, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je reprendrai en ouverture une phrase de M. le secrétaire d’État : ces conventions sont un élément constitutif majeur de notre fiscalité. Effectivement, les deux conventions que je vais vous présenter ce matin, à commencer par celle qui concerne Singapour, sont importantes. Je reprendrai, monsieur le secrétaire d’État, la plupart des éléments que vous avez détaillés. En effet, nous bénéficions bien évidemment des mêmes sources et des mêmes analyses sur cette convention.
Alors que l’accord avec la Suisse vise à répondre à un problème ponctuel et précis, comme nous le verrons tout à l’heure, le présent accord avec Singapour s’inscrit dans le mouvement continu de renégociation de nos conventions fiscales engagé depuis déjà plusieurs années.
Néanmoins, le moment choisi n’est pas neutre. Cette convention a été négociée dans le contexte agité des débats sur le projet Base Erosion and Profit Shifting, ou BEPS, de l’OCDE, qui vise à lutter contre la délocalisation abusive des bénéfices. À la fin de janvier, le commissaire européen chargé de la fiscalité, Pierre Moscovici, a d’ailleurs présenté un paquet de directives reprenant certaines mesures du BEPS, qui suscite de vigoureuses discussions à Bruxelles.
Ces débats nous rappellent qu’une convention fiscale est non seulement un objet technique, mais surtout un acte politique. Ce n’est pas sans raison que la commission des finances a organisé, le 1er juillet 2015, une audition conjointe sur le thème de la diplomatie fiscale. De fait, c’est dans ces conventions fiscales que se joue la répartition entre les États du droit d’imposer les bases fiscales et, par conséquent, le partage des fruits de la croissance mondiale. C’est aussi dans ces conventions que les entreprises et les particuliers peuvent trouver, ou non, une incitation à aller investir et s’installer dans un autre pays.
En l’espèce, cette convention fiscale viendra se substituer au texte actuel, qui date du 9 septembre 1974 et ne correspond plus à la réalité des échanges économiques entre nos deux pays.
Si Singapour est toujours la plaque tournante des échanges en Asie du Sud-Est, l’île a en effet progressivement délaissé les activités manufacturières au profit d’une spécialisation dans la finance et dans les activités à haute valeur ajoutée telles que la chimie, la pharmacie ou encore les biotechnologies. Elle cherche aujourd’hui à attirer de nouveaux investissements dans ces secteurs de pointe. Cela tombe bien : la France y excelle. Nos champions industriels et nos ingénieurs bien formés ne pourront que tirer parti de cette nouvelle convention fiscale.
En pratique, le texte de l’accord est très proche du modèle de l’OCDE. Il présente toutefois quelques spécificités, qui résultent des compromis négociés entre les deux pays et d’une volonté partagée de conserver ce qui fonctionne dans la convention de 1974.
Par rapport à l’accord actuel, la nouvelle convention offre un cadre plus favorable aux investissements, ce qui se traduit par plusieurs dispositifs.
En premier lieu, on peut noter un abaissement de 10 % à 5 % de la retenue à la source sur les dividendes. Cela permettra aux entreprises françaises détenant des filiales à Singapour de faire remonter plus facilement leurs bénéfices vers la France, et réciproquement.
Deuxièmement, ce texte introduit une exonération de retenue à la source pour les intérêts sur les prêts inter-entreprises, très utilisés par les entreprises françaises.
Enfin, il opère une extension de six à douze mois de la durée minimale pour qu’un chantier soit considéré comme un établissement stable et donc imposable à Singapour.
La présence française à Singapour est également encouragée par le maintien de clauses particulièrement favorables, déjà présentes dans le texte de 1974, pour les étudiants, les stagiaires, les apprentis et les enseignants.
Cet accord veille toutefois à préserver le droit des États à imposer des activités sur leur territoire, notamment grâce au maintien d’une imposition à la source pour les redevances provenant d’activités littéraires et artistiques et à l’introduction de la notion d’établissement stable de services.
Par ailleurs, dans l’intérêt du Trésor public français, le système des crédits d’impôt forfaitaires est supprimé. Ce mécanisme ancien permettait de réduire de 10 % à 15 % l’impôt payé en France, et ce quel que soit le montant réel de l’impôt payé à Singapour. C’était à l’époque une forme de subvention à l’exportation vers les pays en développement, qui paraît aujourd’hui anachronique. Après une période transitoire, les crédits d’impôt forfaitaires seront remplacés par des crédits d’impôt correspondant au montant réellement acquitté à Singapour, conformément au modèle de l’OCDE.
Enfin, cette convention comporte une série d’améliorations visant à prévenir la fraude et l’optimisation fiscales.