« Un plan d’urgence pour les langues » : c’est ainsi que le Président de la République a qualifié, le 13 octobre dernier, la nouvelle politique qu’il entend promouvoir en matière d’enseignement des langues étrangères, en affichant l’ambition de former des bacheliers bilingues, voire trilingues.
Bilinguisme, trilinguisme : ce sont bien les termes employés par M. Sarkozy. Cette ambition est remarquable !
Sénatrice des Français de l’étranger et observatrice particulièrement attentive de l’incroyable enrichissement que représentent non seulement la maîtrise d’une autre langue, mais aussi la connaissance inhérente d’une autre culture, d’un autre mode de pensée, je souscris totalement à cet ambitieux projet ; j’attendais donc des idées neuves de la réforme du lycée.
Mais dans les faits, monsieur le ministre, à quoi correspond ce « plan d’urgence » ?
Est annoncée, d’abord, la répartition des élèves par groupes de compétence. Mais les groupes de niveau ne sont-ils pas déjà prévus par les textes ? Leur mise en place effective n’est empêchée, bien souvent, que par le manque de moyens…
Est prévu, ensuite, le recours à des locuteurs natifs. Mais que sont les assistants, présents dans nombre d’établissements, sinon des locuteurs natifs ? Et ce n’est pas une nouveauté, puisqu’ils existaient déjà à l’époque lointaine où je fréquentais le lycée !
Est proposé, enfin, l’enseignement de matières non linguistiques en langues étrangères. C’est un excellent moyen, en effet, de témoigner que la langue étrangère, plus qu’une simple discipline, est avant tout un outil de communication permettant, en l’occurrence, d’acquérir des connaissances.
N’est-ce pas le rôle des sections européennes, telles que nous les connaissons depuis bientôt vingt ans ?
Monsieur le ministre, le bilinguisme que vous appelez de vos vœux, c’est bien autre chose, et cela nécessite bien d’autres moyens. Cet objectif peut être approché grâce, d’abord, à l’enseignement précoce, c’est-à-dire dès la maternelle, les professeurs des écoles ne devant cependant pas se limiter à l’apprentissage de comptines, et grâce, ensuite, à la généralisation de l’enseignement de disciplines fondamentales non linguistiques par des locuteurs natifs.
Mais l’éducation nationale dispose-t-elle des ressources humaines adéquates ? J’en doute. Pour parvenir à cette fin, une vision au minimum européenne est nécessaire, accompagnée d’échanges d’enseignants. Dans ce cadre, le récent programme Jules Verne, sorte de programme Erasmus des professeurs, est prometteur, c’est vrai, mais à la condition qu’il soit davantage développé.
Bien entendu, il n’est pas question de mettre en concurrence les professeurs de l’éducation nationale et les enseignants locuteurs natifs. L’expérience des écoles françaises à l’étranger – je les connais bien – témoigne de la parfaite complémentarité de leur travail pour le bienfait de tous. Qui mieux qu’un natif peut enseigner non seulement la langue, mais aussi les codes interculturels et la communication non verbale ?
Je vous poserai une seule question, monsieur le ministre : au-delà des mots, l’éducation nationale se donnera-t-elle les réels moyens de faire en sorte que chaque lycéen approche au moins le bilinguisme à sa sortie du lycée ?