Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 1er décembre 2009 à 21h45
Loi de finances pour 2010 — Enseignement scolaire

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me réjouis tout d’abord de la présence au banc du Gouvernement des deux ministres en charge de cette mission « Enseignement scolaire », qui concerne, pour l’essentiel, la rue de Grenelle, mais aussi la rue de Varenne, pour rester dans le VIIe arrondissement de Paris.

Mon intervention au nom de la commission des finances sera sobre et s’articulera autour de trois points.

Tout d’abord, cher Luc Chatel, vous avez poursuivi la mise en œuvre d’une politique d’enseignement personnalisée, s’efforçant de mobiliser les moyens de l’éducation nationale vers la réussite individuelle des élèves, dans la ligne du projet de loi que François Fillon avait fait voter en 2005, lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale. J’évoque ces orientations parce qu’elles témoignent de la volonté de votre ministère et des enseignants français de s’intéresser avant tout à ceux dont ils ont la charge.

Ces orientations se sont traduites par la mise en place des programmes personnalisés de réussite éducative, qui couvrent désormais l’enseignement primaire et les collèges. Vous avez conduit cette réforme à moyens constants, ce qui n’est pas une mince performance !

Vous avez mis en place des aides personnalisées en CM1 et en CM2, grâce au redéploiement des heures dégagées par la suppression des classes du samedi matin : ces aides permettent aux élèves en difficulté de surmonter les obstacles qui peuvent freiner durablement leur acquisition du socle de connaissances.

Vous avez également mis en place un accompagnement éducatif pour les élèves de l’éducation prioritaire, dans l’enseignement primaire et au collège. Vous avez réussi cet effort en mobilisant des moyens importants : en 2010, une dotation de près de 280 millions d’euros est prévue au titre de l’accompagnement éducatif, dont 100 millions d’euros pour les heures supplémentaires.

Je voudrais évoquer une quatrième mesure, dont la presse s’est fait largement l’écho, et tant mieux : il s’agit de la réussite des stages de remise à niveau pour les élèves de CM1 et de CM2, financés eux aussi à partir d’heures supplémentaires.

Ces deux dernières mesures reposent sur le volontariat, ce qui représente sinon une limite, du moins un élément qui doit nourrir notre réflexion : comment faire en sorte que ce volontariat puisse être étendu et généralisé, du côté tant des élèves que des enseignants ? Je serais heureux de connaître votre position sur cette orientation, monsieur le ministre.

J’ajoute enfin deux observations importantes.

Tout d’abord, la prise en charge continue des élèves handicapés pèse sur votre budget, monsieur le ministre, à hauteur de 300 millions d’euros. La commission des finances s’interroge chaque année sur la légitimité de cette imputation : cette politique relève-t-elle de la mission « Enseignement scolaire » ou devrait-elle être rattachée, pour partie, à une mission regroupant les crédits liés à la solidarité à l’égard de nos compatriotes handicapés.

Ensuite, vous avez-vous-même annoncé, monsieur le ministre, l’introduction de l’aide personnalisée au lycée, dans le cadre de la réforme générale du lycée. Il s’agit de faire des lycées des établissements vivants, disposant de plus d’autonomie et de responsabilités et, par conséquent, de plus de moyens pour accompagner la réussite des projets pédagogiques développés en leur sein.

Cette personnalisation de l’enseignement se double d’une politique beaucoup plus difficile, qui pèse lourdement, en apparence, sur votre ministère et que vous avez su jusqu’à présent traiter sans compromettre la présence effective des enseignants et des adultes devant les élèves ; je veux parler de la réduction des effectifs selon le principe général du non-remplacement d’un départ en retraite sur deux, auquel votre ministère est astreint comme tous les autres, mais dont l’application est beaucoup plus délicate dans le cas de l’éducation nationale.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils sont spectaculaires. À la rentrée de 2007, 8 512 postes ont été supprimés. La réforme des décharges envisagée par Gilles de Robien a été abandonnée ; vous vous êtes donc intéressé essentiellement à la réduction du nombre d’enseignants surnuméraires et vous avez tiré parti de la baisse démographique des effectifs du deuxième degré.

En 2008, 11 200 postes ont été supprimés. Votre prédécesseur, M. Xavier Darcos, a utilisé le recours plus large aux heures supplémentaires et, là encore, poursuivi la réduction du contingent des enseignants surnuméraires, c’est-à-dire des enseignants qui, hélas ! n’ont pas d’élèves en face d’eux dans leur discipline. Dès lors, il semble naturel de souhaiter en diminuer le nombre.

Par ailleurs, les années 2007 et 2008 ont été marquées par une politique drastique de reprise de détachements ou de mises à disposition.

Monsieur le ministre, votre administration s’est attaquée, en 2008, au problème extraordinairement difficile de la réorganisation du remplacement. Alors que 13 000 emplois ont été supprimés à la rentrée de 2009, cette réorganisation s’est poursuivie en 2009 par l’optimisation des remplacements et une meilleure mobilisation nationale des capacités de remplacement, sans aller jusqu’à la mise en place de l’agence nationale qui avait été évoquée. Mais je suis persuadé que vous aurez à cœur, dans votre réponse, de nous préciser les raisons de cette décision.

En revanche, nous constatons, en 2009, une diminution des effectifs affectés aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, c’est-à-dire à ce soutien nomade apporté à certains élèves. Vous avez, en cours d’année, décidé d’en limiter l’impact, sans doute à raison, car les RASED accompagnent, d’une certaine façon, la politique d’enseignement personnalisé que j’évoquais tout à l’heure et qui constitue assurément une orientation positive.

En 2010, 16 000 suppressions d’emploi sont annoncées. En réalité, la quasi-totalité d’entre elles sont liées à la réforme du recrutement des enseignants. Je ne parlerai pas d’une sorte de jeu comptable… Néanmoins, ce sont les conséquences administratives d’une modification de statut qui vous permettent de réduire les effectifs, sans pour autant diminuer le nombre d’adultes présents face aux élèves.

Comment avez-vous justement réussi – vous-même, monsieur le ministre, et vos prédécesseurs – à poursuivre une politique de réduction des effectifs sans restreindre cette présence des enseignants ? Par le recours aux heures supplémentaires et par la diminution du nombre des enseignants surnuméraires, dont il faut d’ailleurs cesser de faire un mythe ! C’est une réalité, une friction inévitable sur un effectif de plus de 900 000 enseignants. On ne peut que vous savoir gré de cette réduction d’année en année.

En revanche, vous avez développé des formes de présence qui n’apparaissent pas dans les effectifs budgétaires de votre administration. Les personnels d’assistance éducative sont rémunérés sur des crédits de fonctionnement et, heureusement, la diminution du plafond des effectifs de votre administration ne se répercute pas sur ces personnels. Nous comptabilisons ainsi 53 000 assistants d’éducation, 43 500 agents en contrats aidés, plus de 2 100 auxiliaires de vie scolaire qui n’apparaissent pas dans les effectifs ; il faut simplement savoir qu’ils existent !

Le sentiment de la commission des finances – ce sera le troisième point de mon intervention – est que nous arrivons au bout d’un exercice qui a permis au Gouvernement de faire face aux obligations qu’il s’était assignées, avec le soutien du Parlement, en matière d’effectifs de la fonction publique. Toutefois, pour les années 2011 et 2012, il devra vraisemblablement s’attaquer à la réorganisation de l’offre éducative.

Nous connaissons les chiffres des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et nous savons qu’en matière d’enseignement secondaire la France se caractérise par l’année la plus longue en heures de cours et la plus courte en journées de cours. C’est la meilleure façon de mal utiliser les effectifs : ceux-ci sont trop importants pour des années trop lourdes !

Plus de 30 000 départs à la retraite sont annoncés en 2011 et un peu moins de 30 000 en 2012, puisque la pyramide des âges se modifie légèrement. Compte tenu de l’importance de ces chiffres, il est évident, monsieur le ministre, que vous ne pourrez faire face à cette obligation que dans le cadre d’une réflexion sur l’offre éducative et d’une réorganisation de cette offre.

La commission des finances vous propose quelques pistes de réflexion.

Elle vous suggère, par exemple, d’utiliser le Centre national d’enseignement à distance pour répondre à des besoins d’enseignement diversifiés dont les effectifs sont trop dispersés sur le territoire national et, ainsi, d’optimiser les moyens humains dont vous disposez.

Nous pourrions également imaginer des regroupements de filières, en particulier dans les disciplines technologiques et professionnelles, en acceptant le recours à l’internat qui est, en soi, une bonne solution pour toute une série de jeunes s’orientant vers des formations professionnelles extrêmement spécialisées.

Enfin, il serait souhaitable de relancer la bivalence des enseignants pour mieux optimiser, notamment en matière de remplacement, les moyens disponibles.

En conclusion, ayant la responsabilité de ce rapport, au nom de la commission des finances, depuis maintenant quatre ans, je me permets de relancer trois sujets récurrents qui, d’année en année, progressent peu.

Le premier concerne la mise en place des établissements publics d’enseignement primaire, dont le principe avait été retenu dans le cadre de la décentralisation et, précisément, de la loi de 2004 Or nous sommes en 2009 !

Le deuxième sujet est le principe de l’expérimentation en matière d’organisation et de direction des lycées, qui avait également été acté en 2004 et qui n’est toujours pas appliqué.

S’agissant enfin du troisième sujet, la présence des deux ministres – M. Luc Chatel et M. Bruno Le Maire – me réjouit et me rassure. Il s’agit d’assurer une bonne coopération en matière de soutien à l’enseignement technique agricole, pour lequel un certain nombre de promesses ont été tenues lentement, tardivement et incomplètement. Sur ce sujet, messieurs les ministres, j’aurai l’occasion de présenter des amendements ayant pour objet de vous réconcilier, ce qui est naturellement le souhait de votre majorité.

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