Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 février 2016 à 14h30
Modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Nous estimons que l’heure n’est plus au rafistolage d’un système à bout de souffle et qu’il faut favoriser l’irruption citoyenne dans le cadre d’une VIe République.

Je le dis à tous les démocrates, aux partisans du pluralisme et du débat d’idées : il faut faire vite, car certaines forces entendent également changer la République, en instaurant un régime présidentiel, dans le cadre d’un transfert continu des pouvoirs à l’échelon européen.

Je regrette que, en lieu et place d’un grand débat sur nos institutions, nous n’abordions le sujet de l’élection présidentielle qu’à travers le prisme de ces deux propositions de loi. Ces textes portent sur de multiples questions, dont certaines sont d’une grande importance pour l’organisation de l’élection présidentielle et, nous le verrons, pour le respect du pluralisme.

En ce qui concerne tout d’abord les parrainages, j’estime qu’il faut laisser au candidat la responsabilité de l’envoi des signatures au Conseil constitutionnel. Je m’interroge par ailleurs sur la publicité intégrale des parrainages. En effet, cela ne risque-t-il pas de favoriser les candidats disposant du plus grand nombre de signatures, en particulier pour l’attribution des temps de parole ou d’antenne, alors que, selon nous, l’égalité entre toutes celles et tous ceux qui ont obtenu 500 parrainages doit être assurée ? Le nombre de parrainages recueillis devient un enjeu et leur collecte s’apparentera à un « pré-premier tour ».

S’agissant ensuite des comptes de campagne, je m’oppose fermement, avec mon groupe, à la réduction de un an à six mois de la période de comptabilisation des dépenses de campagne. Selon nous, cette proposition est inacceptable sur le plan de la transparence et de l’éthique ; c’est la voie ouverte à la surenchère financière. En effet, si les plafonds demeurent les mêmes, nous assisterons à l’explosion des dépenses électorales sur une année, ce qui renforcera de facto le rapprochement, déjà si patent – il suffit de s’intéresser à l’actualité de cette semaine, par exemple ! – entre argent et politique. Bien entendu, cette surenchère financière favorisera les grandes formations politiques.

Cette proposition a également pour finalité, à demi avouée, d’exonérer de déclaration les dépenses engagées par un candidat au titre des primaires organisées par son parti.

Nous le voyons bien, cette question du financement est essentielle au regard de l’accélération du processus de bipolarisation – ou de tripolarisation –, débouchant sur une américanisation de notre vie politique, ponctuée de shows médiatiques tous les cinq ans. Comment ne pas s’en inquiéter ?

Nous espérons que le report de l’application de cet article à 2022, proposé par M. le rapporteur et retenu par la commission des lois, permettra de reprendre la réflexion sur le sujet et de revenir à une durée d’un an pour la comptabilisation des dépenses de campagne.

Le point que je vais maintenant évoquer est celui qui suscite les plus vifs débats, à juste titre.

Le Gouvernement, par l’intermédiaire de MM. Urvoas et Le Roux, auteurs de ces propositions de loi, entend supprimer l’égalité des temps de parole entre candidats dans la période dite intermédiaire, qui s’étend de la publication des candidatures par le Conseil constitutionnel à l’ouverture de la campagne officielle et couvre donc trois semaines déterminantes.

La justification de cette mesure est assez étonnante : comme le principe d’égalité ne serait pas bien respecté, on propose de lui substituer un principe d’équité fondé notamment sur la capacité d’animation du candidat ou sur son niveau dans les sondages !

On m’objectera que ces principes guidaient le CSA : cela explique mieux le déséquilibre actuel des temps de parole ! Le bagout de Mme Le Pen, ses capacités supposées d’animatrice et des sondages favorables expliqueraient donc son omniprésence médiatique lors des récentes campagnes électorales !

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