Intervention de Alain Houpert

Réunion du 18 février 2016 à 10h30
Convention fiscale avec la suisse — Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain HoupertAlain Houpert :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d’approuver un accord bilatéral conclu entre la France et la Suisse le 25 juin 2014, quatre mois avant la conclusion de l’accord multilatéral engageant 94 États, dont la France et la Confédération helvétique, le 29 octobre 2014, à Berlin.

Notre rapporteur, Éric Doligé, dont je tiens à saluer la qualité du travail, l’a rappelé : cet accord bilatéral visait à pallier les défauts de l’avenant du 27 août 2009 modifiant la convention fiscale bilatérale de 1966.

Dans le cadre de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales entre la France et la Suisse, cet accord de 1966 prévoyait un échange d’informations bancaires et fiscales dit « à la demande », c’est-à-dire au cas par cas.

L’avenant de 2009, signé après l’éclatement de la crise financière, avait amélioré le dispositif en le rendant conforme aux derniers standards de l’OCDE en matière d’échanges de renseignements.

Néanmoins, jusqu’à l’accord de 2014, la Suisse avait freiné la mise en œuvre pleine et entière du dispositif par des artifices purement formels qu’a très bien explicités notre rapporteur.

À la suite de l’éclatement de scandales financiers, et devant l’insistance française, dont l’essentiel de l’évasion fiscale concernerait notre voisin helvétique – le coût de cette évasion fiscale, je le rappelle, a été évalué par un rapport du Sénat en juillet 2012 entre 30 milliards et 50 milliards d’euros par an –, mais également sous la pression internationale, résultant notamment de l’accord américain dit « FATCA », la Confédération a été contrainte de remédier à cette situation.

L’accord de 2014 met donc un terme aux ambiguïtés de forme issues de l’accord de 2009.

Ainsi, l’indication du nom et de l’adresse du contribuable visé, de même que l’identification préalable de la banque concernée, qui rendaient la demande d’informations quasi impossible, ne seront plus exigées. Les demandes groupées d’identification de personnes seront également possibles.

L’accord de 2014 est rétroactif, afin d’éviter les mouvements frauduleux d’ici à sa ratification : il porte ainsi sur tout renseignement établi depuis le 1er janvier 2010 et sur les faits survenus à compter du 1er février 2013.

Cet accord du 25 juin 2014 constitue ainsi un pas supplémentaire dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales en Suisse, mais ce pas deviendra décisif quand l’échange non plus seulement à la demande, mais également automatique sera mis en œuvre.

L’absence d’automaticité des échanges, du fait de la réticence de nombreux États, a en effet mis au jour les limites du dispositif pour déceler les comptes bancaires de Français dans des pays étrangers où ils ne sont pas résidents.

Cependant, la loi américaine de 2010, dite « FATCA », a progressivement changé la donne.

En obligeant tous les établissements financiers à travers le monde à transmettre au gouvernement américain toutes les informations en leur possession sur les comptes à l’étranger des ressortissants américains, sous peine d’une retenue à la source dissuasive de 30 % sur leurs flux financiers, cette loi a poussé plusieurs pays européens, puis les pays du G20, à se mobiliser en faveur de l’échange automatique et à élaborer une « norme commune de déclaration », sous l’égide de l’OCDE.

L’accord multilatéral du 29 octobre 2014 met en œuvre cette nouvelle norme mondiale.

Les premiers pays européens à s’être mobilisés furent notamment la France, ce dont je me félicite, mais aussi l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, qui entreprirent dès 2013 les premiers efforts en matière d’échange automatique d’informations, afin d’inciter les juridictions à appliquer la nouvelle norme mondiale.

Désormais, ce sont 94 États qui se sont engagés à signer l’accord multilatéral du 29 octobre 2014 ; 79 l’ont signé pour le moment.

Un premier groupe de 57 pays, dont la France, amorcera les premiers échanges d’informations à partir de 2017. La Suisse fera partie, en 2018, de la seconde vague, qui regroupera 37 pays, dont les États qui vont avoir le plus de travail pour rendre leur législation compatible avec les nouvelles règles : outre la Suisse, citons par exemple les Bahamas, Andorre et l’Autriche.

Pour se mettre en conformité avec le dispositif d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, les établissements financiers devront mettre en œuvre une série de « diligences raisonnables » afin d’identifier les comptes des non-résidents et de commencer à collecter les renseignements financiers.

Selon la nouvelle norme commune de déclaration de l’OCDE, les renseignements qui devront être transmis comprendront l’identité et le numéro fiscal du contribuable, le numéro du compte, le solde et les revenus financiers qu’il produit.

En attendant, l’accord bilatéral que nous examinons aujourd’hui constitue une avancée. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir ce qu’il adviendra des demandes d’informations sur les binationaux, français et suisses. La Suisse pourra-t-elle les décliner, au motif que ces binationaux sont suisses, ou bien considérera-t-elle leur nationalité française ?

Dans l’attente de cette réponse, conformément à la position de notre rapporteur, Éric Doligé, et de la commission des finances, je voterai, ainsi que l’ensemble du groupe Les Républicains, ce projet de loi, qui permettra de lutter plus efficacement contre l’évasion et la fraude fiscales.

Comme vous le voyez, bien qu’étant français, et non pas suisse, j’ai respecté l’horaire. Comme aurait dit La Fontaine, j’avance à un « train de sénateur. »

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