Intervention de Paul Raoult

Réunion du 1er décembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Compte spécial : avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

Madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, le budget de l’écologie est fortement marqué par votre volonté de soutenir les efforts prévus par les lois Grenelle I et Grenelle II dans le domaine de la biodiversité.

Dans un contexte économique et financier difficile, nous sommes sensibles à ce soutien qui doit permettre de « casser » le processus engagé depuis plusieurs décennies, lequel met en péril notre planète et la survie même de l’espèce humaine.

À titre personnel, j’apprécie les efforts déployés pour l’accroissement des parcs nationaux et régionaux, ainsi que pour les réseaux et aires des espèces protégées. Les dispositions financières devraient permettre d’engager de manière solide la mise en place de la trame bleue et de la trame verte, même si des efforts beaucoup plus importants devront être réalisés dans les années à venir pour ces deux trames empreignent notre environnement.

Mes inquiétudes portent d’abord sur l’insuffisance de moyens humains, au regard des défis qui s’annoncent. L’étape préalable des inventaires scientifiques nécessitera un énorme travail des scientifiques et des experts, parce qu’il y a un grand retard à rattraper et que la qualité environnementale des PLU et des SCOT dépend largement de cette mise à jour de nos connaissances scientifiques.

Assurer les continuités écologiques, en partenariat avec les collectivités territoriales, est un objectif à prendre en compte. Pour ce faire, l’État doit être au rendez-vous.

En effet, on le voit bien, la mise en place des bandes enherbées le long des rivières, par exemple, n’est pas simple. Celles-ci progressent peu. Quelles sont les plantes autorisées ? Quelles compensations accordera-t-on aux agriculteurs lorsqu’il n’y a pas de DPU ? Autant de questions qui restent sans réponse, madame la secrétaire d’État.

De même, quels moyens financiers dégagera-t-on pour l’effacement des 40 000 petits barrages de moins de cinq mètres ? Nous n’avons pas non plus de réponse pour la mise en œuvre de cet objectif extrêmement important.

Mettre en place des logiques transversales entre les ministères et des politiques de coordination entre les différents services du ministère de l’écologie est indispensable.

La trame verte et la trame bleue ne sont pas juxtaposées, mais indissociables, ce qui suppose que les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement et les Agences de l’eau coopèrent davantage et ne restent pas chacune dans leur pré carré. Un dialogue permanent doit donc s’engager avec les régions, les départements et les intercommunalités. Toutefois, j’ai bien conscience qu’une véritable révolution culturelle doit s’opérer pour obtenir des résultats positifs dans ce domaine.

Mon autre inquiétude est liée aux problèmes de gestion de l’eau dans notre pays.

L’assiette des nouvelles redevances acquittées par les usagers domestiques est liée dorénavant à la consommation. Celle-ci diminuant chaque année de 1 % à 1, 5 %, les recettes des agences, mais aussi celles des distributeurs, baissent. Les agences sont donc conduites à augmenter les redevances afin de compenser les pertes. Ce système un peu pervers a ses limites. N’oublions pas que des investissements très importants restent à réaliser en matière d’eau potable et de traitement des eaux usées.

Par ailleurs, la presse nationale s’est fait l’écho des problèmes de fuites dans les réseaux d’eau potable. Certes, la situation est sérieuse, mais on a un peu mélangé les problèmes et donné des chiffres caricaturaux. On a ainsi comptabilisé comme des fuites l’eau utilisée par les sapeurs-pompiers pour lutter contre les incendies, sous prétexte que cette eau est gratuite.

Reste que des efforts d’investissement très lourds doivent être poursuivis pour renouveler nos réseaux et pour créer ou rénover des stations d’épuration. Il y a une urgence écologique forte pour arrêter, par exemple, l’eutrophisation de nombreux plans d’eau et de rivières.

Il est également urgent de mettre en place une protection efficace des fameux 500 captages les plus menacés avec une délimitation précise des zones de protection de l’aire d’alimentation, des études et diagnostics territoriaux des pressions agricoles, la définition et la mise en œuvre des programmes d’action – je pense aux MAET ou à l’agriculture biologique. Dans ce domaine aussi des efforts très importants restent à faire.

Par ailleurs, la lutte contre les pollutions diffuses d’origine agricole est en panne. Le programme de développement rural hexagonal et le plan végétal pour l’environnement sont en effet difficiles à mettre en œuvre. Je souhaiterais que le ministère de l’écologie en ait conscience afin que les MAET, par exemple, dont le nombre est jusqu’à présent très limité, puissent être engagées de manière nettement plus positive qu’aujourd’hui.

Je vous sais très attachée, madame la secrétaire d’État, à la protection des zones humides – à leur acquisition, leur restauration, à leur entretien –, mais l’action est longue et difficile. Les résistances sont rudes. Pourtant, il nous faut impérativement défendre ces zones, qui conditionnent le ravitaillement en eau potable de nombreuses régions dans notre pays.

Beaucoup d’élus souhaiteraient que l’on aille plus vite en matière d’assainissement non collectif. En tout cas, félicitons-nous de la publication d’un certain nombre de décrets en septembre 2009 : c’est un enjeu majeur, en particulier dans les zones d’habitat dispersé.

L’enjeu écologique est devenu primordial pour notre économie et notre société. Des avancées législatives, réglementaires et financières sont en cours, mais pour porter une économie réellement soutenable, il faut aussi une société plus juste, plus égalitaire afin d’obtenir le consensus nécessaire et de faire changer les comportements individuels. J’ai quand même la conviction que les mesures fiscales qui ont été prises depuis deux ans ne vont pas dans ce sens.

Il nous faut faire accepter à nos concitoyens une gestion plus économe de nos ressources. Pour cela, il faut avoir le courage politique de bousculer des situations acquises.

Nous avons encore beaucoup à faire pour définir les mécanismes de contrôle et de sanction, sinon nous risquons d’être dans le domaine de l’incantation. Au-delà des objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre, que tout le monde souhaite, c’est bien une question majeure qui se posera au sommet de Copenhague.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, il subsiste beaucoup d’interrogations par rapport à ce projet de budget. Si notre regard est positif, il est également critique tant les incertitudes sur les résultats de la nouvelle politique environnementale sont grandes.

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