Intervention de Philippe Bas

Réunion du 16 mars 2016 à 14h30
Protection de la nation — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Heureusement, grâce à la procédure des questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s’est prononcé à trois reprises sur le régime de l’état d’urgence, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait en 1985, mais de manière plus limitée : il a apporté toutes les garanties nécessaires, comme on pouvait le penser, sur sa constitutionnalité.

Il n’y a donc pas de nécessité juridique impérieuse d’inscrire ce régime dans la Constitution. Pourquoi le ferions-nous alors ?

Si nous sommes prêts à le faire, c’est parce que nous sommes sensibles à l’exigence d’inscrire dans la Constitution, qui est le pacte fondamental unissant tous les Français, les moyens de la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, nous voulons qu’un certain nombre de garanties soient apportées par le pouvoir constituant sur la mise en œuvre de l’état d’urgence, afin qu’il ne puisse pas en être fait de mauvais usage, ce qui n’est pas le cas actuellement, je m’empresse de le dire. À partir du moment où cette révision constitutionnelle n’est pas absolument nécessaire, autant faire en sorte qu’à tout le moins elle soit utile ! §C’est tout le sens du travail de la commission des lois.

Concernant la déchéance de la nationalité, la question est plus délicate. Nous sommes tout à fait d’accord avec ce qu’a dit le Président de la République s’agissant de la nécessité d’étendre cette possibilité aux criminels terroristes français de naissance ayant une autre nationalité. Actuellement, seuls les Français ayant acquis cette nationalité pendant leur vie y sont exposés. Il s’agit donc d’unifier ce régime.

Le Président de la République a souhaité apporter une limite à l’extension de la déchéance de nationalité, considérant qu’il ne fallait pas créer d’apatrides. L’Assemblée nationale n’a pas suivi la position du Gouvernement et du Président de la République sur ce point et a adopté d’autres dispositions. C’est son droit.

Je dois dire que, tout comme pour l’état d’urgence, l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution ne s’impose pas avec la force de l’évidence. §Néanmoins, je suis sensible à l’examen qu’a fait de cette question le Conseil d’État. Je considère donc qu’il vaut mieux prendre cette garantie, à titre de précaution, plutôt que de se retrouver dans la situation où il n’y aurait pas d’extension de la déchéance de nationalité du tout. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a accepté d’entrer dans le raisonnement que nous proposent le Président de la République et, à sa suite, le Gouvernement, en adoptant une disposition permettant l’extension de la déchéance de nationalité.

Reste que nous avons refusé de permettre la création d’apatrides. La raison en est que cette mesure serait parfaitement inefficace du point de vue de la lutte contre le terrorisme. En effet, on imagine souvent que, grâce à la déchéance de nationalité, on va pouvoir expulser un étranger qui s’est rendu coupable de crimes graves. Oui, on doit pouvoir le faire, mais seulement s’il a une autre nationalité ! En revanche, s’il est apatride, il faut le garder sur le territoire national, car la France a des engagements internationaux très clairs : elle doit appliquer la protection qui est celle du régime de l’apatridie.

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