Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 10 mars 2016 à 10h30
Lutte contre le système prostitutionnel — Article 16

Laurence Rossignol, ministre :

Que dit-on aux enfants ? On leur dit que notre société est neutre s’agissant de l’achat de services sexuels, que lorsqu’ils seront grands, ils pourront, s’ils le souhaitent, acheter ou louer le corps des femmes. Or lequel d’entre nous souhaite cette sexualité pour ses enfants, en particulier pour ses garçons ? Je rappelle en effet que 99 % des clients de la prostitution sont des garçons.

Nous espérons pour eux une sexualité égalitaire avec la personne avec laquelle ils feront des moments de leur vie, respectueuse de la sexualité et du désir de l’autre.

J’en viens à ma seconde remarque. Nous avons mis, nous les femmes, des siècles à faire admettre que nous avions une sexualité, fondée elle aussi sur le désir et sur le plaisir. La sexualité et le désir des femmes ont été niés pendant des siècles. On considérait en effet que les femmes n’étaient que les objets du désir des hommes. On n’admet que depuis peu le désir, ou l’absence de désir, le plaisir, ou l’absence de plaisir, des femmes. Cela ne fait pas longtemps que l’on admet que la sexualité des femmes implique aussi les hommes.

Or en refusant, comme vous le proposez, de pénaliser l’achat de services sexuels en considérant que la sexualité des femmes peut être utilisée en l’absence de leur désir, nous faisons un bond en arrière et nous revenons à cette période, qui date d’une cinquantaine d’années, où l’on considérait que les femmes n’avaient pas de désir. C’est pour moi une terrible régression compte tenu des combats qui ont été menés depuis quelques dizaines d’années.

Enfin, Laurence Cohen l’a fort bien expliqué, il y a à l’égard de l’efficacité de la loi sur la pénalisation du client une exigence d’efficacité que nous n’avons à l’égard d’aucun autre texte, y compris ceux qui ont été votés depuis des années et dont nous savons, pour certains d’entre eux, qu’ils ne sont pas efficaces et sur lesquels pour autant je ne vois pas émaner de proposition de loi visant à supprimer des infractions qui sont pourtant transgressées régulièrement. Dans une société démocratique, il existe toujours de la transgression ; cela fait partie des règles d’une société humaine. Pour notre part, nous édictons des lois, nous disons la morale, le droit, et ensuite nous admettons et pénalisons les transgressions. C’est ce que nous vous proposons avec cet amendement.

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