Je sais, madame la ministre, que vous aurez vous aussi à cœur de continuer à porter ce combat pour lequel vous êtes engagée depuis 2006, comme vous venez de le souligner.
Nous arrivons donc au terme de cet examen, avec de réelles avancées qui vont permettre de mieux accompagner les personnes prostituées victimes de traite des êtres humains et de réseaux mafieux, et de leur venir en aide.
C’est une très bonne chose, conforme au positionnement abolitionniste de la France ratifié depuis plus de cinquante ans.
Être abolitionniste, faut-il le rappeler ici, c’est ne pas stigmatiser, criminaliser les personnes prostituées reconnues d’abord et avant tout comme des victimes. Je tiens donc à exprimer ma satisfaction concernant l’adoption de l’article 13, qui abroge le délit de racolage.
Pour les articles restant en discussion, deux d’entre eux sont emblématiques et cristallisent tous nos points de divergence. Il s’agit des articles 16 et 17 relatifs à la responsabilisation de clients d’achats d’actes sexuels. Une nouvelle fois, la commission spéciale les a supprimés.
Pour ma part, je propose de nouveau, par voie d’amendements, de les réintroduire, tant ils me semblent fondamentaux et constitutifs de l’équilibre même du texte.
Quand on légifère sur le système prostitutionnel, on doit tenir compte de tous les protagonistes : les personnes prostituées, les proxénètes, avec leurs réseaux de traite des êtres humains, et, enfin, les clients.
Si nous avons avancé ensemble sur l’accompagnement, le suivi des personnes prostituées et sur la répression des réseaux mafieux, il paraît incohérent de ne pas aller jusqu’au bout de la chaîne du système prostitutionnel, en refusant de responsabiliser les clients.
Depuis 2011, la prostitution est considérée, dans notre pays, comme une violence faite aux femmes. À ce titre, comment justifier qu’il ne faut pas poursuivre les auteurs de ces violences ? Pénaliser l’achat d’actes sexuels comme on pénalise le harcèlement, le viol ou les mariages forcés participe à la responsabilisation du client.
Deux jours après la Journée internationale des droits des femmes, je veux encore rappeler ce qu’est la réalité de la prostitution : une violence extrême infligée aux femmes, à leur corps et à leur âme.
Leur espérance de vie est réduite et leur taux de mortalité est six fois plus élevé que celui du reste de la population, d’après un rapport de l’IGAS de décembre 2012. Comment croire que ce phénomène relève du choix, du consentement quand on subit quotidiennement des coups, des menaces, des humiliations et des dizaines de rapports sexuels ?
Il faut arrêter de fermer les yeux et de ne pas voir que le système prostitutionnel est le produit d’une double domination, une domination sexiste – de l’homme sur la femme – et une domination par l’argent, dans un monde où tout est marchandise, même le corps d’une femme !
Les opposants à cette responsabilité du client nous rétorquent que la pénalisation va se révéler inefficace et contre-productive. Personnellement, je n’en suis absolument pas convaincue, et j’ai envie de vous dire que pour n’importe quelle loi, finalement, on n’est jamais totalement certain que nos intentions atteignent nos objectifs.