Intervention de Philippe Bas

Réunion du 1er mars 2016 à 21h00
Dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Des membres de tous les groupes politiques représentés à la commission des lois se sont rendus en Grèce, après les déplacements effectués par notre rapporteur à la fois à Calais et en Sicile. Nous avons pu apprécier la qualité du travail des services français, nos agences, l’OFPRA, l’OFII. De même, nous avons pu apprécier la qualité du travail des fonctionnaires de police mis à la disposition de FRONTEX et des agents de la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, en charge de l’évaluation de la sensibilité éventuelle des demandeurs d’asile aux mots d’ordre islamistes. Nous avons également pu apprécier la qualité de l’engagement des organisations non gouvernementales françaises, notamment dans le domaine médical.

Nous avons constaté qu’aucun de nos partenaires européens n’en fait autant. Il nous semble que le dispositif mis en place, s’il apporte des garanties en termes de sélection des demandeurs d’asile admis en France, connaît des limites inhérentes à la situation que chacun peut constater. Certes, il donne de bonnes chances que seuls de véritables demandeurs d’asile soient admis en France et que ceux-ci aient en main le maximum d’atouts pour s’intégrer, en raison de leurs qualifications ou des liens qu’ils auraient déjà avec la France. Il permet en outre d’écarter toute personne sur laquelle pourrait peser le plus petit soupçon d’une sensibilité à des messages djihadistes. Il remplit donc correctement sa fonction.

La faiblesse de ce dispositif – la qualité et l’efficacité des agents qui le mettent en œuvre ne sont pas en cause – est d’un autre ordre : c’est qu’il traite la partie la plus visible du phénomène et que cette partie est aussi la plus petite. Ce dispositif n’est pas de nature à permettre la maîtrise de la partie souterraine de ces flux, dont l’importance n’est pas correctement mesurée. Le mois dernier, nos dispositifs ont permis l’accueil d’un peu moins de cent personnes. Si l’on rapporte ce nombre à l’année 2015, cela signifie que le sol européen a accueilli plus d’un million de personnes.

Aujourd'hui, que constatons-nous ? La Turquie ne respecte pas les engagements qu’elle a pris à l’égard de l’Europe, qui a pourtant mis à sa disposition des crédits importants. La Grèce est débordée, et la crise grecque ne permet pas à ce pays de faire face à ses engagements ; l’aide qu’elle reçoit ne suffit pas encore à permettre l’enregistrement de tous les migrants. §L’appel d’air créé par l’Allemagne a joué un rôle très négatif en amplifiant le phénomène et en le dénaturant. Il a conduit à un afflux de migrants de la misère dont les motivations sont essentiellement économiques et qui n’ont pas de raison d’être acceptés par nos pays. Selon les témoignages que nous avons recueillis sur place, au moins 50 % des migrants sont des migrants économiques.

L’Union européenne se montre impuissante. C’est le sauve-qui-peut général. L’espace Schengen est en train de voler en éclats, la Turquie, je l’ai dit, se dérobe. De nouvelles frontières s’érigent entre nous, y compris en Belgique – et je sais que M. le ministre de l’intérieur a fait les observations qui s’imposaient à cet égard. L’Union européenne se révèle incapable d’agir à la racine du problème, au Proche-Orient. Notre politique à l’égard de la Russie reste à la remorque de la diplomatie américaine.

L’Européen que je suis ne se résigne pas à ce déclin politique de l’Europe, qui la met en grand péril, et s’inquiète de l’incapacité de la France et de l’Allemagne à dépasser leurs divisions pour mettre en œuvre une politique efficace susceptible d’entraîner l’ensemble de nos partenaires européens.

L’Europe ne piétine pas, elle recule. Elle est aujourd'hui gravement menacée. Un sursaut politique et rapide est devenu indispensable.

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