Intervention de Michel Pinault

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 février 2016 à 10h05
Article 13 de la constitution — Audition de M. Michel Pinault candidat proposé par le président du sénat pour siéger au conseil constitutionnel

Michel Pinault, candidat proposé par le Président du Sénat pour siéger au Conseil constitutionnel :

Merci. Même si je suis inconnu des médias ou du grand public, c'est tout de même en son nom que vous m'entendez : cette séance est publique, captée en vidéo ; c'est aussi au grand public que je m'adresse à travers vous. J'espère que cette audition vous aidera à mieux me connaître avant de décider si vous me jugez digne de cette fonction.

Premier temps de ma carrière, celui du Conseil d'État et du service public : je suis entré comme auditeur à la troisième sous-section, avant d'être rapporteur, commissaire du gouvernement - je préfère moi aussi le nouveau nom : « rapporteur public » -, titulaire du centre de documentation - une étape importante au Conseil -, secrétaire général du Conseil au service du président Marceau Long, en pleine réforme de la juridiction administrative, président de la neuvième sous-section, immergé dans le droit fiscal, puis président de section ; j'ai ouvert la section de l'administration, nouvellement créée pour tenir compte de la modernisation de nos structures internes. Au Conseil d'État, on fait du droit. J'en ai fait beaucoup, et dans tous les secteurs de cette vaste discipline : droit public, droit social fortement mâtiné de droit public ou privé, droit fiscal, droit budgétaire et financier, beaucoup de droit international, et évidemment du droit constitutionnel, lequel surplombe tous nos délibérés et débats. J'ai d'abord été juge à la section du contentieux puis conseil du gouvernement - ce que je continue de faire lorsque le Conseil d'État est saisi d'une proposition de loi.

J'ai été constamment et étroitement associé au travail de modernisation du Conseil et de réforme interne depuis Marceau Long, Renaud Denoix de Saint Marc et désormais Jean-Marc Sauvé. J'ai participé à la grande réforme qu'a été la création des cours administratives d'appel, et ai été le premier secrétaire général du Conseil à me voir confier la gestion matérielle des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, succédant au ministère de l'Intérieur. J'ai vu cette maison se transformer, et ai constaté qu'elle était capable de se regarder pour proposer au gouvernement les réformes nécessaires pour la moderniser.

J'ai assuré des missions externes au Conseil d'État. Je me bornerai à en signaler deux. En 1983, j'ai ouvert le poste de conseiller juridique de la représentation permanente auprès des communautés européennes à Bruxelles - alors que les délégations voisines comptaient déjà de nombreux spécialistes. J'ai eu l'honneur de faire partie de l'équipe de négociation française de l'Acte unique européen voulu par le président Delors, et ai gardé une assez bonne connaissance du droit de l'Union européenne que j'ai essayé d'entretenir.

J'ai été membre puis président du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire, une fonction entièrement bénévole mais importante, un véritable devoir. Nous avons fait oeuvre utile pour vérifier que nos militaires soient aussi bien traités que les agents publics - ou que la société civile. J'ai rencontré de très nombreux militaires, en l'absence de leur hiérarchie, y compris sur différents théâtres d'opération : le Liban avec la force des Nations-unies, en Guyane, où les conflits avec les orpailleurs sont parfois violents.

Dans ce cadre, j'ai eu des échanges approfondis et importants avec les trois derniers présidents de la République, MM. Chirac, Sarkozy et Hollande. J'ai tenu à ce que les Assemblées soient régulièrement informées de nos travaux via les commissions compétentes auxquelles je présentais le rapport annuel et par des contacts périodiques avec les présidents des deux commissions concernées. Ce temps a été le socle sur lequel tout ce que je suis s'est bâti, dans l'indépendance et au service de notre état de droit.

Le temps de l'entreprise a commencé en 1991, lorsque Jean Peyrelevade, président de l'Union des assurances de Paris (UAP), m'a recruté comme directeur juridique. Son successeur, Jacques Friedmann, m'a gardé sa confiance. J'ai participé à la privatisation de l'UAP puis à sa fusion avec Axa. J'ai négocié lors du long week-end du 11 novembre 1996 qui a vu naître, le mardi à 3 heures du matin, le premier groupe mondial d'assurances en termes d'actifs gérés. Peut-être suis-je resté chez Axa parce que Claude Bébéar m'avait trouvé particulièrement efficace de l'autre côté de la table ? J'ai été membre du comité exécutif d'Axa ; on m'a confié des missions opérationnelles, comme directeur général de la zone Asie-Pacifique : j'ai contribué au développement d'Axa, notamment en Chine et au Japon. J'ai négocié avec succès l'acquisition de la Nippon Dantai, grande compagnie d'assurance-vie, une des principales composantes d'Axa désormais. Claude Bébéar y tenait beaucoup.

Ce fut une période passionnante, chargée d'adrénaline et de voyages : j'ai parcouru 500 000 kilomètres par an, pour aller en Australie, en Chine, au Japon ou en Inde ; De cette période, je retiens que les opportunités sont là, à notre portée, pour notre pays et ses entreprises ; il nous appartient de les saisir. Nous en avons parfaitement les moyens. J'avais derrière moi les très puissantes équipes centrales d'Axa, mais mes interlocuteurs étaient très sensibles au fait que cette entreprise est française, et cela m'a aidé à maintes reprises, notamment au Japon.

Résultante de tout cela, j'ai acquis de l'expérience. Je suis un indéfectible juriste, et c'est en tant que tel que je considère que le Conseil constitutionnel, en particulier depuis la réforme de 2008 et la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), boucle la boucle de l'État de droit. Je suis aussi un praticien du droit. J'ai aimé la puissance fascinante du syllogisme juridique, poussé jusqu'au bout d'une main ferme. J'en connais aussi les risques et les mirages lorsqu'il outrepasse ses forces et dépasse ses limites.

Mon expérience m'a appris le respect de l'autre et de ses convictions, et l'énorme apport de la diversité des approches et des cultures pour la résolution de problèmes complexes. Tout le monde ne fonctionne pas de la même façon, en Chine, au Japon ou en Inde. Au-delà des difficultés de compréhension réciproque, des solutions apparaissaient que des esprits cartésiens comme les nôtres n'auraient pas immédiatement trouvées. J'éprouve un très grand plaisir à discuter collégialement, à partir d'un dossier solidement argumenté : on doit tenir ses positions personnelles mais aussi se laisser convaincre. Vous connaissez cela. À la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF), mon travail actuel, chacun apporte son approche et son expertise pour trouver une solution juste dans une matière très technique. C'est avec ce bagage que j'espère, avec votre soutien, pouvoir participer à cette noble tâche que le président Larcher me propose de remplir.

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