Intervention de Laurent Fabius

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 février 2016 à 10h05
Article 13 de la constitution — Audition de M. Laurent Fabius candidat proposé par le président de la république pour siéger au conseil constitutionnel

Laurent Fabius, candidat proposé par le Président de la République pour siéger au Conseil constitutionnel :

En toute rigueur, je devrais commencer chacune de mes phrases par la conditionnelle : « Si les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat valident ma nomination... ». Je ne le ferai pas, non par présomption mais pour épargner votre temps, et je ne prendrai pas de positions tranchées sur des questions dont j'aurais à connaître dans mes futures - et éventuelles - fonctions.

De formation littéraire, économique et juridique, j'ai commencé mon parcours à la section du contentieux du Conseil d'État, dans la sous-section présidée par Bernard Tricot, sous l'autorité de qui j'ai appris le droit, la rigueur et l'indépendance. Le juge du contentieux doit déployer un raisonnement du point A au point Z en examinant, à chaque étape, les bifurcations possibles. Cette formation, qui apprend à anticiper les conséquences des décisions prises, m'accompagnera toute ma vie. Par la suite, j'ai certes pratiqué le droit comme ministre, parlementaire, président de l'Assemblée nationale, mais d'une façon toute différente.

Le national tendant à étouffer le local, cette dimension-ci de mon parcours est peu connue du grand public. J'ai été élu député en 1978 et les électeurs ont commis l'imprudence de me réélire depuis lors. J'ai été conseiller municipal, adjoint, maire - une expérience extraordinaire - conseiller général, président de région, président de l'agglomération de Rouen. Le mandat local est vraiment le plus beau : on voit immédiatement les conséquences de ses décisions, alors que dans les grandes fonctions nationales et internationales, ces conséquences sont souvent diffuses et la sanction électorale différée. Un élu local n'est pas reconduit par hasard.

Désigné au Conseil constitutionnel, j'examinerais les décisions à la lumière de ma formation juridique, certes, mais aussi de cette expérience locale. Député, j'ai constaté que mes collègues se divisaient en deux catégories : ceux qui sont opposés au bicamérisme, et ceux qui ambitionnent de devenir sénateurs... Quant à moi, à qui vous pardonnerez de n'avoir pas été sénateur, je suis un partisan résolu du bicamérisme, facteur d'équilibre dans notre démocratie. Le Sénat attache une importance particulière aux libertés, au droit, sans parler des questions qui concernent les collectivités territoriales.

En tant que président de l'Assemblée nationale, j'ai proposé deux personnalités à la nomination au Conseil constitutionnel : le professeur Jacques Robert et le professeur Jean-Claude Colliard. Je ne puis prétendre connaître de l'intérieur cette institution, avec laquelle j'ai néanmoins eu de nombreux contacts.

Disons les choses : le Conseil constitutionnel a été créé pour empêcher le Parlement d'empiéter sur l'exécutif. Puis, en juillet 1971, par sa décision sur la liberté d'association, il s'est posé en gardien non plus seulement de la Constitution, mais du préambule de 1946 et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Incontestablement, le Conseil est un juge. En 1974, le droit de saisine a été élargi à soixante députés ou soixante sénateurs. Troisième évolution d'importance, la QPC, introduite en 2008 et mise en application en 2010.

Au regard de ces deux éléments - mon parcours personnel et l'histoire du Conseil constitutionnel - je crois pouvoir m'y rendre utile, au service, là comme dans mes fonctions précédentes, de la République et des citoyens. Le Président m'a fait le grand honneur de me proposer à cette nomination qui répond à mon souhait. Elle dépend maintenant de vous.

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