Nous sommes au cœur du débat sur l’archéologie préventive. Mes chers collègues, je vous demande donc par avance de m’excuser si je suis un peu longue, mais je pense que ces explications seront de nature à balayer nos dernières interrogations.
Les amendements n° 141 rectifié et 270 tendent à rétablir la disposition votée par l’Assemblée nationale, qui oblige les aménageurs à soumettre l’ensemble des offres au contrôle des services régionaux de l’archéologie, qui devront, en outre, noter le volet scientifique. Nous nous y opposons pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous estimons que la notation du volet scientifique des offres outrepasse le rôle de l’État. L’aménageur est le seul maître d’ouvrage et il est de sa responsabilité et de sa compétence de choisir l’offre qui lui convient le mieux, l’État étant bien entendu chargé de vérifier que le projet scientifique d’intervention respecte le cahier des charges qu’il a établi. En réalité, la disposition proposée par les auteurs de ces deux amendements crée une suspicion généralisée d’incompétence à l’encontre des opérateurs et des aménageurs.
Ensuite, cette mesure risque soit d’être inopérante, car les services régionaux de l’archéologie seront incapables de faire face à cette surcharge de travail, soit d’accentuer les risques de favoritisme, puisque le Gouvernement prévoit de renforcer les effectifs de ses services régionaux avec du personnel de l’INRAP : ce dernier se retrouvera donc juge et partie !
Que veut-on atteindre par cette mesure ? La fin de la guerre des prix que se livrent l’INRAP, les services archéologiques des collectivités territoriales et les opérateurs privés ? Ces derniers ont leur part de responsabilité, mais ils ne peuvent pas jouer ce jeu longtemps sans remettre en cause leur viabilité économique. En revanche, lorsque l’INRAP, qui assure 48 % des fouilles, accorde des remises de 35 %, il influence durablement les prix à la baisse, sans pour autant en subir les conséquences financières, puisque son déficit est systématiquement compensé par des subventions d’équilibre exceptionnelles.
J’invite donc les auteurs de ces amendements à s’adresser avec moi à Mme la ministre pour lui demander de rédiger enfin le guide de bonne conduite pour la passation des marchés de fouilles d’archéologie préventive, d’arrêter enfin les normes en matière d’établissement des devis et de renforcer les capacités de contrôle et d’évaluation scientifique des services régionaux de l’archéologie. Si ces demandes obtenaient satisfaction, nous n’aurions plus besoin des mesures contenues dans ces amendements.
Par ailleurs, les auteurs de ces amendements cherchent à améliorer la rédaction des dispositions relatives au responsable scientifique, mais le résultat n’est pas satisfaisant. Ils proposent de préciser – pardonnez ces propos très techniques – que « la fonction de responsable scientifique d’opération, une fois l’arrêté d’autorisation de fouilles délivré, ne peut être déléguée. » En l’occurrence, c’est déjà le cas ! En plus de l’arrêté d’autorisation de fouilles, le préfet signe un arrêté de désignation du responsable scientifique de l’opération de fouilles. De grâce, cessons de polluer la loi !
J’en viens maintenant à la question de la sous-traitance.
Les auteurs de l’amendement n° 141 rectifié proposent d’inscrire dans la loi que « la réalisation de l’opération de fouilles ne peut être sous-traitée ». Cette rédaction est bien meilleure que celle du projet de loi initial. Prenons garde, malgré tout, que l’État ne confonde pas sous-traitance et « co-traitance ». En effet, il arrive régulièrement que deux opérateurs fassent une offre compatible.
En revanche, la disposition selon laquelle l’opération de fouilles « est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur » non seulement porte à confusion, mais est sans intérêt en raison de l’arrêté de désignation dont j’ai parlé précédemment.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 141 rectifié et 270.
En ce qui concerne l’amendement n° 412 rectifié, le dispositif actuel essaie de concilier la sauvegarde du patrimoine archéologique national avec le développement économique. Néanmoins, il est de la responsabilité de l’aménageur de vérifier in fine si le coût des fouilles remet en cause son projet et, le cas échéant, de choisir un autre emplacement. La commission a donc émis un avis défavorable.