Je voudrais exposer la position de la commission de la culture sur ce sujet particulièrement sensible, en insistant sur le fait que nous l’avons abordé sans a priori, en organisant de nombreuses auditions et en partageant nos expériences personnelles.
Oui, madame la ministre, nous sommes pour une archéologie préventive de qualité, mais nous refusons l’opposition archaïque entre des acteurs publics qui seraient dotés de toutes les vertus et des acteurs privés qui agiraient au mépris de la qualité des opérations de fouilles.
Oui, nous défendons l’ouverture à la concurrence du secteur de l’archéologie préventive opérée par la loi de 2003. Ceux qui regretteraient le temps béni où l’INRAP se trouvait en situation de monopole n’ont sans doute jamais eu à faire faire des travaux de fouilles à cette époque !
Oui, l’État dispose déjà de moyens suffisants pour s’assurer de la qualité des opérateurs et des opérations de fouilles.
Les opérateurs autres que l’INRAP sont soumis à un agrément qui doit être renouvelé tous les cinq ans et qui peut être retiré à tout moment. Croyez-vous sincèrement qu’ils ont intérêt à faire du mauvais travail ?
Quant à l’aménageur, s’il choisit un projet qui ne respecte pas les prescriptions posées par l’État, il n’obtiendra pas d’autorisation de fouilles, ce qui est très bien. Enfin, les services régionaux d’archéologie ont un pouvoir de contrôle sur place, qui peut aboutir au retrait de l’autorisation.
Pourquoi l’Assemblée nationale a-t-elle donc complètement modifié la rédaction initiale du projet de loi, qui nous satisfaisait globalement, au point de remettre en cause l’équilibre de la loi de 2003 ? Est-ce à dire que, compte tenu des déboires financiers de l’INRAP, la priorité a changé ? Il faut sauver le soldat INRAP, comme l’indiquait, en langage certes plus administratif, la lettre de mission adressée à la députée Martine Faure, même s’il faut pour cela permettre à l’État d’assurer – je cite Mme Faure – « une véritable mission de régulation économique du secteur ».
Or, je le dis sans aucun esprit polémique, nous ne pouvons accepter une telle situation.
Tout d’abord, le problème me semble être pris à l’envers. Entre 2004 et 2014, le budget de l’INRAP a crû de 66 %, ses effectifs ont augmenté de 16, 5 %, et même de 33 % si l’on ne prend en compte que les contrats à durée indéterminée, alors que, parallèlement, le nombre des diagnostics et des fouilles effectués par l’INRAP diminuait respectivement de 41 % et de 52 %. Dans le même temps, les subventions exceptionnelles du ministère de la culture, accordées au-delà du budget initial, se sont élevées à 168, 3 millions d’euros ! Le mauvais rendement de la redevance d’archéologie préventive a certes sa part de responsabilité dans la situation, mais, comme le rappelle la Cour des comptes, ce sont également les lourds problèmes en matière de gestion des ressources humaines et de gouvernance qui sont à l’origine de celle-ci.
Or, plutôt que de s’attaquer à une réforme structurelle de l’INRAP, le Gouvernement préfère s’en prendre aux services archéologiques des collectivités territoriales et aux opérateurs agréés, en réduisant le champ de leur activité, en multipliant les tracasseries administratives, voire en essayant d’orienter le choix des aménageurs, à qui on dénie toute capacité d’analyse et tout sens des responsabilités. Le plus grave, c’est que, à vouloir défendre l’INRAP à tout prix, l’État court le risque de voir son impartialité mise en doute dans le cadre de l’exercice ses missions régaliennes.