’aménagement des gares !

De ce point de vue, le programme 203 « Infrastructures et services de transports » appelle deux remarques de ma part.

Monsieur le secrétaire d'État, dans un premier temps, je soulignerai la satisfaction que m’inspire votre annonce, le 26 novembre à Nice, du lancement au printemps prochain d’un nouvel appel à projets de TCSP, doté d’une enveloppe sensiblement identique au précédent, soit environ 800 millions d’euros. Cet enthousiasme doit être tempéré – mais peut-être nous rassurerez-vous –, car, s’il est exact que le financement des appels à projets lancés dans le cadre du Grenelle de l’environnement pour les projets de transport en commun en site propre des grandes agglomérations figure au nombre des missions de l’AFITF, le « bleu budgétaire » ne fait pas mention d’un tel montant. Je m’étonne donc du chiffre que vous avez avancé.

En outre, on peut se demander, à y regarder de plus près, comment l’Agence de financement des infrastructures de transport de France va pouvoir remplir les missions qui lui ont été confiées avec des ressources moindres cette année, la totalité de la somme en provenance de la vente des sociétés d’autoroutes ayant été consommée. Doit-on considérer, dès lors, que la subvention d’équilibre de 980 millions d’euros accordée par l’État servira à couvrir l’ensemble de ses missions pour l’année 2010 ? En clair, monsieur le secrétaire d’État, avez-vous vraiment prévu un financement budgétaire en 2010 de l’appel à projets que vous allez lancer ?

Je souhaiterais, dans un second temps, attirer votre attention sur la question du financement du matériel roulant.

Après une vingtaine d’années de développement des TCSP, nombre de réseaux arrivent aujourd’hui à saturation. Vous savez que l’augmentation de l’offre passe par celle des fréquences, ce qui suppose du matériel supplémentaire. Or, à ce jour, l’État concentre son aide sur les seules infrastructures et s’est toujours refusé à envisager son extension à l’acquisition de matériels roulants.

À mon sens, le Gouvernement gagnerait pourtant à revenir sur cette position, ne serait-ce que pour témoigner, de façon plus substantielle encore, sa volonté d’encourager la politique de report modal promue par le Grenelle de l’environnement et mise en œuvre par les collectivités territoriales.

Du reste, cette question devrait aussi intéresser votre collègue ministre de l’industrie, M. Christian Estrosi, qui, en sa qualité de maire de Nice, nous a accueillis pour ces rencontres nationales du transport public. En effet, il y va du soutien à l’ensemble des acteurs d’une filière fortement créatrice d’emplois.

Mais je voudrais aller plus loin, car il y a plus à exprimer que de simples regrets quant à cette relative stagnation budgétaire ou cette insuffisance des crédits.

Chacun le sait, la part relative aux transports représente actuellement un quart, parfois davantage, du budget principal de la plupart des agglomérations et des intercommunalités. Cette contribution ne peut augmenter indéfiniment sans compromettre les autres actions des collectivités, dont les recettes fiscales ont en outre subi une forte réduction due aux effets mécaniques de la crise économique. À cet égard, la baisse du produit global du versement transport, induite par l’augmentation du chômage, suscite de lourdes inquiétudes chez les autorités organisatrices de transports.

En ces temps de fortes incertitudes budgétaires, la suppression de la taxe professionnelle, principale ressource des intercommunalités, vient accroître l’inquiétude des décideurs locaux.

Avec cette réforme, aucune autorité organisatrice de transports ni aucune intercommunalité ne dispose aujourd’hui de la visibilité budgétaire à moyen et long termes qui lui permettrait d’engager, en toute connaissance de cause, de lourds investissements. Comment, dans ces conditions, établir une programmation pluriannuelle des investissements ?

Une telle réforme pèsera inévitablement sur les choix à venir et indirectement sur l’activité économique de notre pays. En effet, nous le savons tous, les collectivités territoriales réalisent l’essentiel des investissements publics et, de ce fait, constituent le principal soutien à l’économie de notre pays.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, je crains que le budget que vous nous soumettez, avec les incertitudes qu’il comporte quant aux ressources pérennes des autorités organisatrices de transports, n’entrave les politiques volontaristes menées par les collectivités, depuis plusieurs années maintenant, en faveur de la mobilité durable. Je doute que les garanties apportées par M. le Premier ministre à l’occasion du congrès des maires de France, lesquelles portent essentiellement sur le court terme, soient de nature à rassurer les responsables locaux des autorités organisatrices de transports.

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