Je me joins aux félicitations adressées au rapporteur. Même si le projet de loi a été replacé dans le contexte des attentats, il faut l'examiner en droit, sans penser à la guerre d'Algérie, sans se tourner vers le passé, mais vers ce qui est susceptible de se passer à l'avenir. A-t-on besoin de constitutionnaliser l'état d'urgence ? Je pense que oui, en suivant la proposition de Philippe Bas : le limiter à trois mois, accorder une place à l'autorité judiciaire et fournir des garanties absentes de la rédaction de l'Assemblée nationale.
Il est surréaliste de consacrer autant de temps au débat autour de la déchéance de nationalité, qui découle d'une manoeuvre politicienne. Le Président de la République a obtenu un effet d'annonce à Versailles en provoquant la sidération des parlementaires, qui n'y avaient pas été préparés. Dans l'émotion, ne pas applaudir le Président de la République, non pour ses propos mais pour sa fonction et pour le symbole de l'unité, aurait été impossible. Or les applaudissements ont été perçus comme un blanc-seing : parce que nous avons applaudi, nous serions tenus de voter le projet de révision ! Si le processus va jusqu'au Congrès, à titre personnel, je ne voterai pas la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité.
Je suis extrêmement choqué par la rédaction issue de l'Assemblée nationale et d'abord par la référence aux délits. Soit cette mesure, censée participer de la lutte contre le terrorisme, ne concerne que des actes de la plus grande gravité, soit c'est un cheval de Troie juridique ! Je soutiendrai l'amendement supprimant la référence aux délits.
Le débat sur l'égalité n'est que faux-semblants. Quelle que soit la rédaction, il y aura une inégalité à la fin. Si on mentionne seulement les binationaux dans le texte, ils seront les seuls concernés par la déchéance ; si on prévoit la déchéance pour tous, l'apatridie concernera les seuls mononationaux ! Nous avons le choix entre deux rédactions distinctes, mais qui aboutissent toutes les deux à une situation d'inégalité. Les binationaux et les mononationaux ne sont pas dans la même situation de départ et, quelle que soit la rédaction, ils ne seront pas dans la même situation à l'arrivée. Les deux me rendent mal à l'aise.
Rien ne serait pire que d'avoir à nous prononcer in fine sur le texte de l'Assemblée nationale. Dans l'intervalle, je préfère celui qui résulterait des amendements proposés par Philippe Bas, mais je ne transigerai pas sur l'article 2.