C’est cette demande qui les amène à s’implanter sur le sol français.
J’en ai reçu une illustration saisissante et inquiétante en Bretagne : un réseau de prostitution chinoise vient d’être démantelé dans une ville des Côtes-d’Armor de seulement 19 000 habitants ! Alors que ces filières étaient auparavant principalement concentrées sur Paris et les grandes villes, elles s’étendent aujourd’hui sur tout notre territoire, et ce, madame la ministre, avant même l’Euro 2016 de football.
Pourquoi cette expansion ? La réponse tient en une phrase, que j’emprunte au chef de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’OCRTEH, qui nous a dit : « Cela doit répondre à une demande. » Un autre policier de l’OCRTEH d’ajouter : « Nous étions loin d’imaginer qu’il pouvait y avoir une telle demande dans une ville de cette taille. »
Alors, mes chers collègues, le client est-il innocent ? Il ne sait pas ce qu’il fait ou d’où viennent ces filles ? Il y a un produit, il l’achète ! Eh bien non ! Le client est l’un des maillons du système prostitutionnel et il ne peut rester systématiquement épargné !
Deux jours après la Journée internationale des droits des femmes et la réception du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes par le Président de la République, qui a rappelé à cette occasion que la prostitution est une violence faite aux femmes, il est essentiel que le client soit reconnu comme un des auteurs de cette violence.
Si 99 % des acheteurs sont des hommes, la grande majorité des hommes ne sont pas des clients ! L’achat d’actes sexuels n’est le fait que d’une minorité d’hommes. Et, comme l’indique à juste titre l’association Zéro macho, défendre la prostitution porte également atteinte à la dignité des hommes, car elle les enchaîne à une conception de la sexualité faite de domination et de frustrations.
La prostitution demeure le symbole d’une domination masculine qui a traversé toutes les époques. « La misère offre, la société accepte », disait Victor Hugo : au XXIe siècle, c’est inacceptable !
Par ailleurs, on entend souvent l’argument de la libre disposition de son corps pour justifier la prostitution. Néanmoins, l’achat d’un acte sexuel, ce n’est pas la liberté de chacun de disposer de son propre corps, c’est la liberté des clients de disposer, avec leur argent, du corps de femmes ou d’hommes dénués de tels moyens et, par conséquent, de la liberté de choix.
Il ne s’agit en aucun cas d’avoir une conception morale de la sexualité ou des relations entre femmes et hommes : l’enjeu est le refus de la marchandisation du corps humain.
Face à cette menace, il est primordial de responsabiliser le client et de poser un interdit clair dans la loi. Celle-ci, même si, on le sait, elle n’est pas efficace à 100 %, exprime les valeurs essentielles d’une société moderne et a une portée symbolique et pédagogique forte.
Quel exemple pour notre jeunesse ! §Vous l’avez dit, madame la ministre. Un rapport récent de l’IGAS signale que la prostitution sous diverses formes est en progression chez les mineurs : entre 6 000 et 10 000 mineurs sont concernés.
Vous conviendrez, mes chers collègues, que l’histoire et nos illustres anciens nous ont montré que, pour conquérir des droits ou faire changer les mentalités et le regard de la société, on a toujours eu besoin de s’appuyer sur des lois, en particulier en matière de lutte contre les violences ou d’égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, si l’on en juge par les sondages parus ces derniers jours sur la perception du viol ou du harcèlement sexiste, ce combat n’est pas encore gagné !
Aussi, je vous demande de voter cette proposition de loi telle que modifiée par les amendements de rétablissement des articles 16 et 17 ainsi que par l’amendement concernant l’article 18, que nous vous proposerons d’adopter.