Intervention de François Bonhomme

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Incivilités et terrorisme dans les transports collectifs de voyageurs — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, la commission mixte paritaire a abouti à un accord voilà quelques jours sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Ce texte a pour objet de répondre à deux préoccupations majeures et récurrentes en matière de transport collectif de personnes : la fraude et les risques de sécurité, ce dernier sujet étant particulièrement d’actualité.

La commission mixte paritaire avait de multiples sujets à examiner, dont la difficulté était variable. Sur de nombreux articles, les membres de la commission mixte paritaire n’ont pas rencontré de difficulté majeure pour trouver un accord.

Ainsi, à l’article 2, la précision apportée sur les contrôles exercés par les forces de l’ordre sur les agents des services internes de sécurité permettra d’encadrer le contrôle tout en précisant sa nature. J’ajoute que l’obligation de fournir un bilan annuel de ces contrôles au Défenseur des droits imposera un calendrier d’inspection et de contrôle et les rendra donc effectifs.

Le rétablissement de la garantie que constitue la présentation de la carte professionnelle par les agents des services internes de sécurité intervenant en civil à toute personne en faisant la demande, à l’article 3, est également un élément utile ; il se combine avec les dispositions votées par le Sénat visant à sécuriser les conditions d’intervention des agents de sécurité privée lorsqu’ils interviendront en tenue civile.

À l’article 8, la commission mixte paritaire a ramené de trois à cinq le nombre nécessaire de contraventions reçues en cas de défaut de titre de transport pour constituer le délit de fraude d’habitude dans les transports publics. Je rappelle que, actuellement, il faut avoir fait l’objet de dix contraventions sur une période d’un an pour être passible du délit de fraude d’habitude dans les transports en commun. En pratique, ces conditions rendent ce délit difficile à constituer, même si près de 700 condamnations ont été prononcées à ce titre l’année dernière. Il me semble donc que le seuil de cinq contraventions constitue un bon équilibre.

La commission a apporté plusieurs améliorations à l’article 9 visant à permettre à la personne morale créée par le texte de disposer d’éléments afin d’identifier plus facilement les fraudeurs. Comme vous le savez, ces derniers fournissent bien souvent des identités ou des adresses erronées aux agents de contrôle.

À l’article 13, une infraction sanctionnant le signalement de contrôles en cours dans les réseaux de transports publics de voyageurs, adoptée par la commission, devrait permettre d’enrayer cette pratique, ou en tout cas de limiter celle-ci.

Si d’autres dispositions ont suscité des discussions approfondies lors de la réunion de la commission mixte paritaire, elles ont également fait l’objet d’un compromis tout à fait satisfaisant, me semble-t-il.

Ainsi, l’article 1er ter, inséré sur l’initiative de notre collègue Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, prévoit de permettre l’expérimentation d’un dispositif de caméras-piétons, au bénéfice des agents des services internes de sécurité. La question se posait de soumettre ou non ce mécanisme au régime de la vidéoprotection, tel qu’il est défini dans le code de la sécurité intérieure.

La rédaction adoptée vise donc à créer un régime ad hoc pour ces caméras-piétons. Toutefois, en la matière, les garanties à offrir aux personnes filmées doivent être fixées par la loi. En conséquence, même si ces caméras ne seront pas soumises aux dispositions de la vidéoprotection prévues dans le code de la sécurité intérieure, un certain nombre de renvois ont été effectués vers certaines de ses dispositions, en particulier pour permettre aux personnes enregistrées d’accéder ultérieurement aux images et aux sons enregistrés.

L’article 3 bis permet un contrôle des personnes exerçant des fonctions sensibles dans le domaine des transports collectifs de personnes, ou « criblage ». Cet article important a fait l’objet de nombreux échanges afin d’aboutir à une rédaction équilibrée et, me semble-t-il, efficace. Ainsi, la possibilité de contrôler les personnes ayant déjà été recrutées a été maintenue ; en outre, cette possibilité a été étendue aux entreprises de transport de fret, ce qui est un apport indéniable. Enfin, ces enquêtes pourront être menées à la demande de l’employeur, mais aussi sur l’initiative de l’administration, l’employeur étant informé dans tous les cas des résultats de l’enquête.

Le principe d’une obligation de sécurité à la charge des exploitants de transports publics de personnes a été réintroduit à l’article 6 ter du texte, sous une forme modifiée, afin notamment de lever une ambiguïté sur la possibilité pour les exploitants, autres que la SNCF ou la RATP, de se doter de services internes de sécurité régis par le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS. Surtout, après de longs débats, le principe d’une convention de sûreté dans les transports entre le préfet, les autorités organisatrices de transport et les exploitants a été retenu, sous la réserve toutefois que ce contrat ne mette pas à la charge des autorités organisatrices de transport le financement d’actions ou de services relevant de l’État en application de la loi.

J’en viens, enfin, à l’article 14 de la proposition de loi, inséré sur l’initiative des députés et supprimé par le Sénat. Cet article avait pour objet de lutter contre le harcèlement dans les transports collectifs de voyageurs. La formule initiale posait toutefois des difficultés juridiques, car elle laissait entendre notamment que les harcèlements et les violences pouvaient ne pas être des faits délictuels, alors que ce sont bien des délits et qu’ils doivent de ce fait être poursuivis comme tels, notamment sous la qualification pénale de harcèlement sexuel. En outre, l’obligation de formation des agents des services de sécurité interne relevait du pouvoir réglementaire.

En commission mixte paritaire, un important travail a été mené pour trouver une rédaction permettant de répondre à l’attente exprimée. Une rédaction commune a été élaborée. Un bilan des actions entreprises pour prévenir et recenser les atteintes à caractère sexiste sera adressé annuellement au Défenseur des droits, à l’Observatoire national des violences faites aux femmes et au Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes par les autorités organisatrices de transport. Cette disposition implique que les autorités organisatrices de transport ne devront adresser ce bilan que si elles sont confrontées sur leurs réseaux à ce type de violences.

Par ailleurs, j’ai proposé que la prévention des violences et des atteintes à caractère sexiste soit non pas simplement un axe de la formation des agents des services internes de sécurité parmi d’autres, mais bien un axe prioritaire de leur action quotidienne, ce qui me semble plus effectif qu’une simple obligation de formation. La disposition qui a été adoptée par la commission mixte paritaire me semble donc désormais tout à fait équilibrée.

En conclusion, mes chers collègues, le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire donne des moyens efficaces et accrus aussi bien à l’État qu’aux différents opérateurs de transports ou aux exploitants pour répondre effectivement aux préoccupations exprimées en matière de sécurité et de lutte contre la fraude.

Je vous propose donc d’adopter ce texte, moyennant l’adoption de trois amendements de coordination présentés par le Gouvernement, sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable.

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