Intervention de Estelle Grelier

Réunion du 18 février 2016 à 14h30
Modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission

Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales :

Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis la révision constitutionnelle du 28 octobre 1962, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République fonde la légitimité des institutions de la Ve République.

Après les deux derniers scrutins présidentiels, en 2007 et en 2012, les différents organismes de contrôle veillant à leur bon déroulement ont formulé plusieurs recommandations d’ordre technique, qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique aujourd’hui soumise à votre examen.

En effet, les mesures proposées par le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission des sondages convergent. L’adoption de cet ensemble de mesures permettrait de moderniser les modalités d’organisation du scrutin et d’éviter, à l’avenir, les contestations récurrentes qui, à chaque élection, nourrissent des controverses, ne débouchant jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.

C’est donc pour remédier à cette situation que le Gouvernement soutient l’adoption de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, que l’Assemblée nationale a adoptée le 16 décembre dernier.

L’adoption de ce texte contribuera à renforcer le cadre juridique dans lequel se tiendront la prochaine élection présidentielle et celles qui suivront, en rendant leur organisation incontestable.

Avant d’en venir au détail de ces propositions de loi, je veux saluer l’engagement du rapporteur, Christophe Béchu, ainsi que le travail important réalisé en commission pour contribuer à traduire dans la loi les avancées nécessaires que nombre d’entre nous souhaitaient, voire réclamaient, depuis des années.

En premier lieu, la proposition de loi organique prévoit de réformer les règles encadrant le système de parrainage des candidats. Elle comprend deux mesures principales à cet égard.

Tout d’abord, le texte prévoit une modification des modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel. Le parrainage devra être adressé par l’auteur de la présentation lui-même, et non plus par le candidat ou l’équipe de campagne, par voie postale ou directement auprès du Conseil constitutionnel, et non en préfecture. Bien évidemment, des dérogations sont prévues pour l’outre-mer et l’étranger. La proposition de loi fixe également la perspective d’une remise des parrainages par voie électronique, le temps, bien sûr, d’élaborer l’interface informatique sécurisée que nécessite un tel dispositif.

Ensuite, le texte prévoit la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat, et non plus seulement des 500 premiers d’entre eux tirés au sort. La procédure actuelle repose en effet sur une inégalité flagrante entre les parrains dont le nom est rendu public par le Conseil constitutionnel et les autres. Nous souhaitons par conséquent mettre un terme à ce traitement différencié, dans la mesure où le principe de responsabilité et l’exigence de transparence doivent conduire les élus à assumer leur choix devant les citoyens.

En deuxième lieu, s’agissant de l’accès des candidats aux médias audiovisuels, la proposition de loi prévoit de substituer un strict principe d’équité à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole réservés aux candidats pendant la période dite « intermédiaire », qui s’étend de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.

Une telle substitution permettra de simplifier, et par là même de clarifier, une réglementation devenue au fil du temps particulièrement confuse. Faire coexister les principes d’égalité des temps de parole et d’équité des temps d’antenne représente, en effet, une source de complications aussi bien pour les candidats que pour les chaînes de radio et de télévision, dont certaines en viennent même à préférer tout simplement ne pas organiser de débats du tout entre les candidats. Cela va sans dire, cette situation n’est satisfaisante pour personne, ni pour les candidats, ni pour les électeurs, et elle nuit à la richesse et à la vigueur du débat démocratique.

En troisième lieu, le texte soumis à votre examen prévoit une réforme des horaires encadrant les opérations de vote.

Sur cette question, le Gouvernement milite pour le statu quo, permettant aux communes d’adapter l’horaire de fermeture des bureaux de vote, en choisissant entre 18 heures, 19 heures et 20 heures. En effet, nous pensons aux communes rurales, auxquelles nous ne voulons pas imposer de contraintes trop lourdes, dans la mesure où l’organisation des bureaux de vote ne leur est pas toujours très aisée.

La commission des lois propose que soit retenu le principe d’un horaire de clôture fixé à 19 heures sur l’ensemble du territoire. Cette harmonisation des horaires de fermeture des bureaux de vote aurait l’avantage d’éviter la diffusion prématurée de résultats partiels ou de sondages susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin, mais présente l’inconvénient de limiter la participation électorale, en raccourcissant d’une heure la possibilité de voter dans les grandes villes, ce qui n’est pas en phase avec l’objectif que nous partageons tous de renforcer le processus démocratique.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra l’amendement déposé par le sénateur Alain Anziani, au nom du groupe socialiste et républicain, visant à maintenir dans la loi la possibilité offerte aux communes qui le souhaitent de bénéficier d’une dérogation jusqu’à 20 heures.

J’ajoute que cette réforme s’accompagne naturellement d’un maintien de l’embargo sur la divulgation des résultats à 20 heures, pour assurer une meilleure information des citoyens et empêcher que le débat public, en particulier dans l’entre-deux tours, ne s’engage sur la base de données et d’analyses erronées.

Enfin, la proposition de loi organique prévoit de mettre en place un système automatique de radiation des listes électorales consulaires pour les Français établis à l’étranger qui rentrent en France. En d’autres termes, dès lors qu’ils quittent le pays étranger où ils s’étaient installés, leur radiation du registre consulaire des Français de l’étranger entraînera automatiquement leur radiation des listes électorales consulaires. Il s’agit là d’une mesure de bon sens, qui à la fois permettra la simplification des listes et garantira leur sincérité.

Par ailleurs, nous approfondirons bientôt la question de la double inscription, à l’occasion du prochain examen d’une proposition de loi transpartisane des députés Pochon et Warsmann, à laquelle le Gouvernement apportera tout son soutien dans la mesure où elle s’inscrit dans l’esprit du texte que nous examinons aujourd’hui.

En conclusion, le Gouvernement salue la décision de votre commission des lois qui, sur l’initiative du rapporteur, Christophe Béchu, a rétabli, pour toute élection, l’obligation de comptabiliser pendant un an avant le scrutin l’ensemble des dépenses et des recettes électorales ayant vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats.

La commission des lois a cependant prévu une durée de six mois pour les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle pour les élections devant avoir lieu après 2017. Sur ce point, en cohérence avec la position que nous avons défendue devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement soutiendra l’amendement du groupe socialiste et républicain visant à rétablir à un an cette durée pour toutes les élections présidentielles, y compris celles qui interviendront après 2017.

En effet, une réduction de six mois de la durée prise en compte aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne et entrerait ainsi en contradiction avec le mouvement de renforcement de la transparence de la vie publique.

Cette proposition de loi constitue une étape supplémentaire dans la démocratisation de nos procédures électorales. Cette démocratisation répond à une demande que les derniers scrutins nous ont rappelée. C’est pourquoi le Gouvernement soutient ce texte avec force et appelle la représentation nationale, par-delà les clivages partisans, à approuver cette initiative.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion