J'ai écouté avec intérêt et respect mes collègues exprimer leur désaccord avec le texte du Gouvernement. En ce qui concerne l'état d'urgence, il est vrai que nous pourrions conserver la loi de 1955 avec tout ce qu'elle comporte de souvenirs et d'effets de circonstances. Elle a déjà été modifiée pour effacer les séquelles liées à une situation de guerre interne où la censure, par exemple, était autorisée. Cette loi continuera à évoluer, car elle constitue une réponse efficace aux menaces. L'enserrer dans un cadre constitutionnel pour en alourdir les effets, quand bien même cela limiterait la marge d'initiative du législateur, me paraît être un acte favorable aux libertés. On peut y introduire des dispositions limitatives, à l'image de ce qu'a fait l'Assemblée nationale.
Quant aux conditions d'ouverture de l'état d'urgence, faut-il substituer une expression plus précise à celle de « péril imminent » ? Le débat mérite d'être poursuivi. Pour l'instant, les expressions proposées n'apportent pas un cadre juridique plus contraignant. La notion de « péril grave imminent » a le mérite d'être claire. On peut introduire des mesures supplémentaires d'encadrement du législateur. Fixer des bornes à l'action de l'exécutif pendant l'état d'urgence, telle est la mission première de la Constitution. Qu'une loi ordinaire traite des pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'exécutif, comme nous l'avons fait avec la loi du 20 novembre 2015, est d'ailleurs une anomalie !
Je reste préoccupé par les conséquences qui pourraient être tirées des positions de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, portées par la voix du premier président de la Cour de cassation : on pourrait aller jusqu'à faire disparaître la notion de police administrative ! Si l'on place la protection des correspondances sous l'autorité du juge judiciaire, il n'y aura plus d'écoutes administratives possibles autrement que par l'autorisation d'un juge. J'invite mes collègues à se montrer conséquents.
Enfin, la déchéance de nationalité est une mission de l'État souverain. Je diverge de la position de Michel Mercier en ce que, de mon point de vue, l'autorité judiciaire s'exprime aussi au nom de l'État.