Tout était dit dans le titre initial, qui évoquait les droits des individus, d’hommes, de femmes, d’enfants immigrés, et auquel la droite sénatoriale a répondu par « maîtrise de l’immigration ».
Nous avons retrouvé la focalisation sur ce thème tout au long des débats au sein de la Haute Assemblée, qui a fini par adopter nombre de dispositions pour le moins problématiques : limitation de l’octroi du nouveau titre de séjour pluriannuel aux titulaires d’un CDI, aux entrepreneurs, aux personnes exerçant une profession libérale et aux étudiants inscrits en master ; restriction des conditions d’accès à l’aide médicale d’État ; restriction des conditions du regroupement familial ; conditionnement du droit au séjour pour raisons médicales à l’absence totale de traitement dans le pays d’origine.
Même s’il faut bien admettre que le texte adopté par l’Assemblée nationale, comme le projet de loi initial, d’ailleurs, était très loin de satisfaire nos attentes, son vote tel quel sera un moindre mal. Le groupe écologiste avait toutefois des propositions à défendre pour l’améliorer, surtout qu’il comporte encore des dispositions que nous ne pouvons cautionner.
Exemple le plus emblématique : les articles 8 et 25, qui y figurent encore, imposent à une longue liste d’administrations ou d’entreprises publiques et privées de fournir toute information que les agents de la préfecture jugeront utile au contrôle « de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou au contrôle de l’authenticité des pièces » des personnes titulaires d’une carte de séjour, sous peine d’une amende de 7 500 euros.
Ces dispositions ont été dénoncées par nombre de professionnels et d’institutions, notamment la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui relève « une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale garanti à l’article 8 de la CEDH », la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et le Défenseur des droits, pour qui il s’agit de « la disposition la plus contestable du texte ».
Autre exemple d’importance : l’article 19, qui, en encadrant la rétention des mineurs, permet la légalisation de cette pratique indigne de notre pays. Faut-il rappeler, mes chers collègues, que l’enfermement d’enfants en centre de rétention a déjà été plusieurs fois considéré par la Cour européenne des droits de l’homme comme un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH ? En 2014, malgré cela, 5 692 enfants ont été enfermés, dont 110 en métropole et 5 582 à Mayotte.
Cependant, de ces dispositions, pas plus que de celles qui concernent les étrangers malades ou les conjoints de Français, nous n’aurons probablement pas l’occasion de débattre davantage. Je le regrette, car il s’agit de sujets importants, qui méritent un débat démocratique.
J’avoue néanmoins que je suis un peu soulagée de ne pas avoir à revivre les débats auxquels nous avons assisté en première lecture et qui ont été surtout l’occasion de postures parfois relativement violentes.