Séance en hémicycle du 18 février 2016 à 10h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (projet n° 249, texte de la commission n° 386, rapport n° 385).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, traditionnellement, notre débat fiscal se concentre plutôt sur les textes financiers ; l’approbation des conventions fiscales bilatérales par le Parlement est moins commentée.

Pourtant, ce réseau de conventions est un élément constitutif majeur de notre fiscalité ; son importance est encore plus grande que par le passé dans une économie globalisée, où l’on relève de nombreux flux financiers transfrontaliers et où un nombre croissant de contribuables sont concernés par les frontières fiscales en raison de leur domicile, de leur activité professionnelle ou encore de l’origine de leurs revenus.

Les conventions fiscales visent à assurer à ces contribuables un traitement équitable et sans formalités excessives, sans pour autant sacrifier nos recettes et tout en prêtant la plus grande attention au risque de fraude.

Les deux accords qui vous sont présentés aujourd’hui sont emblématiques de cette démarche.

Le premier texte que je vous présente à cet instant est le projet de loi d’approbation de la nouvelle convention fiscale entre la France et Singapour. Nos deux pays étaient liés par une convention fiscale du 9 septembre 1974. Une modernisation en profondeur est cependant apparue nécessaire pour plusieurs raisons : l’intensité accrue des échanges économiques entre les deux pays, l’existence dans le texte de 1974 de stipulations coûteuses pour le Trésor français et l’absence de dispositif anti-abus.

Les négociations ont conduit au paraphe d’une première version le 20 juin 2011. Les derniers travaux d’actualisation ont été conduits entre les deux parties, aboutissant à un accord sur un texte complet le 8 janvier 2015. Le nouvel accord a été signé par Michel Sapin lors d’un voyage officiel le 15 janvier 2015.

Ce nouveau texte est pleinement conforme aux normes internationales les plus récentes. Il représente par ailleurs un progrès significatif pour les acteurs économiques de divers secteurs opérant entre la France et Singapour. Ce sont les deux points sur lesquels j’aimerais revenir.

Tout d’abord, sur le premier point, celui de la lutte contre l’optimisation, je souhaiterais insister sur les progrès du texte à travers les mécanismes qui permettent d’éviter que les stipulations favorables de la convention ne soient détournées.

Il faut rappeler que ces avancées interviennent dans un contexte où Singapour a fait d’importants progrès dans la coopération fiscale sur demande, ce grâce à l’avenant du 13 novembre 2009, qui a levé le secret bancaire. À titre d’exemple, en 2015, sur 12 demandes de renseignements adressées à Singapour, nous avons obtenu 10 réponses. Les délais de réponse sont passés de trois mois en 2013 et 2014 à 50 jours en 2015. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a d’ailleurs adressé une notation positive à Singapour. Enfin, cet État a pris l’engagement d’appliquer en 2018 l’accord sur l’échange automatique d’informations financières.

Le nouvel accord introduit plusieurs dispositifs anti-abus afin de diminuer les risques de fraude et d’évasion fiscale.

La lutte contre les situations de non-imposition est en premier lieu renforcée par l’introduction, à l’article relatif à la résidence, d’une nouvelle condition d’assujettissement à l’impôt qui conduira à refuser les avantages de la convention aux personnes qui ne seraient pas imposées dans leur État de domiciliation.

Deuxièmement, la convention ne permet l’exonération en France d’un revenu taxable seulement à Singapour que si le bénéficiaire a été effectivement assujetti à l’impôt à Singapour à raison de ce revenu.

Troisièmement, cet accord introduit des dispositifs pour lutter contre les montages dits de treaty shopping, à savoir la structuration d’investissements de manière à bénéficier de tel ou tel traité bilatéral. Ainsi, le bénéfice des taux de retenue à la source réduits prévus par la convention n’est octroyé que si le récipiendaire des revenus en est le bénéficiaire effectif. La même exigence conditionne l’octroi d’un crédit d’impôt par la France à raison des revenus imposés à Singapour.

Quatrièmement, une clause anti-abus générale a été introduite, permettant de refuser le bénéfice de toute réduction ou exonération prévue par la convention lorsque les opérations susceptibles d’en bénéficier ont été conçues dans le but principal – j’insiste sur cet adjectif – d’obtenir ces avantages conventionnels.

Cinquièmement et en dernier lieu, alors que l’ancienne convention prévoyait un mécanisme de crédit d’impôt forfaitaire permettant, dans certains cas, à un contribuable résidant en France d’imputer sur son impôt français un montant plus élevé que la retenue à la source subie à Singapour, ce dispositif coûteux pour nos finances publiques et qui a perdu toute justification économique sera supprimé, certes à l’expiration d’une période transitoire.

Pour en venir au second point de ma présentation, cette convention prévoit des aménagements fiscaux favorables aux opérateurs économiques.

Ainsi, le seuil à partir duquel un chantier de construction ou de montage mis en place par une entreprise d’un État sur le territoire de l’autre peut constituer un établissement stable pour ce dernier a été porté, à la demande de la France, de six mois dans la convention actuelle à douze. Les frottements fiscaux, comme il est d’usage de dire, seront donc limités aux projets particulièrement structurants.

Les intérêts versés par une entreprise seront imposés dans le seul État du bénéficiaire. Concrètement, les institutions prêteuses françaises n’acquitteront pas de retenue à la source pour les intérêts que leur verseront des filiales françaises établies à Singapour. En outre, cela évitera que l’État du prêteur n’ait à accepter l’imputation de crédit d’impôt représentative de cette retenue à la source.

Enfin, de manière plus générale, la rédaction de la nouvelle convention a été rapprochée de celle du modèle de l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, ce qui facilite et sécurise son interprétation par l’ensemble des acteurs.

Ce texte est donc équilibré et cohérent. Il marque un réel progrès dans la lutte contre la fraude. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc, bien entendu, à ratifier cette convention.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je reprendrai en ouverture une phrase de M. le secrétaire d’État : ces conventions sont un élément constitutif majeur de notre fiscalité. Effectivement, les deux conventions que je vais vous présenter ce matin, à commencer par celle qui concerne Singapour, sont importantes. Je reprendrai, monsieur le secrétaire d’État, la plupart des éléments que vous avez détaillés. En effet, nous bénéficions bien évidemment des mêmes sources et des mêmes analyses sur cette convention.

Alors que l’accord avec la Suisse vise à répondre à un problème ponctuel et précis, comme nous le verrons tout à l’heure, le présent accord avec Singapour s’inscrit dans le mouvement continu de renégociation de nos conventions fiscales engagé depuis déjà plusieurs années.

Néanmoins, le moment choisi n’est pas neutre. Cette convention a été négociée dans le contexte agité des débats sur le projet Base Erosion and Profit Shifting, ou BEPS, de l’OCDE, qui vise à lutter contre la délocalisation abusive des bénéfices. À la fin de janvier, le commissaire européen chargé de la fiscalité, Pierre Moscovici, a d’ailleurs présenté un paquet de directives reprenant certaines mesures du BEPS, qui suscite de vigoureuses discussions à Bruxelles.

Ces débats nous rappellent qu’une convention fiscale est non seulement un objet technique, mais surtout un acte politique. Ce n’est pas sans raison que la commission des finances a organisé, le 1er juillet 2015, une audition conjointe sur le thème de la diplomatie fiscale. De fait, c’est dans ces conventions fiscales que se joue la répartition entre les États du droit d’imposer les bases fiscales et, par conséquent, le partage des fruits de la croissance mondiale. C’est aussi dans ces conventions que les entreprises et les particuliers peuvent trouver, ou non, une incitation à aller investir et s’installer dans un autre pays.

En l’espèce, cette convention fiscale viendra se substituer au texte actuel, qui date du 9 septembre 1974 et ne correspond plus à la réalité des échanges économiques entre nos deux pays.

Si Singapour est toujours la plaque tournante des échanges en Asie du Sud-Est, l’île a en effet progressivement délaissé les activités manufacturières au profit d’une spécialisation dans la finance et dans les activités à haute valeur ajoutée telles que la chimie, la pharmacie ou encore les biotechnologies. Elle cherche aujourd’hui à attirer de nouveaux investissements dans ces secteurs de pointe. Cela tombe bien : la France y excelle. Nos champions industriels et nos ingénieurs bien formés ne pourront que tirer parti de cette nouvelle convention fiscale.

En pratique, le texte de l’accord est très proche du modèle de l’OCDE. Il présente toutefois quelques spécificités, qui résultent des compromis négociés entre les deux pays et d’une volonté partagée de conserver ce qui fonctionne dans la convention de 1974.

Par rapport à l’accord actuel, la nouvelle convention offre un cadre plus favorable aux investissements, ce qui se traduit par plusieurs dispositifs.

En premier lieu, on peut noter un abaissement de 10 % à 5 % de la retenue à la source sur les dividendes. Cela permettra aux entreprises françaises détenant des filiales à Singapour de faire remonter plus facilement leurs bénéfices vers la France, et réciproquement.

Deuxièmement, ce texte introduit une exonération de retenue à la source pour les intérêts sur les prêts inter-entreprises, très utilisés par les entreprises françaises.

Enfin, il opère une extension de six à douze mois de la durée minimale pour qu’un chantier soit considéré comme un établissement stable et donc imposable à Singapour.

La présence française à Singapour est également encouragée par le maintien de clauses particulièrement favorables, déjà présentes dans le texte de 1974, pour les étudiants, les stagiaires, les apprentis et les enseignants.

Cet accord veille toutefois à préserver le droit des États à imposer des activités sur leur territoire, notamment grâce au maintien d’une imposition à la source pour les redevances provenant d’activités littéraires et artistiques et à l’introduction de la notion d’établissement stable de services.

Par ailleurs, dans l’intérêt du Trésor public français, le système des crédits d’impôt forfaitaires est supprimé. Ce mécanisme ancien permettait de réduire de 10 % à 15 % l’impôt payé en France, et ce quel que soit le montant réel de l’impôt payé à Singapour. C’était à l’époque une forme de subvention à l’exportation vers les pays en développement, qui paraît aujourd’hui anachronique. Après une période transitoire, les crédits d’impôt forfaitaires seront remplacés par des crédits d’impôt correspondant au montant réellement acquitté à Singapour, conformément au modèle de l’OCDE.

Enfin, cette convention comporte une série d’améliorations visant à prévenir la fraude et l’optimisation fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Premièrement, cet accord introduit une clause anti-abus générale visant à combattre les montages dont le but est principalement d’obtenir un avantage fiscal. Les clauses de ce type, systématiquement introduites par la France dans les nouveaux accords, ont d’ores et déjà permis à la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, d’effectuer des redressements. Par exemple, une société offshore enregistrée à Singapour, mais exerçant son activité réelle en France ne pourra pas bénéficier des avantages de la convention.

Deuxièmement, l’accord contient une série de précisions pour éviter certains montages, notamment une clause particulière qui limite, pour les non-résidents, les avantages du régime français très favorable des sociétés d’investissements immobiliers cotées.

Troisièmement, cet accord renforce le mécanisme d’échanges d’informations à la demande. Celui-ci était déjà conforme au dernier standard de l’OCDE depuis la signature d’un avenant le 13 novembre 2009 ; il est dorénavant précisé que les renseignements obtenus peuvent être utilisés, sous conditions, à d’autres fins que des fins fiscales, comme la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Je précise à cet égard que la coopération fiscale avec Singapour est satisfaisante. D’après les éléments que nous avons tout juste reçus, la France envoie une douzaine de demandes par an – ce que vous venez d’indiquer, monsieur le secrétaire d'État – et reçoit à peu près autant de réponses. Le délai de réponse de Singapour, qui dépassait jusqu’à récemment le standard de trois mois, est descendu pour 2015 à cinquante jours.

La coopération fiscale avec Singapour devrait être encore renforcée par le prochain passage à l’échange automatique, auquel la cité-État s’est engagée à horizon 2018.

Bien sûr, la présente convention fiscale n’est pas exempte de critiques. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’un texte de ce type est toujours le résultat d’un compromis et qu’il est difficile d’obtenir satisfaction sur tous les points.

Le plus regrettable est l’absence de clauses traitant des sociétés de personnes et entités transparentes, qui figurent pourtant dans d’autres conventions récentes. L’interposition de ces entités, notamment en matière immobilière, constitue pourtant un montage courant – et à vrai dire peu subtil – pour échapper à l’impôt. En théorie, l’interprétation actuelle des deux parties permet de régler la plupart des cas. Il n’en demeure pas moins que quelques précautions supplémentaires dans l’accord auraient été les bienvenues.

D’une manière générale, les avantages de cette convention l’emportent très nettement sur ses faiblesses éventuelles. Ce texte, fort attendu par les acteurs économiques, devrait marquer une étape importante du développement des relations économiques entre la France et Singapour, pour le bénéfice mutuel des deux États, de leurs entreprises et de leurs citoyens.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet accord.

Applaudissements sur les tra vées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le Sénat reçoit en ce moment même une délégation parlementaire du Québec, qui vient étudier la façon dont nous traitons l’évasion et la fraude fiscales. Nous passons en quelque sorte de la théorie à la pratique…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Les deux conventions qui sont inscrites à l’ordre du jour de nos travaux ce matin me font penser à la chanson de Barbara : « Et l’on recommence […] Florence et Naples, Naples et Venise ». On recommence ces conventions.

Ce texte est une adaptation de la convention de 1974, laquelle ne répondait plus du tout au flux économique entre la France et Singapour. C’est bien la preuve que, là où il y a une volonté, il y a un chemin et qu’il est possible de faire évoluer les conventions fiscales ; je parle sous le contrôle d’Éric Bocquet. C’est un très bon signe, une très bonne nouvelle même, au regard d’un certain nombre de conventions fiscales conclues notamment avec des pays amis, qui font quelquefois de notre pays un paradis fiscal.

Cette nouvelle donne économique a également conduit à la constitution d’une importante communauté de ressortissants français sur place ; notre collègue Jacky Deromedi connaît ce sujet mieux que personne et nous parlera sans doute des Français installés à Singapour.

Il est difficile en seulement quatre minutes de commenter toutes les clauses de l’accord, mais le rapporteur les a détaillées. Nous pouvons considérer que la baisse de 10 % à 5 % des retenues à la source sur les investissements est un outil favorable pour soutenir nos entreprises sur place et pour faciliter la remontée des bénéfices en France. Dans le même esprit, l’encadrement fiscal des prêts inter-entreprises est un gage de modernité, dont nous avons besoin et que nos entreprises réclament.

Dans le prolongement des travaux des deux commissions d’enquête sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, qui constituent désormais un pilier du travail de cette maison chaque fois que nous parlons de ce sujet, je souligne que cette convention comporte la clause anti-abus confectionnée dès 2010 par l’OCDE. Certaines banques peu scrupuleuses n’hésitent pas à adresser leur clientèle à certaines sociétés-écran, des prête-noms en réalité, installées à Singapour. Ces dispositions permettront peut-être d’y remédier, à tout le moins de sanctionner ces pratiques, si la convention est bien appliquée.

Cette convention montre que la France a beaucoup progressé en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. C’est en tout cas ce qu’a conclu le président de Transparency international : il a relevé les très gros progrès que la France avait réalisés dans ces matières. Ce type de convention amendée constitue un pas important dans l’amélioration des pratiques de la France et des pratiques entre les pays partenaires.

En ma qualité de vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je n’oublie pas la forte relation que la France entretient avec Singapour en matière de défense. Cette convention fiscale n’y est évidemment pas directement liée, sauf pour nos industries de défense, qui constituent tout de même le fleuron de nos exportations et qu’il faut soutenir. Les conventions fiscales servent aussi à cela.

Sécurité pour les échanges entre nos pays, sécurité pour éviter la fraude et l’évasion fiscales, sécurité pour les entreprises installées à Singapour : nous avons tout à fait intérêt à soutenir cette convention, même si elle n’est pas parfaite. Je le répète, le fait de pouvoir faire évoluer les conventions fiscales est une très bonne nouvelle.

Mme Jacky Deromedi applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si le débat fiscal et financier est assez évident dès lors que nous sommes dans un univers familier, c’est-à-dire qu’il est question des pays de l’Union européenne et des pays occidentaux de manière générale – nous le verrons tout à l’heure lors de l’examen de l’accord signé avec la Confédération helvétique –, il l’est moins dès qu’il s’agit de contrées plus lointaines et plus « exotiques ».

C’est d’ailleurs le cas avec la cité-État de Singapour. La moindre consultation d’un site internet spécialisé dans la création de sociétés offshore annonce pour Singapour : 0 % d’impôt, anonymat élevé, pas de capital minimum. Le décor est planté.

Rappelons quelques éléments de la situation de cette entité territoriale, connue pour avoir été conquise par les Japonais dès le début de 1942 lors de la Seconde Guerre mondiale et devenue, voilà un peu plus de cinquante ans, un État indépendant d’un peu plus de 700 kilomètres carrés, avec une population très dense de 5, 5 millions de résidents, la communauté dominante étant constituée par les Chinois.

Détachée de la Fédération de Malaisie, la cité-État dispose d’une économie florissante, avec une production de biens et de services par habitant qui la situe au niveau des États-Unis. La valeur de sa production tutoie celle des États de la Fédération de Malaisie, des Philippines, mais, en équivalent européen, celle d’un pays comme le Danemark.

Malgré sa petite taille, Singapour est une véritable plaque tournante du commerce en Asie. Elle est aussi devenue une place financière déterminante. Elle dispose du second port du monde après Shanghai, d’une main-d’œuvre intérieure qualifiée et d’une certaine activité industrielle, notamment dans le domaine des composants électroniques.

Ajoutez une fiscalité relativement douce pour les entreprises et un taux progressif de l’impôt sur le revenu très attractif pour les très hauts revenus, deux fonds souverains largement dotés et une stabilité politique assurée par une même famille depuis 1959, terminez avec une compagnie aérienne réputée pour la qualité de ses services et des surfaces commerciales importantes installées dans un paysage de gratte-ciel à profusion et vous aurez la recette singapourienne de la prospérité économique.

Singapour est l’un des « Tigres asiatiques », comme la Corée du Sud, Macao ou encore Hong Kong, et la réalité du développement du pays ne le classe plus comme une économie en voie de développement.

Si, de manière surprenante, Singapour ne figure pas sur la liste française des États et territoires non coopératifs, pour ne pas dire « paradis fiscaux », elle apparaissait encore en bonne place dans la liste publiée par le magazine Forbes en 2010 parmi les dix premiers paradis recommandés, en huitième position, juste derrière les Bermudes et après le Luxembourg ou les îles Caïmans.

L’actualité française récente nous a aussi montré les connexions existant entre la Suisse et Singapour.

Par ailleurs, la spécificité de Singapour réside aussi dans son niveau d’opacité. En effet, dans un document publié en 2015 par l’ONG Tax Justice Network classant les États en fonction de leur indice d’opacité financière, Singapour figure en quatrième position sur 92 États classés, le premier d’entre eux étant la Suisse, État dont nous reparlerons tout à l’heure.

Lors de l’examen de cette convention en commission, le groupe CRC a annoncé réserver son vote. Après réflexion, compte tenu des réserves majeures que je viens de mentionner et en pleine lucidité, il s’abstiendra, considérant que, compte tenu de la situation de Singapour, des progrès très sérieux restent à accomplir.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie Éric Bocquet d’avoir rappelé la situation géographique de Singapour. Cela m’a fait penser que c’était une spécialité de nos amis britanniques de créer des micro-États – Koweït, anciennement Hong Kong, Brunei – partout où il y avait soit des besoins stratégiques, soit du pétrole.

M. André Gattolin acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Singapour rentre évidemment dans cette catégorie. La cité-État a été occupée par les Japonais, mais reconquise brillamment et douloureusement par l’armée britannique.

L’accord qui nous est présenté aujourd’hui vise à remplacer la convention fiscale franco-singapourienne du 9 septembre 1974. L’idée est de moderniser les relations fiscales entre les deux pays, d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales. C’est d’autant plus important que la cité-État est devenue un grand carrefour économique en Asie du Sud-Est.

J’aborde l’examen de cette convention avec un sentiment un peu différent de celui qu’a exprimé Éric Bocquet. Pour ma part, je considère que nous avons plutôt des raisons de nous réjouir de voir Singapour consentir des efforts et s’ouvrir à un petit peu plus de transparence, incomplètement, il est vrai.

Le dynamisme commercial de ce pays est très important, qui possède le deuxième port du monde. Et comme vous le savez, un port génère énormément d’activité, soit des activités directement portuaires, soit la finance, car il faut assurer le financement des importations et des exportations.

La France veut renforcer ses liens économiques avec Singapour. Elle n’est en effet que le sixième investisseur européen et le dix-huitième investisseur étranger dans cet État, qui est la voie d’accès au marché des dix pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, l’ASEAN. Y sont implantées quelque 600 entreprises de toutes tailles, très grandes pour certaines, comme Dragages-Bouygues Construction, qui est la première entreprise de travaux publics, Alstom ou encore Thales – et toutes les grandes entreprises du CAC 40 –, mais aussi de très nombreuses petites entreprises, particulièrement actives dans le secteur des services aux entreprises et dans le secteur de la finance.

La convention permettra de renforcer la sécurité juridique des personnes morales et physiques en clarifiant les règles applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États et de sécuriser davantage les recettes fiscales, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État.

Nous espérons que cette adaptation des mesures relatives à la répartition des droits d’imposer se fera en notre faveur.

Les principaux éléments de cet accord ont déjà été évoqués. Il prévoit non seulement l’augmentation de six à douze mois de la durée minimale requise pour considérer qu’une activité de construction est constitutive d’un établissement stable, l’imposition des intérêts versés par une entreprise dans le seul État du bénéficiaire, mais aussi une diminution du taux maximal de la retenue à la source pour certains dividendes, en fonction du niveau de détention, de 10 % à 5 %.

De plus, il supprime le mécanisme de crédits d’impôt fictifs, qui permet, à ce jour encore, à un contribuable résident d'imputer sur son imposition en France un montant proportionnel à certains revenus exonérés à Singapour.

Cet accord intègre également, dans son article 28, un nouveau dispositif anti-abus dans un objectif de lutte contre l’optimisation fiscale. Après la Suisse, le chemin de l’optimisation fiscale – on en connaît des exemples célèbres –…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… passait désormais par Singapour, sur recommandation de certains banquiers. Nous espérons que cela sera désormais moins souvent le cas, pour ne pas dire plus jamais.

Enfin, l’accord met en place un dispositif d’échanges de renseignements qui ne sera pas limité aux personnes ou aux impôts couverts par l’accord, conformément aux normes de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, dites normes « BEPS ».

Certes, cet accord présente certaines faiblesses, dont certaines ont été évoquées par M. le rapporteur. Ainsi, il ne porte pas sur les impôts sur la fortune, mais pour la bonne raison qu’il n’en existe pas à Singapour ! Cet État, comme l’Arabie saoudite, est, en la matière, un peu un pays de cocagne. Tous deux sont en tout cas le genre de pays que vous n’appréciez pas, monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes chargé de faire rentrer les impôts !

Cet accord est toutefois la preuve de la volonté de coopération de cette nation, qui mettra d’ailleurs en place un système d’échange automatique de renseignements. Nous y reviendrons plus en détail lorsque nous évoquerons la Suisse. C’est pourquoi, l’Assemblée nationale ayant voté ce texte à l’unanimité, j’appelle le groupe socialiste et républicain à faire de même.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. le rapporteur et Mme Jacky Deromedi applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le flux des conventions fiscales bilatérales que nous étudions, celle qui nous lie à Singapour mérite une attention particulière, d’abord parce que cette cité-État insulaire est ou, au moins jusqu’à une date récente, a été l’une des principales plaques tournantes de l’évasion fiscale internationale ; ensuite, parce que Singapour ne s’est pour autant jamais résumée à un banal paradis fiscal. Elle bénéficie d’une économie réelle et dynamique, cela a été rappelé, et elle constitue de surcroît un véritable partenaire commercial pour la France.

On voit donc bien se dessiner pour notre pays le double enjeu de cette convention : il s’agit de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, d’une part, et de fluidifier les échanges économiques et commerciaux, d’autre part.

Si le résultat, que nous examinons aujourd’hui, n’est pas mauvais, il n’est toutefois pas totalement satisfaisant.

D’un point de vue économique, il semble que tous les moyens aient été mis en œuvre pour favoriser les investissements croisés. Néanmoins, on peut regretter que cette convention, qui se substitue à celle de 1974, ait été conçue récemment, alors même que l’Union européenne s’était déjà engagée dans l’établissement d’un accord de libre-échange avec Singapour.

La superposition, manifestement volontaire, de ces deux accords n’augure donc pas un basculement, pourtant souhaitable, de la diplomatie économique et fiscale du niveau bilatéral vers le niveau européen.

En matière de lutte contre la fraude, il faut globalement reconnaître que le comportement de Singapour est à présent assez coopératif. Les récentes demandes d’informations de notre administration fiscale ont été raisonnablement honorées. De plus, Singapour s’est engagée à souscrire à l’échange automatique de renseignements à partir de 2018.

Toutefois, cette convention ne présente pas, en matière de fraude, l’ensemble des garanties que l’on aurait pu en attendre au regard des standards internationaux. Comme l’a justement relevé notre rapporteur, l’arsenal des clauses anti-abus comporte un certain nombre de failles, qui pourraient être exploitées avec malveillance. Compte tenu de l’historique des pratiques attachées à ce territoire, il aurait été préférable de prendre les précautions les plus strictes.

Pour conclure, si cette convention entérine des avancées par rapport à la précédente, elle présente aussi des limites, ce qui conduira le groupe écologiste à s’abstenir.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’hymne officiel de la cité-État de Singapour est : « Puisse Singapour progresser ». Gageons que l’accord dont nous débattons aujourd'hui permettra lui aussi de faire progresser les relations fiscales entre nos deux États.

Malgré son éloignement géographique, ce micro-État d’Asie du Sud-Est, d’une surface de 714 kilomètres carrés pour plus de 5 millions d’habitants, est de plus en plus souvent présenté comme le nouvel horizon de l’optimisation fiscale. Si les Européens parvenaient à démanteler les paradis fiscaux du vieux continent, les investisseurs cherchant à échapper à l’impôt pourraient, dit-on, trouver hors d’Europe de nouveaux havres pour perpétuer certaines pratiques aujourd’hui décriées. Singapour serait ainsi, selon certains, un bon exemple de ces paradis fiscaux offshore pour les entreprises ou les riches particuliers occidentaux.

Mais Singapour, c’est aussi, et peut-être surtout, la porte d’entrée du commerce en Asie du Sud-Est. Depuis quelques années, ce pays cherche à se positionner dans les technologies de pointe pour capitaliser sur son développement économique spectaculaire depuis trente ans et garantir sa prospérité future. Les ingénieurs français sont présents dans les secteurs de l’industrie et de la finance. En tout, environ 10 000 de nos concitoyens sont expatriés à Singapour.

Par ailleurs, la France et Singapour entretiennent une coopération de défense fructueuse dans le domaine aérien.

Alors que le centre de gravité économique du monde tend à se déplacer de l’Atlantique vers le Pacifique, il est plus que jamais essentiel de nous assurer de solides points d’appui dans la région.

J’estime que le nouvel accord signé le 15 janvier 2015 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude à l’impôt sur le revenu contribue à entretenir de bonnes relations avec ce partenaire stratégique et à développer les échanges.

En premier lieu, l’accord modifie les règles économiques bilatérales dans un sens plus favorable aux investissements et aux échanges commerciaux. À ce titre, je salue le traitement plus favorable de la situation des étudiants, stagiaires et enseignants français expatriés, qui bénéficient désormais d’une exonération d’impôt sur les bourses et rémunérations pour une durée de deux ou trois ans.

En second lieu, l’accord apporte des améliorations en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il introduit une clause générale anti-abus et diverses mesures anti-abus complémentaires. Il comporte toutefois des insuffisances qui ont été soulignées en commission des finances.

Malgré ces réserves, j’estime que ce texte va globalement dans le bon sens. C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE approuveront ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Claude Kern applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comprendrez que, ayant été élue des Français de Singapour avant mon élection au Sénat et étant résidente depuis vingt-sept ans à Singapour, où j’ai créé un cabinet d’aménagement d’espaces professionnels et commerciaux, je m’intéresse particulièrement au projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

Le 15 janvier 2015, M. le ministre des finances a signé avec son homologue singapourien la nouvelle convention fiscale franco-singapourienne.

Le premier objectif de cette convention est d’améliorer les conditions fiscales pour les nombreuses entreprises françaises établies sur place. Les deux ministres signataires se sont dits confiants dans le potentiel d’accroissement des flux commerciaux et des flux d’investissement de la nouvelle convention, alors que les relations économiques entre Singapour et la France sont déjà excellentes.

Rappelons que Singapour a fêté l’an dernier le cinquantième anniversaire de son indépendance. La France s’est associée à ce grand événement. Singapour est un partenaire commercial important tant la cité-État a acquis un poids important dans l’économie mondiale : c’est l’un des cinq États avec lesquels l’Hexagone a un excédent commercial après le Royaume-Uni, Hong Kong et les Émirats arabes unis. En 2013, c’était même le troisième du palmarès, avec un excédent de 2, 3 milliards d’euros selon Bercy. Surtout, Singapour ne compte pas moins de 600 filiales d’entreprises françaises, ainsi que 15 000 Français sur son sol.

Comme le souligne le site de l’ambassade de France à Singapour, la cité-État « met tout en œuvre pour créer un environnement économique favorable au développement et à l’épanouissement des entreprises et des talents étrangers : des infrastructures hors pair, des services très efficaces, un cadre juridique sécurisant, une qualité de vie certaine ».

La convention fiscale franco-singapourienne datait de 1974. Les relations commerciales entre les deux pays ont considérablement évolué depuis cette date. Il était temps d’actualiser ce texte en l’adaptant à ces nouvelles données économiques. Notre collègue Éric Doligé ayant excellemment développé les dispositions de la nouvelle convention dans son rapport, je me bornerai à pointer quelques orientations du nouveau texte.

D’abord, les notions de résidence et d’établissement stables qui figurent dans toutes les conventions fiscales présentent quelques particularités dans le texte soumis à nos délibérations. Ainsi, l’article 4 de la convention s’éloigne du modèle de l’OCDE s’agissant des critères de détermination de la résidence en supprimant le troisième critère, la nationalité.

Par ailleurs, la définition de résident n’exclut pas les contribuables uniquement soumis à une obligation fiscale limitée dans l’un des deux États.

La notion d’établissement stable a été précisée en ce qui concerne les chantiers de construction, d’assemblage ou de montage.

La durée des chantiers au-delà de laquelle l’imposition du résultat revient à l’État de situation du chantier est portée à douze mois, au lieu de six mois dans l’actuelle convention. Les activités de supervision liées à la réalisation d’un chantier seront soumises à la même règle.

Autre particularité : l’imposition des dividendes. Le taux limite de la retenue à la source prélevée sur les dividendes sera de 5 %, au lieu de 10 % dans l’actuelle convention, lorsque la société détient une participation d’au moins 10 % dans le capital de sa filiale établie dans l’autre pays. C’est une bonne nouvelle pour nos entreprises. En revanche, le taux limite restera fixé à 15 % dans tous les autres cas.

Le but premier de toute convention fiscale est d’éliminer les doubles impositions. Il s’agit notamment de permettre à une entreprise imposée dans un État de bénéficier d’un crédit d’impôt dans l’autre pour ne pas être taxée deux fois. Cette méthode a été modernisée. La nouvelle convention supprime le mécanisme des crédits d’impôt forfaitaires qui concernent les dividendes, les intérêts et les redevances. Le crédit d’impôt correspondra à l’impôt effectivement payé à Singapour.

Ouverte aux échanges, Singapour lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a évalué, lors de son assemblée plénière à Jakarta les 21 et 22 novembre 2013, la législation et les pratiques de Singapour. Cette évaluation place Singapour au même niveau que des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

La coopération de nos deux pays en matière fiscale est excellente. Depuis 2011, une cinquantaine de demandes de renseignements ont été adressées à Singapour par la France. Toutes ont obtenu des réponses dans un délai jugé très correct, de deux mois en moyenne.

La nouvelle convention comprend un dispositif d’échanges de renseignements conforme au standard international. Elle prévoit aussi d’améliorer les échanges dits « à la demande », lors d’enquêtes, en les mettant aux nouvelles normes de l’OCDE. L’engagement a été pris de part et d’autre de mettre en œuvre la nouvelle norme mondiale sur l’échange automatique de données fiscales d’ici à 2018. L’échange automatique est perçu comme le moyen le plus efficace d’éradiquer la fraude.

Des mesures anti-abus sont prévues, pour éviter que ne bénéficient de cette convention des sociétés n’ayant aucune activité économique réelle à Singapour, mais y pratiquant une optimisation fiscale agressive – montages financiers complexes, etc.

L’un des objectifs est d’éviter le fameux « chalandage réglementaire » : cette pratique décriée par l’OCDE consiste, pour des investisseurs, à s’installer dans un pays uniquement pour bénéficier de son réseau d’accords fiscaux avantageux.

On peut regretter l’absence de mise à jour de l’article sur les redevances. L’absence de clause d’assistance au recouvrement aura un effet induit préjudiciable aux contribuables français lorsqu’ils sont amenés à transférer leur domicile fiscal à Singapour en relevant de l’exit tax. En effet, quelles que soient les raisons de cette nouvelle domiciliation, personnelles ou professionnelles, le contribuable devra continuer à fournir des garanties équivalentes à l’impôt latent, ce qui représente une charge financière. J’invite le Gouvernement à être particulièrement attentif à cette situation.

En résumé, la convention est globalement équilibrée : à la fois, pardonnez-moi cet anglicisme, probusiness et sévère pour les situations abusives. On ne peut que souhaiter sa ratification rapide afin de favoriser les échanges franco-singapouriens, qui sont de l’intérêt de nos entreprises, de l’intérêt de notre commerce extérieur, et qui favoriseront, bien au-delà des intérêts matériels, l’amitié traditionnelle entre nos deux peuples, qui n’a cessé de se renforcer durant les deux dernières décennies.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Madame la présidente, je tiens à remercier l’ensemble des orateurs et particulièrement le rapporteur, Éric Doligé, pour la qualité de son rapport, la pertinence de ses propos, l’analyse détaillée des éléments parfois très techniques de la convention.

Madame Goulet, vous dites que, là où il y a une volonté, il y a un chemin. Nous n’avons pas attendu cette séance pour renégocier et vous proposer la ratification d’un certain nombre de conventions fiscales ! Nous avons réglé, voilà quelques semaines, un problème important avec le Luxembourg concernant les plus-values immobilières. Nous aurons l’occasion – en tout cas nous y travaillons activement – de revenir vers vous au sujet d’autres conventions.

Certains d’entre vous, je pense en particulier à André Gattolin et à Éric Bocquet, après avoir retracé l’histoire de Singapour, ont fait part de leur abstention. J’aurais espéré des raisons plus précises. Évidemment, Éric Doligé y a fait allusion, la renégociation de telles conventions fait parfois l’objet de quelques compromis. Il y a effectivement lieu d’en prévoir compte tenu des différences qui existent entre nos législations fiscales nationales.

Vous dites en substance, monsieur Gattolin, qu’il faut établir une convergence et qu’ainsi nous n’aurons plus besoin de conventions fiscales – je caricature vos propos. À la limite, ce pourrait être le cas en Europe. Avec des législations aussi différentes que celles de pays comme la France et Singapour, il est nécessaire de résoudre les problèmes de doubles impositions.

Je dis parfois en plaisantant que la plupart des conventions fiscales sont destinées, dans leur intitulé, à éviter les doubles impositions, mais elles ont également pour objet, c’est d'ailleurs le cas de la présente convention, de prévenir les non-impositions. Nous travaillons d’arrache-pied à éviter que de telles situations ne perdurent parfois, et c’est bien là l’essentiel. Nous aurons d'ailleurs l’occasion d’y revenir avec l’examen du projet de loi qui vient immédiatement en discussion après le vote que je crois comprendre unanime du Sénat sur cette première convention.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signée à Singapour le 15 janvier 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales (projet n° 251, texte de la commission n° 388, rapport n° 387).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’approbation de l’accord franco-suisse portant protocole additionnel à la convention de 1966 est un pas extrêmement important dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales qui portera l’échange de renseignements sur demande entre la Suisse et la France au niveau élevé du standard actuel de l’OCDE.

Ce texte intervient dans un contexte où nous pouvons saluer les efforts réalisés par la Suisse. En matière d’échange de renseignements sur demande, des progrès substantiels ont été relevés par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, dont l’évaluation doit aboutir en 2016 pour la Suisse.

Nous pouvons surtout considérer que les engagements pris par la Suisse au niveau international et à l’égard de l’Union européenne sur l’application de l’échange automatique d’informations en 2018 sont une avancée majeure et constituent un signal très positif ; j’y reviendrai.

Ces progrès sont visibles au quotidien pour les services de mon ministère. Les demandes d’informations sont en effet largement honorées ces dernières années, ce qui n’était pas forcément le cas antérieurement.

En 2014 et en 2015, le stock de demandes en attente a largement diminué. Ainsi, sur ces deux années, pour 642 nouvelles demandes adressées à la Suisse, nous avons reçu 942 réponses, ce qui signifie que les demandes en attente ont diminué. De même, les délais de traitement se réduisent. Ils étaient de 360 jours, autant dire une année, en 2014 ; ils sont passés à 185 jours, autant dire six mois, en 2015.

La bonne qualité de ces échanges, que le présent texte va encore accroître, contribue indirectement aux excellents résultats du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, dont nous nous faisons régulièrement l’écho. En 2015, 2, 65 milliards d'euros de recettes ont été constatés.

Je vous indique que le rapport du STDR est en cours de relecture et vous sera transmis dans les tout prochains jours. D’ores et déjà, je puis vous confirmer que 91 % des dossiers proviennent de la Suisse. Je puis également vous indiquer que le flux de nouveaux dossiers reste soutenu, même s’il n’est pas complètement équivalent à ce qu’il était lors de la mise en place du service. Les dossiers représentent, en moyenne, des avoirs en légère diminution par rapport aux chiffres antérieurs, mais qui restent supérieurs à 700 000 euros - ils étaient plus proches de 800 000 euros en 2014. Nous avons traité en priorité, vous l’imaginez bien, les dossiers les plus substantiels.

Ces chiffres intéressants nous ont conduits à prévoir, en 2016, 2, 4 milliards d'euros de recettes au titre du STDR. Selon les premières constatations du mois de janvier, nous pensons raisonnablement que ce chiffre sera assez facilement atteint ; nous réfléchissons même à mettre en œuvre des moyens supplémentaires pour pouvoir le dépasser.

L’accord soumis à votre approbation reprend les dispositions qui avaient été retenues dans le projet de nouvelle convention sur les successions dont la Suisse a, in fine, refusé la ratification. Nous avons dénoncé la convention existante de façon à faire revenir dans le droit français le traitement des successions concernant les échanges avec la Suisse. Toutefois, la convention antérieure prévoyait un certain nombre de dispositions concernant les échanges d’informations que nous avons reprises dans cette convention. Par conséquent, si la dénonciation de la convention antérieure a remis dans le droit national français le cas des successions, elle ne correspond en rien à une dégradation des obligations d’informations dans le cadre des successions.

Le principal apport de cet accord est qu’il nous permettra d’adresser à la Suisse des demandes d’assistance administrative portant sur des groupes de contribuables sans qu’il soit nécessaire de fournir les noms et adresses, ce qui constituait – on peut parler au passé, j’imagine que le vote du Sénat pourrait être positif – un handicap dans le traitement des demandes.

À ce titre, la Suisse fondait la lecture des échanges de courriers signés entre les autorités compétentes du 11 février 2010 sur une interprétation restrictive qui a donné lieu à des surprises, ou en tout cas à l’absence de résultats notamment dans un certain nombre d’affaires connues que quelques-uns d’entre vous ont probablement en tête. Cette situation prendra fin avec l’adoption de cette nouvelle convention.

Par ailleurs, pour les informations bancaires, l’État requérant n’aura pas à désigner nécessairement l’établissement financier qui détient les éléments recherchés, ce qui, là aussi, permettra de résoudre des situations qui n’avaient pas pu l’être dans le passé.

L’accord contient en outre une clause de portée générale pour prévenir d’éventuelles interprétations restrictives pour la suite.

Pour finir, rappelons que ces nouveaux outils sont applicables à tous les faits constatés depuis le 1er février 2013, ce qui correspond, vous le savez, à notre délai de reprise de trois ans prévu aux articles L. 169 à L. 189 du livre des procédures fiscales.

De surcroît, et c’est un élément important, les renseignements peuvent, quant à eux, remonter jusqu’au 1er janvier 2010, ce qui devrait nous permettre d’exploiter de façon tout à fait intéressante certains renseignements en notre possession – la presse s’en est fait parfois l’écho – et ce qui incitera, je l’espère, ceux qui pourraient entendre ces propos à se précipiter au STDR avant d’être rattrapés par la patrouille.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Nous, nous n’avons rien !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Cela va mieux en le disant, je vous l’accorde.

Ce texte d’efficacité s’inscrit donc pleinement dans la politique que le Gouvernement mène aux côtés du Parlement pour mettre fin à la fraude et à l’optimisation de ceux qui se soustraient aux charges publiques pour les reporter sur l’ensemble des contribuables.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. J’ai le très grand plaisir de saluer, au nom du Sénat tout entier, la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de députés de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par M. Raymond Bernier, président de la commission des finances de cette assemblée.

M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que vous portez à notre institution.

Au nom du Sénat de la République, je vous souhaite la bienvenue et je forme des vœux pour que votre séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié francophones entre la France et le Québec.

M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous reprenons la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Nous avons bien compris, monsieur le secrétaire d’État, que vos recommandations ne s’adressaient pas à nos collègues présents dans l’hémicycle, ni à nos amis québécois, mais à tous ceux qui se trouvaient à l’extérieur !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Il est toujours difficile d’intervenir après un orateur avec qui on est à peu près d’accord. Je risque donc de répéter un certain nombre de points, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mes chers collègues.

Contrairement à la convention fiscale avec Singapour, qui est de portée générale, le présent accord avec la Suisse vise à répondre à un problème ponctuel et précis : l’échange d’informations fiscales.

Est-il nécessaire de rappeler combien la bonne coopération fiscale avec la Suisse est importante ? Les faits parlent d’eux-mêmes : 85 % des 45 000 régularisations effectuées depuis 2013 auprès du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives proviennent de la Confédération helvétique. On peut aussi rappeler que, en février 2015, l’affaire Swiss Leaks révélait un vaste système de fraude fiscale organisé par la banque HSBC. En janvier 2016, les médias faisaient état de près de 38 000 comptes non déclarés, soit près de 12 milliards d’euros, détenus par des citoyens français auprès de la banque UBS.

On pourrait à première vue s’étonner que le Parlement soit à nouveau saisi de ce sujet : les échanges de renseignements fiscaux entre la France et la Suisse sont, en théorie, régis depuis 2009 par un dispositif conforme au standard de l’OCDE. La convention fiscale bilatérale de 1966, modifiée par un avenant d’août 2009, prévoit en effet un mécanisme d’échange d’informations « à la demande », grâce auquel l’État requérant peut obtenir des éléments de nature à prouver que certaines bases fiscales ont été illégalement soustraites à l’impôt.

Toutefois, la ratification de cet avenant avait à l’époque été conditionnée par la Suisse à la signature d’un échange de lettres, daté du 11 février 2010, qui paraphrase l’avenant par des formulations ambiguës. Alors qu’il aurait tout à fait pu être utilisé par la France pour appuyer ses demandes, cet échange de lettres est en pratique invoqué par la Suisse pour écarter de nombreuses requêtes, qu’elle ne juge pas « vraisemblablement pertinentes ».

L’interprétation restrictive de la Suisse interdit notamment les demandes qui ne comportent pas le nom et l’adresse du contribuable, et celles qui ne désignent pas précisément la banque qui détient les informations, des éléments que, par définition, on ignore fréquemment, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé.

C’est très précisément à ces insuffisances que s’est heurtée la demande adressée par la France le 24 janvier 2013 dans le cadre de ce qui est devenu « l’affaire Cahuzac ». D’une manière générale, l’attitude vétilleuse des autorités suisses aboutit fréquemment à ce que les réponses, si elles sont transmises, soient inutilisables. Sur les 426 demandes formulées entre le 1er janvier 2011 et le 15 avril 2013, seules 29 réponses ont été reçues par la France, soit 6, 5 % du total, et seulement 6 ont été jugées satisfaisantes.

Avec la modification des commentaires de l’OCDE sur son modèle et, plus généralement, la pression internationale croissante sur la Suisse, la mise en conformité du dispositif est devenue possible, et même inévitable. Elle a abouti au présent accord du 25 juin 2014, qui aurait dû initialement être inclus dans la nouvelle convention sur les successions si celle-ci n’avait pas été rejetée par le Parlement suisse en 2014.

Ce texte prévoit trois avancées notables.

Premièrement, il assouplit les conditions d’identification de la personne visée : celle-ci doit toujours être « identifiée », mais plus forcément par son nom et son adresse. Cela constitue une réponse à la dissimulation parfois grossière du bénéficiaire effectif des avoirs derrière un prête-nom ou une structure intermédiaire. Elle ouvre par la même occasion la possibilité de procéder à des « demandes groupées ».

Deuxièmement, cet accord met fin à l’obligation d’identifier au préalable l’établissement financier qui détient les informations recherchées. Le nom et l’adresse de la banque ne seront fournis par l’autorité requérante que « dans la mesure où ils sont connus » : en fait, c’est déjà ce que dit l’accord actuel, mais la nouvelle formulation « efface » son interprétation restrictive.

Troisièmement, l’accord contient une clause de portée générale, qui stipule que les éléments de la convention et du protocole « doivent être interprétés de manière à ne pas faire obstacle à un échange effectif de renseignements ». Il s’agit d’une sorte de précaution supplémentaire, recommandée par l’OCDE, et qui devrait prévenir d’éventuelles interprétations restrictives à l’avenir.

Cet accord s’applique aux faits survenus à compter du 1er février 2013, une portée rétroactive qui correspond opportunément au délai de prescription fiscale.

Bien sûr, le présent accord se limite à améliorer l’échange « à la demande » entre les deux pays. Ce dispositif conserve sa faiblesse intrinsèque : il suppose de savoir au préalable ce que l’on cherche, ce qui est par définition rarement le cas, et repose in fine sur la bonne volonté des autorités interrogées.

Toutefois, il est raisonnable d’espérer que la Suisse mette en œuvre l’échange automatique d’informations d’ici à 2018, comme elle s’y est engagée, avec 94 autres pays, le 29 octobre 2014 à Berlin, et comme elle le pratique déjà avec les États-Unis dans le cadre de la loi « FATCA », ou Foreign Account Tax Compliance A ct.

La loi fédérale a été récemment modifiée afin de permettre la mise en œuvre de ce dispositif, qui signe véritablement la fin du secret bancaire. L’échange automatique oblige en effet les États à transmettre de leur propre initiative et de façon exhaustive les informations concernant les comptes détenus par des non-résidents, conformément à une « norme commune de déclaration » particulièrement exigeante présentée par l’OCDE l’année dernière.

S’agissant de l’accord « FATCA », je souhaiterais d’ailleurs interroger le ministre sur la réalité de la coopération des États-Unis. La France a déjà envoyé les premières informations. Les États-Unis sont censés l’avoir fait également de leur côté, conformément à leur engagement : est-ce bien le cas ? Je parle non pas du solde des comptes, car FATCA n’est pas réciproque sur ce point – les membres de la commission des finances l’ont suffisamment déploré –, mais bien de toutes les autres informations. Les États-Unis jouent-ils le jeu ?

Pour en revenir à la Suisse, l’amélioration réelle de notre coopération fiscale devra bien sûr être confirmée dans les prochaines années, mais ses premiers effets sont indéniables. La perspective de la levée du secret bancaire a d’ores et déjà conduit près de 45 000 « repentis » à se manifester auprès du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives depuis 2013, produisant 1, 9 milliard d’euros de recettes en 2014, 2, 7 milliards d’euros en 2015, et probablement un peu plus de 2 milliards d’euros en 2016. La place de Genève, qui ne fait pas mystère de ces bouleversements, incite désormais ses clients à régulariser leur situation.

Concrètement, à quoi ressemblent aujourd’hui les échanges d’informations entre les deux pays ? Il était difficile de le savoir, puisque le « jaune » budgétaire sur la coopération fiscale de la France avec ses partenaires n’était plus disponible depuis deux ans. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir précisé que ce document nous sera remis sous quelques jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Nous avons toutefois pu obtenir quelques chiffres, hier, auprès de vos services, et ils sont intéressants : en 2013, la France a envoyé 246 demandes, mais n’a reçu que 51 réponses, avec un délai moyen de 225 jours : c’était encore le temps des blocages ; en 2014, nous avons envoyé 319 demandes et reçu… 696 réponses ! Ce grand « rattrapage » est bien le signe que les choses ont commencé à changer ; en 2015, nous avons envoyé 323 demandes et reçu 246 réponses.

Dans l’autre sens, la Suisse n’a envoyé qu’une seule demande à la France en 2013 et en 2014, et puis, soudain, 22 demandes en 2015, auxquelles nous nous sommes empressés de répondre. Cela démontre qu’il est sans doute plus intéressant, sur le plan fiscal, d’aller vers la Suisse que vers la France !

Pour conclure, je rappelle que cet accord, qui porte sur la coopération fiscale, n’épuise pas les sujets à régler avec la Suisse : demeurent encore la question des frontaliers, des travailleurs, ou encore de l’accès au marché financier européen. Nous aurons bien sûr à y revenir.

Si le renforcement simultané de l’échange à la demande et de l’échange automatique ne mettra pas fin à la fraude fiscale internationale, il constitue néanmoins un progrès très important, qui aurait été difficilement concevable il y a seulement deux ou trois ans. C’est pourquoi toutes les initiatives politiques qui vont en ce sens doivent être soutenues avec constance et détermination. C’est également la raison pour laquelle la commission des finances souhaite, mes chers collègues, que vous souteniez cette convention fiscale franco-suisse.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, il est plus facile de parler quatre minutes sur Singapour que sur la Suisse, où il y a tant à dire !

« Là où il y a une volonté, il y a un chemin », ai-je dit tout à l’heure. J’espère que vous n’avez pas jugé cette remarque désagréable, monsieur le secrétaire d’État. Au demeurant, j’ai immédiatement précisé que Transparency internationalavait souligné les progrès très importants accomplis par la France, qui lui permettent de se situer de nouveau à un niveau très convenable en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Si cette convention ne constitue pas encore l’éloge funèbre du secret bancaire, l’on s’approche toutefois de l’extrême onction tant les progrès sont importants.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

La mise en place, depuis 2009, du dispositif d’échange d’informations en matière fiscale avec la Suisse porte en effet ses fruits.

Un peu moins de 7 milliards d’euros ont été rapatriés dans les caisses de l’État, ce qui constitue une somme extrêmement importante.

La présente convention prévoit trois avancées particulièrement importantes par rapport à notre cadre bilatéral actuel. Elle assouplit les conditions d’identification et mettra donc un terme aux dissimulations derrière un prête-nom ou une structure-écran. Elle permettra aussi, dans l’attente d’une mise en œuvre par la Suisse des obligations « FATCA », d’achever le cadre d’échange et de dialogue avec nos services fiscaux.

Je veux également revenir sur un point qui ne figure pas dans la convention, mais qui me préoccupe, et sur lequel j’ai eu notamment l’occasion de travailler avec Éric Bocquet : la protection des lanceurs d’alerte. Tous les systèmes qui sont mis en place sont acceptables et vont fonctionner, mais, pour ce qui concerne la fiscalité et la fraude fiscale, la protection des lanceurs d’alerte n’est pas encore totalement assurée, monsieur le secrétaire d’État.

Se pose aussi le problème des ports francs. Là encore, nous tardons quelque peu à avancer et, dans l’excellent rapport des autorités britanniques, l’on découvre que la fraude et l’évasion fiscales nourrissent désormais le terrorisme. La Suisse est citée comme le troisième pays au monde pour le blanchiment d’argent en lien avec le terrorisme. Une porosité existe donc entre évasion fiscale, optimisation fiscale et terrorisme, ce qui nous donne d’autant plus de raisons de lutter contre ces pratiques.

En outre, l’opinion publique supporte de moins en moins ces problèmes de fraude et d’évasion fiscales – l’optimisation est un autre sujet.

Nous voterons bien entendu cette convention, qui va indéniablement dans le bon sens.

En tant que membre de la commission des affaires étrangères, je voudrais toutefois vous faire part, mes chers collègues, de ma grande humilité à l’égard de ces sujets. Je ne peux pas suivre toutes les conventions qui sont conclues ni tout le travail effectué au quotidien par la commission des finances ou par votre cabinet, monsieur le secrétaire d’État, même si je sais combien il est important.

Je crois que des progrès restent à accomplir avec la Suisse. Quoi qu’il en soit, sur cette convention comme sur les textes qui pourront suivre, et pour le travail d’investigation à mener par ailleurs, vous pourrez compter sur le soutien complet de notre groupe.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après une escapade asiatique avec la convention entre la France et Singapour, nous voici revenus sur le Vieux Continent pour examiner la convention fiscale entre notre pays et la Suisse.

C’est peu dire que les relations entre nos deux pays sur les matières financières et fiscales revêtent une certaine complexité et, en tout cas, un intérêt certain.

Pour l’anecdote – et le clin d’œil –, nous traitons ce matin, dans la même séance, des questions fiscales avec Singapour et la Suisse, alors que l’actualité récente a pu nous rappeler l’existence, entre ces deux États, d’une tuyauterie financière et fiscale assez sophistiquée… Mais là n’est pas l’essentiel !

Il s’agit tout de même d’une illustration supplémentaire de la sophistication du système d’évasion fiscale sur notre planète.

Tout cela pour dire, mes chers collègues, que la mise à jour des conventions bilatérales ne constitue plus, aujourd’hui, la réponse adaptée dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale.

Ainsi, pas moins de 3 600 conventions fiscales bilatérales sont en vigueur dans le monde aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Plusieurs décennies seraient nécessaires pour les mettre à jour, les spécialistes – M. Saint-Amans par exemple – parlant de 30 à 40 années pour mener cette tâche à bien…

Il est urgent de changer de méthode et de modèle.

Un travail de fond s’est engagé. L’OCDE, mandatée par le G20, a fait des propositions concrètes et précises. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que le standard international, que nous devons viser, est bien celui de la création d’une convention multilatérale prévoyant l’obligation de transmission automatique des informations entre les administrations fiscales de l’ensemble des États.

Les sommes en jeu – chacun le sait dorénavant – se chiffrent en centaines de milliards d’euros ! À l’heure où les besoins humains sont considérables, l’urgence est d’avancer.

Je souhaite également profiter de ce débat pour rappeler combien il importe que le Parlement aborde les questions liées à l’évasion fiscale le plus régulièrement possible et avec constance. L’échange de ce matin en est une fort belle occasion. En effet, ces sujets ne sauraient être l’apanage de Bercy, les parlementaires qui votent le budget – ou pas, d’ailleurs… – ont un intérêt évident pour ces sujets.

Je me permettrai à ce stade de rappeler la première proposition que les commissions d’enquête du Sénat avaient formulée, à savoir la création d’un Haut-Commissariat à la défense des intérêts financiers publics. Il s’agit certes d’un titre un peu pompeux, mais cette proposition garde toute sa pertinence et son actualité. Cela permettrait notamment d’associer, en son sein, les parlementaires des deux chambres.

Pour en revenir à la Suisse, nous prenons acte du fait que les lignes ont incontestablement bougé, ces dernières années, sous la pression efficace des États-Unis et de la justice française en ce qui concerne la banque UBS ou de l’action des lanceurs d’alerte et de l’opinion publique pour l’autre géant de la finance internationale, la banque HSBC.

Contrairement à celle avec Singapour, nous voterons cette convention fiscale avec la Suisse, en pleine lucidité, afin de marquer un tout petit pas dans la bonne direction.

Le chemin sera long et semé d’embûches. La marche en avant nécessitera beaucoup de volonté politique de la part des États et la mobilisation des opinions publiques ; ils ne devront pas hésiter à s’attaquer au poids de la finance et des grands groupes dans l’économie mondiale.

Nous voterons cette convention, en attendant la grande lumière universelle qui doit rester notre objectif central et urgent.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en attendant la « grande lumière universelle »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… que notre Sénat – laïc – appelle de ses vœux, nous examinons aujourd’hui une convention fiscale ou, plutôt, un accord d’échange de renseignements. En effet, à la différence du texte relatif à Singapour, qui traitait de problèmes fiscaux, celui-ci, qui est relatif à la Suisse, concerne, en fait, les échanges de renseignements dans le cadre des standards actuels de l’OCDE.

Après l’échec d’une tentative de ratification d’une nouvelle convention visant à remplacer les règles de la convention de 1966, parce que le parlement suisse y était très opposé – je pourrais même dire extrêmement opposé… –, il s’agit de modifier le point XI du protocole additionnel pour renforcer le dispositif juridique de coopération bilatérale.

Nous le faisons dans ce cadre bilatéral, parce que nous disposons effectivement d’une convention avec la Suisse, comme c’est le cas avec plus d’une centaine de pays. Toutefois, des dispositions de cette nature existent désormais entre les États membres de l’Union européenne eux-mêmes et nous pouvons espérer que la Suisse, qui passe beaucoup de temps et dépense beaucoup d’énergie à négocier des accords avec l’Union européenne, se raccroche finalement à ces dispositions. Nous serons alors dans un cadre multilatéral, ce qui est souhaitable en effet.

L’avenant du 27 août 2009, aujourd’hui en vigueur, et l’interprétation qu’en fait la Suisse sont contraires à la norme internationale.

Nombre d’entre vous ont dû lire, comme moi, Le Monde daté d’aujourd’hui : on y dénonce les pratiques d’une grande banque suisse, qui a mis en place, dans les années 2000, une fraude fiscale de grande ampleur en France, et certainement dans d’autres pays. En 2014, cette banque aurait détenu entre 13 et 23 milliards d’euros d’actifs français occultes, selon le juge chargé de l’affaire.

Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter est donc essentiel, dans la mesure où il est devenu impératif, pour la Suisse, de mettre fin à ces pratiques et de coopérer efficacement et de manière transparente avec les autres administrations fiscales.

Les États-Unis avaient fait plus simple : ils avaient juste présenté aux Suisses le dispositif FATCA, en leur montrant l’endroit où signer… Sans cette signature, les droits des banques suisses d’exercer sur le territoire américain auraient été retirés… Mais les États-Unis sont les États-Unis et nous sommes plus diplomates…

Le nouvel accord permettra de fluidifier l’échange d’informations avec la Direction générale des finances publiques en France et facilitera ainsi la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.

Comme ceci a déjà été dit, les demandes d’assistance administrative pourront désormais porter sur des groupes de contribuables, sans qu’il soit nécessaire de fournir leurs noms et adresses. Dans la convention actuelle, ce point constitue un obstacle majeur puisque, souvent, nous ne disposons évidemment pas de ces informations et la Suisse en profite pour ne pas répondre… Cela entrave grandement le travail de nos administrations, étant donné la lenteur des procédures nécessaires pour donner le nom de chaque individu mis en cause.

Cette première évolution répond aux besoins de notre administration fiscale, qui doit certainement être lasse des obstacles juridiques qu’elle rencontre dans ses relations avec la Suisse. Souvenons-nous du cas célèbre d’un ancien ministre…

Plus que cela, le texte que nous adoptons aujourd’hui permettra de clarifier les modalités de mise en œuvre de l’échange de renseignements bancaires, en n’exigeant plus l’identification de l’établissement détenteur des avoirs du contribuable en cours de vérification.

Enfin, l’échange d’informations sur demande, que permet cet accord, sera d’autant plus satisfaisant qu’il concerne tous types d’impôts et de contributions, y compris les impôts indirects perçus par les administrations des douanes, ainsi que la fiscalité fédérale, cantonale – très importante en Suisse, comme l’ont montré les discussions sur la convention en matière de droits de succession – et locale.

Depuis qu’il a été mis en place en 2013, le service de traitement des déclarations rectificatives a bien fonctionné : 2 milliards d’euros en 2014, dont 80 % – voire 90 %, comme vous venez de nous l’indiquer, monsieur le secrétaire d’État – proviennent de Suisse. Pour reprendre l’exemple de la présente affaire UBS, ce sont 4 200 clients, qui ont choisi de régulariser leur situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Si cet accord ne constitue qu’une étape transitoire vers une coopération bilatérale réellement satisfaisante, et peut-être plus tard vers une coopération multilatérale, il clarifie de manière cruciale les accords fiscaux déjà conclus et il interdit à la Suisse d’interpréter ses obligations fiscales et bancaires de manière restrictive.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain votera le projet de loi qui nous est soumis.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe UDI-UC et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme Singapour, qui a occupé notre précédent débat, la Suisse est un des principaux protagonistes de l’évasion fiscale internationale, avec un rôle qui excède largement celui de certains États confettis dépourvus d’économie réelle…

Longtemps, il a été de bon ton de commenter avec une certaine fatalité, pour ne pas dire une complaisance certaine, l’attraction exercée par les paysages et le climat helvètes sur les grandes fortunes comme sur les petits magots, notamment français.

Depuis quelques années, grâce à la volonté politique des États-Unis et au courage de quelques lanceurs d’alerte, qui n’ont d’ailleurs pas échappé à certaines poursuites, ce que tout le monde savait et tolérait confusément commence à prendre une tournure plus précise.

Les banques suisses, aux premiers rangs desquelles UBS et la filiale locale de HSBC, ont développé une fraude massive, soustrayant des dizaines de milliards d’euros aux administrations fiscales étrangères.

Non seulement ces banques en ont fait une activité commerciale lucrative comme une autre, en mettant en place un système aussi sophistiqué qu’illégal de démarchage des prospects, mais la Suisse elle-même assumait sans vergogne, en pleine crise mondiale, son soutien actif à cette démarche d’affaiblissement des États.

En particulier vis-à-vis de la France, l’attitude de la Suisse a été sans nuance : soutien juridique dans les actions de justice intentées contre ses banques, refus d’appliquer l’échange d’informations à la demande prévu par la convention bilatérale modifiée en 2009, rejet du véhicule législatif de 2014…

Elle aura tout tenté – absolument tout – pour préserver son secret bancaire !

Pourtant, la présente convention introduit, enfin, une formulation sans ambiguïté juridique de l’échange d’informations à la demande. De plus, la Suisse s’est engagée à appliquer l’échange automatique à partir de 2018.

Deux éléments ont concouru à ce miracle – je parle naturellement d’un miracle laïc ou républicain, pour éviter les ambiguïtés de tout à l’heure…

Sourires de M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

D’abord, le rapport de force brutal instauré par les États-Unis avec leur loi FATCA.

Ensuite, la menace du forum de l’OCDE d’étiqueter la Suisse comme un paradis fiscal, avec toutes les conséquences économiques qui en auraient découlé.

En la matière, seuls payent le volontarisme, la transparence et le rapport de force.

Lorsque nous décidons, comme dans la dernière loi de finances rectificative, que les schémas d’optimisation fiscale agressive des entreprises relèvent du secret des affaires, nous faisons le choix politique de tolérer la disparition de milliards d’euros de recettes fiscales, …

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

… comme nous avons fermé les yeux, pendant des décennies, sur la transhumance franco-suisse des valises de billets.

En conclusion, s’il reste par ailleurs plusieurs contentieux en matière de fiscalité ou de protection sociale entre la France et la Suisse, cette convention entérine un progrès majeur quant aux échanges d’informations.

C’est pourquoi le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’accord signé à Berne le 25 juin 2014 entre les gouvernements français et suisse modifie le protocole additionnel à la convention fiscale bilatérale de 1966.

Déjà modifiée par des accords antérieurs, cette convention, pourtant ancienne, a longtemps laissé des marges de manœuvre substantielles aux deux parties, et, phénomène bien connu, la Suisse a construit une grande partie de sa prospérité sur les règles fiscales bien particulières qui s’y appliquent aux investisseurs et aux épargnants étrangers.

Néanmoins, depuis la crise financière de 2008, la révélation de scandales impliquant des établissements helvétiques ou les activités d’établissements européens en Suisse a jeté l’opprobre sur les pratiques d’optimisation et d’évasion fiscales permises par le secret bancaire.

Nous pouvons cependant regretter que l’attitude plus coopérative désormais adoptée par les autorités helvétiques soit à mettre essentiellement au crédit d’une initiative américaine, et non européenne. Les États-Unis, avec la loi FATCA, adoptée en 2010, ont donné l’impulsion majeure d’une coopération fiscale internationale accrue, qui passe notamment par des accords d’échange automatique de données. Ce dispositif, qui est en train de devenir la norme internationale, pourrait entrer en vigueur pour les échanges avec la Suisse dès 2018, bien que cette évolution suscite des réticences prévisibles chez nos voisins alpins.

L’accord que nous examinons aujourd’hui se situe en amont de l’échange automatique. Concernant les échanges à la demande, c’est-à-dire les échanges tels qu’ils se font aujourd’hui, il met en conformité le dispositif d’échange de renseignements fiscaux entre la France et la Suisse avec le standard le plus récent développé par l’OCDE.

Tout d’abord, il assouplit les conditions d’identification des contribuables, autorisant notamment les demandes d’informations groupées.

Ensuite, il lève l’obligation d’identification préalable de l’établissement financier détenteur des informations.

Enfin, il instaure une clause générale prévenant d’éventuelles interprétations restrictives.

L’inflexion de notre politique fiscale en la matière, notamment depuis 2012, porte d’ores et déjà ses fruits, puisque l’administration fiscale a enregistré plusieurs dizaines de milliers de demandes de régularisation.

Nous approuvons toutes les mesures permettant de progresser dans cette voie, car, à nos yeux, la vertu fiscale est d’abord une obligation citoyenne, et, dans ce cas de figure, contribue également à améliorer la situation de nos finances publiques.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, les membres du RDSE approuveront à l’unanimité le présent accord.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d’approuver un accord bilatéral conclu entre la France et la Suisse le 25 juin 2014, quatre mois avant la conclusion de l’accord multilatéral engageant 94 États, dont la France et la Confédération helvétique, le 29 octobre 2014, à Berlin.

Notre rapporteur, Éric Doligé, dont je tiens à saluer la qualité du travail, l’a rappelé : cet accord bilatéral visait à pallier les défauts de l’avenant du 27 août 2009 modifiant la convention fiscale bilatérale de 1966.

Dans le cadre de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales entre la France et la Suisse, cet accord de 1966 prévoyait un échange d’informations bancaires et fiscales dit « à la demande », c’est-à-dire au cas par cas.

L’avenant de 2009, signé après l’éclatement de la crise financière, avait amélioré le dispositif en le rendant conforme aux derniers standards de l’OCDE en matière d’échanges de renseignements.

Néanmoins, jusqu’à l’accord de 2014, la Suisse avait freiné la mise en œuvre pleine et entière du dispositif par des artifices purement formels qu’a très bien explicités notre rapporteur.

À la suite de l’éclatement de scandales financiers, et devant l’insistance française, dont l’essentiel de l’évasion fiscale concernerait notre voisin helvétique – le coût de cette évasion fiscale, je le rappelle, a été évalué par un rapport du Sénat en juillet 2012 entre 30 milliards et 50 milliards d’euros par an –, mais également sous la pression internationale, résultant notamment de l’accord américain dit « FATCA », la Confédération a été contrainte de remédier à cette situation.

L’accord de 2014 met donc un terme aux ambiguïtés de forme issues de l’accord de 2009.

Ainsi, l’indication du nom et de l’adresse du contribuable visé, de même que l’identification préalable de la banque concernée, qui rendaient la demande d’informations quasi impossible, ne seront plus exigées. Les demandes groupées d’identification de personnes seront également possibles.

L’accord de 2014 est rétroactif, afin d’éviter les mouvements frauduleux d’ici à sa ratification : il porte ainsi sur tout renseignement établi depuis le 1er janvier 2010 et sur les faits survenus à compter du 1er février 2013.

Cet accord du 25 juin 2014 constitue ainsi un pas supplémentaire dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales en Suisse, mais ce pas deviendra décisif quand l’échange non plus seulement à la demande, mais également automatique sera mis en œuvre.

L’absence d’automaticité des échanges, du fait de la réticence de nombreux États, a en effet mis au jour les limites du dispositif pour déceler les comptes bancaires de Français dans des pays étrangers où ils ne sont pas résidents.

Cependant, la loi américaine de 2010, dite « FATCA », a progressivement changé la donne.

En obligeant tous les établissements financiers à travers le monde à transmettre au gouvernement américain toutes les informations en leur possession sur les comptes à l’étranger des ressortissants américains, sous peine d’une retenue à la source dissuasive de 30 % sur leurs flux financiers, cette loi a poussé plusieurs pays européens, puis les pays du G20, à se mobiliser en faveur de l’échange automatique et à élaborer une « norme commune de déclaration », sous l’égide de l’OCDE.

L’accord multilatéral du 29 octobre 2014 met en œuvre cette nouvelle norme mondiale.

Les premiers pays européens à s’être mobilisés furent notamment la France, ce dont je me félicite, mais aussi l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, qui entreprirent dès 2013 les premiers efforts en matière d’échange automatique d’informations, afin d’inciter les juridictions à appliquer la nouvelle norme mondiale.

Désormais, ce sont 94 États qui se sont engagés à signer l’accord multilatéral du 29 octobre 2014 ; 79 l’ont signé pour le moment.

Un premier groupe de 57 pays, dont la France, amorcera les premiers échanges d’informations à partir de 2017. La Suisse fera partie, en 2018, de la seconde vague, qui regroupera 37 pays, dont les États qui vont avoir le plus de travail pour rendre leur législation compatible avec les nouvelles règles : outre la Suisse, citons par exemple les Bahamas, Andorre et l’Autriche.

Pour se mettre en conformité avec le dispositif d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, les établissements financiers devront mettre en œuvre une série de « diligences raisonnables » afin d’identifier les comptes des non-résidents et de commencer à collecter les renseignements financiers.

Selon la nouvelle norme commune de déclaration de l’OCDE, les renseignements qui devront être transmis comprendront l’identité et le numéro fiscal du contribuable, le numéro du compte, le solde et les revenus financiers qu’il produit.

En attendant, l’accord bilatéral que nous examinons aujourd’hui constitue une avancée. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir ce qu’il adviendra des demandes d’informations sur les binationaux, français et suisses. La Suisse pourra-t-elle les décliner, au motif que ces binationaux sont suisses, ou bien considérera-t-elle leur nationalité française ?

Dans l’attente de cette réponse, conformément à la position de notre rapporteur, Éric Doligé, et de la commission des finances, je voterai, ainsi que l’ensemble du groupe Les Républicains, ce projet de loi, qui permettra de lutter plus efficacement contre l’évasion et la fraude fiscales.

Comme vous le voyez, bien qu’étant français, et non pas suisse, j’ai respecté l’horaire. Comme aurait dit La Fontaine, j’avance à un « train de sénateur. »

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

M. André Gattolin. Vous êtes une belle mécanique !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il y aurait beaucoup de choses à dire…

M. Bocquet a dit tout à l’heure que la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales ne devait pas être l’apanage de Bercy, pour reprendre son expression, mais devait être partagée avec le Parlement. C’est pourquoi je souhaite répondre à un certain nombre d’interrogations légitimes, qui, au-delà des vôtres, sont celles de l’ensemble des contribuables français, et donc de tous les Français, puisque tous nos concitoyens sont contribuables, d’une façon ou d’une autre.

J’ai cru comprendre qu’une unanimité, cette fois sans abstention, se dessinait sur ce projet de loi. Je vous en remercie, parce que, en bons Français, nous sommes souvent nombreux à pointer ce qui n’a pas encore été fait, et ce qui reste à faire – c’est bien ! –, mais nous oublions, tout aussi souvent, de saluer le chemin déjà parcouru.

En matière d’acceptabilité de la fiscalité, nous devons être prudents. Sans verser dans l’autosatisfaction, l’enthousiasme ou « le cirage de pompes », nous devons envoyer le message suivant à nos concitoyens : des progrès importants ont été accomplis – Transparency international a été cité plusieurs fois ce matin –, mais il reste des choses à faire. Je le répète beaucoup a été fait, et d’autres avancées sont sur le point de se concrétiser.

J’ai bien entendu un certain nombre de messages, notamment d’André Gattolin sur le secret des affaires, mais j’y reviendrai. En tout cas, comme nous nous sommes efforcés de le faire ce matin, nous devons toujours faire en sorte de redonner confiance à nos concitoyens dans nos institutions, quelles que soient les majorités ou les sensibilités au pouvoir, en n’oubliant jamais de souligner ce qui est fait, tout en ayant l’humilité de reconnaître, madame Goulet, qu’il reste du chemin à faire. Je le dis avec la franchise qui caractérise toujours les nombreux échanges que nous avons dans cet hémicycle.

En ce sens, le STDR est une réussite, mais il faut bien avoir à l’esprit qu’il ne s’agit pas de blanchir ou d’exonérer qui que ce soit. Nous faisions allusion aux 2, 65 milliards d’euros récoltés en 2015. Savez-vous que, sur cette somme, 1, 7 milliard d’euros représentent les droits qui auraient dû être payés, et que 900 millions d’euros correspondent aux pénalités et amendes y afférentes ?

Nous ne nous contentons pas de réclamer les droits antérieurs dus par ceux qui se présentent au STDR : ils paient des pénalités. Selon un calcul approximatif à partir des chiffres que je viens de vous donner, quelqu’un qui vient au STDR paie non seulement ce qu’il aurait dû payer, mais également 50 %, en moyenne en plus, au titre de ce qu’il avait omis de payer.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

La question n’est pas tant de rapatrier ses avoirs à l’étranger – tout le monde est heureusement en droit d’en posséder –, mais de les déclarer. Le montant des avoirs aujourd’hui constaté sur les dossiers complets, donc sur environ les deux tiers ou les trois quarts des 45 000 dossiers, est de 26, 7 milliards d’euros. Ces avoirs, compte tenu de leur nature et du public concerné, pourront d’ores et déjà être assujettis, la plupart du temps et selon les montants, par exemple à l’ISF.

On nous a souvent fait le reproche de trop mettre en avant ces recettes, qui ne seraient que ponctuelles, alors que, vous le voyez, en découlent aussi un certain nombre de recettes récurrentes, notamment au titre de l’ISF ou de l’impôt sur le revenu applicable aux produits éventuels de ces capitaux.

Monsieur le rapporteur, au-delà des analyses que vous partagez avec le Gouvernement, vous avez posé un certain nombre de questions précises.

Il est vrai que nous rencontrons quelques difficultés techniques et administratives pour mettre en œuvre la réciprocité de la transmission des informations avec les États-Unis dans le cadre de l’accord FATCA. Ces derniers jours, peut-être même ces dernières heures, des contacts ont eu lieu entre nos administrations. Je vous en rendrai compte le moment venu, mais nous sommes sur le point de signer un accord. Peut-être est-il d’ailleurs déjà signé, mais je préfère rester prudent et vous dire que sa signature est a priori imminente.

Le « jaune » budgétaire sur la coopération fiscale de la France avec ses partenaires est en cours de finalisation. Il sera disponible dans les mois qui viennent, mais si tel n’était pas le cas, je ne serais pas vexé que vous me le rappeliez !

Monsieur le rapporteur, je voudrais revenir sur la formulation que vous avez utilisée selon laquelle l’affaire Swiss Leaks aurait déclenché les différentes affaires de fraude fiscale. Si elle a bien sûr joué un rôle, les deux affaires les plus importantes, déjà évoquées à plusieurs reprises, impliquant HSBC et UBS, ont été respectivement déclenchées par Hervé Falciani et par des lanceurs d’alerte qui, au sein d’UBS, ont révélé un certain nombre de pratiques, les fameux « fichiers vache » et les « carnets du lait ».

Qu’ont fait le Gouvernement et l’administration et où en est-on aujourd’hui ? Je ne voudrais pas laisser croire que nous n’avons pas suivi ces dossiers.

Au moment de la communication des informations par plusieurs salariés d’UBS, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, qui a été immédiatement saisie, a entrepris une investigation qui a abouti à des sanctions administratives dont UBS s’est acquittée.

Parallèlement, l’ACPR a sur-le-champ transmis le dossier à la justice qui a engagé des procédures. Ces procédures suivent leur cours, et comme plusieurs orateurs l’ont souligné, les journaux s’en font régulièrement l’écho, encore ces dernières heures.

Certains, dont je fais partie, déplorent la lenteur de ces procédures. Cette affaire remonte en effet à 2010, voire à 2009.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Or nous sommes aujourd’hui en 2016. Mais, je le répète, des sanctions financières ont été prononcées par l’ACPR et le dossier judiciaire est en cours d’instruction.

Parallèlement, les informations obtenues par l’administration fiscale, c’est le cœur de notre débat de ce matin, ont été exploitées lorsqu’elles pouvaient l’être, c'est-à-dire lorsque les noms et les adresses des contribuables visés étaient connus. Grâce à l’accord dont le présent projet de loi tend à autoriser l’approbation, nous pourrons les exploiter plus largement. À ce stade, un certain nombre de personnes ont été pénalement poursuivies, voire condamnées dans le cadre de l’affaire UBS, mais le secret fiscal m’empêche d’en dire plus.

Par ailleurs, je connais bien le dossier de l’affaire HSBC puisque j’avais commis un rapport sur le sujet lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances l’Assemblée nationale, rapport dont beaucoup ont reconnu qu’il avait permis de progresser sur ce dossier, y compris deux journalistes spécialisés sur cette question et auteurs d’un récent ouvrage qui se sont encore exprimés dans le journal Le Monde hier.

Que s’est-il passé dans l’affaire HSBC ? L’administration a exploité tous les renseignements qui lui ont été transmis. La banque et la société mère ont été mises en examen, et l’État s’est porté partie civile dans cette affaire afin de poursuivre pénalement un certain nombre de contribuables, dont certains, parfois connus, ont déjà été sanctionnés.

Certains livrent des noms en pâture dans les journaux, au mépris du secret fiscal et du secret de l’instruction. Je ne souhaite pas faire de commentaire, mais je crois avoir compris hier que la banque UBS portait plainte contre le journal en question pour violation du secret de l’instruction. Encore une fois, la justice se prononcera dans le respect de la protection des sources qui couvre les journalistes.

Madame Goulet, vous avez évoqué la question de la protection des lanceurs d’alerte. Le ministre des finances a récemment annoncé que dans le projet de loi « Sapin II », un dispositif serait prévu afin de la garantir. C’est d’ailleurs l’une des raisons d’être de ce projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres le 24 mars prochain et qui vous sera soumis prochainement.

Permettez-moi avant de conclure de revenir sur la question des binationaux soulevée par M. Alain Houpert.

Monsieur le sénateur, je peux vous répondre qu’à ce stade, la Suisse est tenue de répondre à toutes les demandes concernant des personnes relevant du fisc français, dont les binationaux.

J’en termine en revenant sur une affaire qui fâche.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

M. André Gattolin. La fessée sera pour moi !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Il n’est pas question de fessée ! Le débat en question, qui fait rage régulièrement, va bien au-delà de vous, monsieur le sénateur. Je crois d’ailleurs qu’hier encore une radio m’a brocardé comme le protecteur de la fraude fiscale, au motif que je refuserais la publicité du reporting pays par pays.

L’importance des mesures prises doit-elle être masquée par ce qui reste à faire ? À la fin de l’année 2015, c’est une véritable révolution que vous avez votée, sur la proposition du Gouvernement : les entreprises ont désormais l’obligation de fournir à l’administration fiscale le reporting pays par pays de leurs effectifs, de leurs bénéfices, des subventions touchées et des impôts payés.

N’est-ce pas là l’essentiel ? Qui traite les affaires fiscales et entreprend les redressements ? C’est bien l’administration fiscale ! Si l’opinion publique, la presse, les organisations qui travaillent sur ces sujets jouent parfois – et même toujours – un rôle utile en stimulant et en aiguillonnant le débat, le plus important n’est-il pas que l’administration fiscale dispose de ces informations ? C’est désormais chose faite, et nous sommes l’un des premiers pays à avoir mis en place une telle obligation.

Le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de l’opposition sur le projet de loi de finances pour 2016, s’est prononcé sur l’obligation de déclarer au fisc ces informations de reporting pays par pays. Il a validé cette disposition, dans la mesure où ces informations ne sont pas publiques et qu’elles ne font pas obstacle au principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre. Cette décision, que je vous invite à lire, date du 29 décembre 2015.

Si je n’ai pas développé cet argument selon lequel la publicité du reporting pays par pays heurterait un principe constitutionnel lors des débats devant le Parlement, c’est parce que nous militons pour que l’ensemble des pays, européens du moins, adoptent des dispositions tendant à imposer une telle publicité.

Michel Sapin et moi-même l’avons dit et redit, et Pierre Moscovici, dont la proximité avec la France est assez connue

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Au printemps prochain, la loi Sapin II fournira peut-être un véhicule législatif adéquat pour transcrire cette disposition, mais il nous faudra alors contourner l’obstacle constitutionnel relatif à la liberté d’entreprendre. Celui-ci entrera en effet en conflit avec un autre principe constitutionnel, celui qui nous oblige à mettre en œuvre les directives européennes. Nous avons commencé à travailler sur ce problème, auquel nous pourrons bientôt apporter une réponse juridiquement sûre.

Je suis convaincu – mais il est facile de l’être après-coup – que ce fameux amendement qui nous a divisés et pour lequel j’ai été brocardé à tort aurait été censuré par le Conseil constitutionnel s’il avait été adopté.

Je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long, madame la présidente, mais je tenais à vous apporter ces précisions afin d’associer le Parlement aux travaux de Bercy, et de nous réjouir ensemble des progrès accomplis. Je ne sais pas si l’on peut parler de jour de la lumière ou de soir des lumières, mais enfin quelques éclairages se profilent !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'État. Au contraire, je vous remercie – et même vous félicite – pour ces explications utiles sur ces sujets éminemment importants auxquels sont sensibles nos concitoyens. Ce qui est complexe ne peut être exposé dans un temps court.

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales, signé à Berne le 25 juin 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.