Notre regard doit évoluer pour prendre en compte le désir des femmes, ignoré pendant des siècles. La prostitution consentie existe, bien sûr, il ne s’agit pas de la nier. Pour autant, peut-on admettre que le consentement d’une seule prostituée rende respectable et acceptable l’esclavage de toutes les autres ?
D’autres grands principes se dressent face au consentement de quelques-uns et de quelques-unes : la non-marchandisation du corps humain, le respect de son intégrité et la dignité de la personne humaine. Notre pays interdit par exemple la vente d’organe du corps humain. Pourtant, je suis sûre que certains de nos concitoyens accepteraient de vendre leur sang, voire leur rein, contre quelques milliers d’euros. Seulement, nous avons collectivement décidé que cette pratique était contraire à la dignité humaine.
Le consentement de quelques-uns ou de quelques-unes n’est pas un argument irréfragable. Ne pas recourir à la prostitution est une question d’éthique ; il s’agit d’une question sociale et non privée. Il faut donc sortir du prisme de la question individuelle et reconnaître ce qu’elle donne à voir de notre société et de la place de l’ensemble des femmes dans cette société.
Inutile de rêver d’une société égalitaire si les hommes ont le droit de se servir sexuellement d’une femme qui n’a pas envie d’eux – personne n’a encore osé défendre l’idée que les prostituées font l’amour par désir –, et qui est alors considérée comme une sous-citoyenne.