Il est assez délicat pour moi d'évoquer une idée mise sur la table par l'actuel et encore président du Conseil constitutionnel. Certains veulent recentrer le contrôle de conventionalité exercé par la Cour de Cassation et le Conseil d'État en dernier ressort au sein du Conseil constitutionnel, à l'instar de son contrôle de type questions prioritaires de constitutionnalité, contrôle purement constitutionnel et interne. Dès le départ, le Conseil constitutionnel a défini sa jurisprudence de contrôle des lois votées par le Parlement au regard de la Constitution et non au regard des conventions internationales. Cette séparation des rôles, ancienne, repose sur les compétences du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Le contrôle de constitutionnalité a été conforté par la QPC, dont le caractère prioritaire avant un éventuel contrôle de conventionalité a été réaffirmé par l'arrêt Melki. Faut-il changer cela, qui fonctionne assez efficacement ? Les contrôles de conventionalité de la Cour de cassation et du Conseil d'État sont très serrés, après une étude approfondie du dossier. En tant que pouvoir constituant, la décision vous appartient.
D'aucuns ont proposé un élargissement de la saisine des QPC par des autorités administratives indépendantes (AAI). C'est assez audacieux : actuellement les QPC sont entre les mains des tribunaux - administratifs ou judiciaires - et non entre celles des AAI. Si cette réforme est adoptée, il sera délicat de choisir... À la commission des sanctions de l'AMF, il nous arrive de tester la constitutionnalité de telle disposition du code monétaire et financier. Jusqu'à présent, ce n'était pas en notre pouvoir de pouvoir poser directement une QPC.
J'ai des contacts permanents, ouverts, d'amitié, avec de nombreuses personnes d'origine, de culture, de niveau différents, et pas seulement de Paris ou de sa proche banlieue - je réside dans le département du président Favier. J'ai une maison de campagne dans le Beaujolais, avec des voisins dont certains sont modestes, et que j'aime beaucoup. Et je les écoute, parfois autour d'un verre de morgon.
Depuis mon service militaire, je suis officier de réserve dans la marine. J'ai bien connu les personnes travaillant avec moi ou sous mes ordres. Au Haut Comité d'évaluation de la condition militaire, j'ai échangé directement et franchement avec tout le monde, y compris des hommes du rang rencontrés en tête-à-tête ou en groupe. Je considère que j'ai des racines profondes avec les gens de notre pays et je les écoute. Je pourrais vous dire en privé ce que j'ai pu faire pour eux.
Vous avez devant vous un fervent partisan du bicamérisme, c'est aussi simple que cela ! C'est un bon système, et aussi une façon d'avoir de bonnes lois conformes à la Constitution ; avec différents angles d'attaque, les choses se décantent. Toutes les démocraties avancées qui nous entourent ont deux chambres : même en Grande-Bretagne où la Chambre des Lords n'a pas un rôle négligeable. Idem en Italie, même si les choses évoluent. J'ai regardé la jurisprudence du Conseil constitutionnel avant de venir. L'année dernière, il a pris une série de décisions protégeant le Sénat, notamment pour les amendements que l'Assemblée nationale peut retenir lors de sa lecture définitive après une CMP.
La réforme de 2008 a rééquilibré les relations entre l'exécutif et le législatif. On ne délibère plus en formation plénière sur le texte du Gouvernement, mais sur celui de la commission. Ce déplacement de curseur a un effet assez considérable. Faut-il aller plus loin ? À mon avis, la réforme de 2008 est encore trop récente. Avant d'aller plus loin, voyons comment cet équilibre continue à se mettre en place, comment le flux législatif se déploie, comment la qualité du droit s'améliore.
Peut-on parler d'un certain opportunisme du Conseil constitutionnel ? Au Conseil d'État, nous conseillons le Gouvernement et le Parlement, et nous nous interrogeons sur des éventuels risques d'inconstitutionnalité. Cette question surplombe tous les débats, en particulier en assemblée générale sur une proposition ou un projet de loi. Nous faisons de notre mieux pour éviter l'insertion de dispositions risquées, mais ne donnons qu'un avis. C'est le Conseil constitutionnel qui décide collégialement, in concreto, saisi par les députés, les sénateurs ou par une QPC.
Des relations sont déjà nouées avec d'autres instances constitutionnelles, comme il en existe entre les juridictions administratives européennes ; il est très important de les développer. Certaines cours constitutionnelles sont plus anciennes, comme la Cour italienne et l'allemande.
Les droits et libertés inscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et ceux gravés dans notre Constitution sont extrêmement proches. Il n'y a aucune raison pour que des divergences se créent. En contrôlant la constitutionnalité de nos lois, nous devons envisager les positions de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne. Pour la première fois, en 2013, le Conseil constitutionnel n'a pas hésité à poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg sur le mandat européen. Selon celle-ci, les autorités nationales étaient libres sur ce point ; le Conseil a donc récupéré son entier contrôle constitutionnel sur la norme votée par le Parlement. Les échanges sont donc importants.
L'article 2 de la réforme constitutionnelle actuellement en débat modifiant l'article 34 de la Constitution change-t-il les autres garanties constitutionnelles ? Si je suis membre du Conseil constitutionnel, j'aurai à connaître de la loi, déjà connue, qui sera déposée après la modification constitutionnelle. Je préfère ne pas annoncer par avance ma position.
La simplification et le pouvoir d'adaptation des collectivités locales sont un sujet extrêmement important. Il y a quinze jours, je me suis rendu à Rome. Les Italiens avancent très vite, avec des méthodes parfois brutales provoquant quelques dégâts comme le dispositif Taglia legge qui abroge les dispositions antérieures à 1970 n'étant pas considérées comme indispensables.
Il y a quelques années, le Conseil d'État a indiqué que le pouvoir d'adaptation par les collectivités existe déjà dans les interstices de la loi et des décrets, même s'il est extrêmement contraint et limité. Faut-il l'élargir ? Il faudrait que ce soit une simplification et non une complexité supplémentaire. Voilà le grand sujet.